Une infirmière de l'hôpital de Saint-Astier (Dordogne) a affirmé mercredi après-midi que toute l'équipe avait une part de responsabilité dans l'acte d'euthanasie pratiqué en août 2003 par une infirmière et un médecin poursuivis devant la cour d'assises de Périgueux.
Chantal Chanel, infirmière, et le Dr Laurence Tramois sont jugées devant la cour d'assises de Périgueux pour avoir réalisé un acte d'euthanasie en août 2003 sur une patiente atteinte d'un cancer du pancréas en phase terminale et hospitalisée à l'hôpital de Saint-Astier, rappelle-t-on.
"Nous avons tous notre part de responsabilité dans cette histoire (.), n'avons pas été suffisamment attentifs à la souffrance", a expliqué à la barre l'infirmière, Joëlle Leman. Insistant à plusieurs reprises sur la notion de "responsabilité commune", elle a estimé que le Dr Tramois avait dû "se retrouver seule".
Elle a précisé qu'elle n'avait jamais eu de problèmes avec la médecin mais a reconnu que celle-ci était "plus distante que les autres". Elle a regretté que l'équipe n'ait pas "ouvert la possibilité d'un dialogue" avec la médecin.
Elle a également raconté qu'elle s'était sentie "un peu dépossédée de son rôle" d'infirmière à cause de l'omniprésence de Sophie Tramois, aide-soignante et belle-fille de la patiente décédée. "Sophie avait le souci d'être plus que parfaite" pour sa belle-mère, ce qui l'a conduite à "un état d'épuisement" tel que cela l'a empêché "de prendre du recul", a rapporté la soignante.
"Je me reproche de ne pas avoir suffisamment cadré" les choses, a-t-elle regretté. Elle s'est ainsi souvenue que l'équipe évitait de parler du cas de Paulette Druais lors des réunions auxquelles Sophie Tramois participait. "C'est pour ça que nous sommes tous responsables", a-t-elle une nouvelle fois répété.
L'infirmière a également rappelé que l'affaire a commencé en pleine canicule. Evoquant de récentes "restrictions de personnel", Joëlle Leman a estimé que la charge de travail était importante et l'équipe fatiguée.
Martine Payenchet, la nièce de la patiente décédée, qui travaille également comme secrétaire à l'hôpital de Saint-Astier, est aussi venue témoigner à la barre.
"Cela fait trois ans et demi qu'on attend de pouvoir faire notre deuil, cela fait trois ans et demi que j'ai du mal à me recueillir sur sa tombe", a-t-elle lancé, en parlant de sa tante de manière très affective, devant l'assistance très émue.
Deux autres témoins, une aide-soignante et une infirmière, ont vanté les compétences et les qualités des deux accusées et ont détaillé les circonstances du décès de Paulette Druais.
PLUSIEURS LETTRES DE SOUTIEN RECUES PAR LE TRIBUNAL
A la fin de l'audience, le président a signalé qu'il avait reçu "entre cinquante et soixante lettres", "en majorité en faveur de Chantal Chanel et Laurence Tramois". Les avocats des accusées ont également fait part des nombreux courriers reçus.
L'avocat de la généraliste, Me Benoît Ducos-Ader, a notamment indiqué qu'il avait reçu un courrier émanant du directeur de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) de Franche-Comté. Ce dernier lui a signalé que plusieurs cas similaires avaient fait l'objet d'enquêtes administratives au sein d'un hôpital de la région mais qu'aucune de ces procédures n'avait donné lieu à des poursuites judiciaires.
Interrogée par APM, Brigitte Bourguignon, la secrétaire générale de l'association Faut qu'on s'active, soutenue par Marie Humbert, a précisé que les lettres adressées aux juges n'émanaient pas de l'association. "Nous ne voulons pas faire pression sur la justice", a-t-elle expliqué.
Elle a précisé à l'APM que l'association lancerait jeudi soir, quel que soit le verdict, un appel citoyen aux élus pour revendiquer "une fois pour toute" une loi pour l'exception d'euthanasie.
L'association avait proposé cette "exception d'euthanasie" en 2004: il ne s'agit pas de légaliser l'euthanasie mais d'introduire une 'exception' dans le code pénal lorsqu'une aide active à mourir a été apportée à une demande clairement exprimée, dans des conditions strictement définies, rappelle-t-on.
En marge du procès, Chantal Chanel, qui comparaît libre, a répondu, lors d'une conférence de presse improvisée, aux questions des journalistes. Elle a indiqué qu'elle avait éprouvé mercredi, lors de la troisième journée du procès, "beaucoup d'émotion" en revivant "des choses difficiles". "Je suis bouleversée et, en même temps, portée par tous ces témoignages que je reçois de toute la France", a-t-elle ajouté.
Le procès devrait reprendre jeudi matin avec l'interrogatoire des deux accusées. Suivront le réquisitoire des avocats généraux et les plaidoiries des avocats. Le verdict pourrait être rendu jeudi dans la soirée.
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