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PSYCHIATRIE

Psychiatrie - Mobilisation française contre le DSM V

Publié le 23/04/2013

Des psychiatres et psychanalystes réunis au sein de l'initiative "Stop DSM", opposés à la vision de la psychiatrie véhiculée par le manuel américain DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) et particulièrement sa nouvelle version à paraître, le DSM V, se mobilisent en France pour proposer une vision alternative.

Interrogé par l'APM, le Dr Patrick Landman (Paris), qui est à l'origine de cette initiative, indique qu'elle existe depuis "fin 2010" et a été créée "dans l'idée de lutter contre la pensée unique biomédicale en psychiatrie, contre un paradigme purement biologique", qui existait déjà dans le DSM IV et est accentué selon lui dans le DSM V, en prônant "une conception biopsychosociale de la maladie mentale". Bien qu'américain, le DSM est utilisé dans de nombreux pays, rappelle-t-on.

La publication, le 22 mai 2013, du DSM V conduit les spécialistes regroupés dans Stop-DSM à intensifier leur mobilisation, notamment en organisant une conférence de presse le jeudi 25 avril prochain. La nouvelle version est en discussion depuis février 2010 et une polémique sur la définition de la dépression avait été relayée dans The Lancet début 2012.

Plus de 3000 signatures

Interrogé par l'APM sur la représentativité de cette initiative, Patrick Landman n'est pas en mesure de donner de chiffres. Il indique toutefois que le manifeste contre le DSM a recueilli "plus de 3000 signatures", de psychiatres, psychanalystes, usagers de la psychiatrie, psychologues cliniciens, travailleurs sociaux... "Tout le monde n'est pas d'accord" en France, reconnait-il, mais "nous sommes assez bien représentés dans la pédopsychiatrie", et un peu moins dans la psychiatrie de l'adulte. Lors de la publication de la version préliminaire en février 2010, des psychiatres avaient d'ailleurs salué des avancées, rappelle-t-on.

Il rappelle que ce mouvement contre le DSM V n'est pas unique à la France mais qu'il y aussi une opposition dans d'autres pays, Etats-Unis compris. Cette opposition au DSM V concerne notamment la création de "nouveaux troubles mentaux", qui créent de "faux malades qui se voient étiquetés, stigmatisés" et deviennent des "cibles de prescriptions médicamenteuses", selon le dossier de presse de Stop-DSM.

Plusieurs exemples d'une transformation en maladie de comportements qui, selon les opposants, sont des comportements normaux, sont mis en avant : un enfant faisant trois crises de colère forte par semaine pendant une année serait étiqueté "disruptive mood disorder"; la perte de mémoire physiologique avec l'âge serait transformée en pathologie au nom de la prévention de la maladie d'Alzheimer; dès deux semaines après un deuil, un état dépressif persistant serait qualifié d'épisode dépressif majeur, susceptible d'être traité par antidépresseur.

Patrick Landman rappelle que "quand il a fait ses études, on attendait six mois après un deuil" avant d'évoquer une dépression. On peut sans doute réduire à trois mois, estime-t-il, mais "15 jours ça n'est pas raisonnable !"

Il cite également "la gourmandise: avoir 12 accès sur trois mois sera bientôt considéré comme un 'binge disorder'. C'est n'importe quoi !", alors que cela peut être seulement une conséquence temporaire d'une angoisse.

Le fait de "pathologiser tous les événements de la vie" est "une tendance lourde" qui avait débuté avec les versions précédentes du DSM et s'est accrue avec la nouvelle version. Sans être opposé aux médicaments, le psychiatre estime que le DSM sert de "cheval de Troie" à l'industrie pharmaceutique pour la commercialisation des médicaments.

Or, selon lui, les postulats qui servent de base à ces médicaments - le rôle central de tel ou tel neurotransmetteur, qu'il faut corriger - est "réducteur" et "absolument pas validé". A l'époque de l'élaboration du DSM III, les auteurs ont fait "le pari qu'on trouverait des marqueurs biologiques ou d'imagerie pour les maladies mentales". Mais "ce pari a été perdu : plus on avance, plus on s'aperçoit que c'est infiniment complexe".

Patrick Landman précise à l'APM qu'il n'est pas opposé aux classifications. Celles-ci sont nécessaires "pour l'épidémiologie, la recherche, pour avoir un langage commun", mais aussi "pour l'ouverture de droits", par exemple pour des aides aux parents d'autistes, ou pour permettre aux patients de se regrouper dans des réseaux sociaux. "Nous ne sommes pas extrémistes, mais nous refusons le surdiagnostic" qui conduirait à traiter "30% de la population", sachant qu'actuellement déjà 20% de la population française serait sous psychotropes.

Elaborer une classification française

"Nous avons plusieurs pistes pour agir". Notamment, une classification des troubles mentaux adultes, "plus raisonnable", est en cours d'élaboration en France. Elle sera "simple" et inclura "l'idée d'une normalité préservée", avec des notions de seuil. Elle devrait être finalisée courant 2013, précise-t-il. Pour les enfants et adolescents, une classification française existe déjà, la Classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent (CFTMEA), rappelle-t-il.

De plus, "nous travaillons pour que la CIM-11", prochaine version de la classification de l'OMS des troubles mentaux, "ne soit pas calquée sur le DSM V"."Nous associerons les usagers à la classification en cours d'élaboration".


Source : infirmiers.com