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PSYCHIATRIE

Psychiatrie : vers des infirmiers exerçant en pratique avancée ?

Publié le 01/06/2016
psychiatrie graffiti

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La mise en place de l'exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales est l'occasion d'inventer de nouveaux métiers dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale, bien au-delà des délégations de tâches, ont expliqué Gilles Moullec, vice-président de l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), Michel Nicolas, directeur des soins, et le psychiatre Olivier Canceil, lors d'une table ronde de la Paris Healthcare Week , la semaine dernière.

Pratique avancée en psychiatrie : l'occasion d'inventer de nouveaux métiers.

L'article 119 de la loi de santé crée un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales , rappelle-t-on. Un décret doit détailler, notamment, les conditions et les règles de cet exercice.

Outre la loi de santé, le sujet est d'une actualité renforcée compte tenu de la pénurie médicale, a remarqué Gilles Moullec, directeur du centre hospitalier Edouard-Toulouse, à Marseille, et vice-président de l'Adesm, en introduction d'une table ronde organisée précisément par l'association.

Il y a plusieurs conceptions de pratique avancée. Un des sujets centraux est de savoir si c'est simplement une délégation de tâche [...] ou s'il s'agit véritablement de développer des compétences nouvelles, a-t-il résumé.
Michel Nicolas, directeur des soins au Centre ressources régional des métiers et compétences de la santé mentale Auvergne Rhône-Alpes (CRMC Aura), a estimé que les professionnels de santé mentale exercent déjà certaines formes de pratique avancée, mais dans un espace pas toujours sécurisé ni pour eux ni pour les patients. En officialisant ces pratiques, il s'agit donc de reconnaître et développer l'expertise des professionnels.

Agir sur la démographie médicale mais aussi renforcer l'attractivité

Selon lui, ces pratiques permettent de pallier les problèmes de démographie médicale, mais aussi de renforcer l'attractivité de la psychiatrie. Il a également remarqué que ce type d'exercice, qui existait depuis les années 50, avait été régulièrement évalué, et de manière positive. Il a précisé que le décret attendu devait notamment encadrer la formation des paramédicaux de pratique avancée. Pour moi, le master sera vraiment la possibilité de sécuriser cette pratique et de la légitimer, a-t-il assuré. Comme exemple de forme de pratique avancée déjà exercée, Michel Nicolas a notamment cité, dans le champ de la psychiatrie, l'entretien réalisé par un infirmier dans beaucoup de centres médico-psychologiques (CMP) au moment de l'accueil.

Il a également imaginé, dans les champs d'intervention des infirmiers en pratique avancée, la prise en charge des situations [pas trop] complexes [...] qui ne nécessiteraient pas de traitement de chimiothérapie, qui ne nécessiteraient pas de psychothérapie à proprement parler, ce qui dégagerait effectivement aussi du temps aux professionnels médicaux [...] pour traiter les situations un peu complexes qui nécessitent un niveau d'expertise plus élevé. Il a aussi mentionné l'accompagnement des dispositifs de tutorat -les infirmiers sont déjà tuteurs mais généralement, ces dispositifs sont coordonnées par des cadres- et l'accompagnement d'équipes sur des situations complexes -comment l'infirmier en pratique avancée va pouvoir amener une expertise au sein d'une équipe pour [l']aider à réfléchir sur une situation d'impasse thérapeutique ou d'une complexité particulière. Il a aussi, entre autres, évoqué la recherche en soins infirmiers. Cette pratique avancée nous ouvre un possible, aujourd'hui, dans nos structures et nos établissements pour, peut-être, inventer de nouvelles choses et développer des activités qui correspondraient aux besoins des usagers, a-t-il encouragé.

"Si on laisse trop faire les médecins..."

Olivier Canceil, psychiatre et chef de pôle à l'établissement public de santé (EPS) Maison Blanche, spécialisé en psychiatrie, à Paris, a rappelé que son établissement, membre de la communauté hospitalière de territoire (CHT) pour la psychiatrie parisienne, était partie prenante du projet de pratique avancée pilote mené par l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France. Il a d'abord expliqué que l'infirmier était, selon lui, le bon interlocuteur en matière d'évaluation des besoins de soins et de construction du parcours. Il a également un rôle d'éducation thérapeutique, dans le respect de l'observance ou la gestion de crise, a-t-il cité. Il a rappelé les deux approches induites par la répartition entre les infirmiers cliniciens -on est plutôt dans la délégation de tâches- et les infirmiers praticiens -où l'idée serait de partir de la spécificité du métier infirmier, de la spécificité de cette place dans l'environnement du patient, en prise directe avec les besoins du patientOn est pris en tension, toujours, entre ces deux façons d'envisager la pratique avancée dans ce métier. Si on laisse trop faire les médecins, le risque est que l'on ne se retrouve que dans des délégations de tâches, a prévenu le psychiatre.

L'idée, c'est d'inventer de nouveaux métiers [...] -et la psychiatrie est vraiment un domaine où peut s'exprimer la créativité, a-t-il encouragé. Il a cité comme exemple d'organisation mise en place au sein de son établissement, un infirmier en pratique avancée dans une optique transversale d'éducation thérapeutique, pas seulement dans la coordination de programmes, mais vraiment pour faire accéder les patients à l'éducation thérapeutique. Il a mentionné aussi la possibilité de pratiques avancées dans le cadre du projet de soins somatiques en psychiatrie psysomLa pratique avancée n'est pas une façon d'aider dans une situation de pénurie médicale, c'est-à-dire de suppléer la raréfaction du médecin, mais c'est bel et bien de s'appuyer sur l'ensemble des ressources et des compétences pour diversifier les modes de prise en charge des patients, a résumé Gilles Moullec.

Ne pas tomber dans les "corporatismes"

Mais des questions restent en suspens, notamment au niveau statutaire de ces professionnels en pratique avancée. La plus grosse difficulté est, je pense, au niveau statutaire. Il faudra offrir une reconnaissance et notamment un salaire à la hauteur, a précisé Michel Nicolas. Mais les besoins sont tels, a-t-il ajouté... C'est sûr qu'il y a besoin d'une reconnaissance, a réagi Gilles Moullec. Néanmoins, le juridique porte de la reconnaissance mais crée aussi des rigiditésIl faut conserver une capacité d'innovation et être en dehors des sentiers battus. Et moi j'ai l'impression qu'en psychiatrie, il faut que la notion de pratique avancée ne concerne pas seulement les infirmiers, mais aussi les ergothérapeutes, par exemple, a-t-il jugé. Il faut trouver le curseur entre la reconnaissance juridique, les aspects statutaires, la rémunération, mais sans tomber dans les [...] corporatismes, a-t-il prévenu.

Pour rappel, l'Adesm a organisé à la Paris Healthcare Week une autre table ronde sur un thème connexe, le coordinateur de parcours.


Source : infirmiers.com