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LEGISLATION

Prescription par téléphone en situation d’urgence : conditions de validité

Publié le 20/04/2011

Les recommandations de l'HAS permettant de prescrire par téléphone s’appliquent uniquement dans des situations exceptionnelles et dans le cadre de la régulation médicale. Toutes les autres hypothèses en sont exclues.

En application du droit commun, une prescription médicale doit être écrite, datée et signée après examen du patient par le médecin prescripteur.

Dans le cadre de la régulation médicale, le médecin ne voit pas le patient et n’a que rarement la possibilité de l’interroger par téléphone sur son état de santé.

Il est cependant habilité à prescrire un traitement par téléphone à titre exceptionnel, sous réserve de se conformer aux recommandations de l’HAS.

L’objet de la présente étude est de décrire les situations où la téléprescription est autorisée et d’analyser les recommandations professionnelles dans un souci de qualité et de sécurité des soins.

Dans un second article, il sera fait un point sur le domaine de compétences des IDE (infirmières diplômées d’État) intervenant dans une situation relevant de l’urgence.

Il convient d’insister sur le domaine d’application des recommandations de l’HAS : elles sont applicables uniquement dans le cadre de la régulation médicale. Toutes les autres hypothèses sont exclues de leur champ d’application.

1. La téléprescription : un domaine d’application très restreint

Le domaine d’application reste très limité du fait de la spécificité de la régulation médicale : une personne et /ou un patient appelle pour un problème de santé, mais le médecin en ligne ne peut pas examiner le patient. Il peut, en revanche, poser toutes les questions nécessaires pour établir un diagnostic et au besoin, prescrire un traitement, sous réserve qu’il s’agisse d’une situation d’urgence.

En effet, il ne suffit pas d’appeler le 15 pour obtenir une prescription médicale. La dérogation à la règle de droit commun de prescrire sans examen préalable du patient est déterminée par l’état de santé du patient, qui doit relever soit du niveau R3 ou R4 .Son état de santé ne doit relever ni de l’urgence vitale, auquel cas le SMUR est envoyé, ni de l’urgence nécessitant l’envoi d’un médecin de proximité ou d’une ambulance.

Ainsi, la HAS limite la possibilité de téléprescrire aux seules situations suivantes :

  • « Demande de soins non programmés nécessitant un conseil médical ou thérapeutique pouvant aboutir à une prescription médicamenteuse (médicament présent ou absent de la pharmacie familiale), après avoir éliminé une urgence vitale ou une urgence nécessitant un examen médical immédiat ;
  • situations nécessitant en urgence l’adaptation d’une prescription préalable (par exemple adaptation des posologies en fonction des résultats d’analyses biologiques, de l’état clinique du patient, etc.) alors que le patient et/ou le médecin régulateur n’ont pu joindre le médecin prescripteur. »

La prescription médicale par téléphone nécessite la plus grande vigilance, d’où son caractère exceptionnel. Le médecin régulateur doit s’assurer que le patient et/ ou son interlocuteur a bien compris les modalités de la prescription, de la prise du traitement et de la nécessité de consulter si les symptômes persistent.

Si le médecin régulateur a le moindre doute quant au niveau de gravité de l’état du patient ou sur les capacités de compréhension du patient quant à la prescription, il est conseillé de ne pas procéder à la prescription par téléphone. Elle reste occasionnelle et doit faire l’objet d’une analyse vigilante en terme de Bénéfices / Risques par rapport à l’intérêt du patient.

2. Organisation de la prescription

La prescription médicamenteuse doit intervenir en deuxième intention. En effet, la HAS préconise, au préalable, de privilégier les conseils hygiéno-diététique.

A titre exceptionnel, le médecin peut prescrire par téléphone tout traitement nécessaire eu égard à l’état de santé du patient.

Comme il n’a pas la possibilité de l’examiner et d’avoir à chaque fois des réponses précises à ses questions, la HAS recommande au médecin régulateur de privilégier des traitements disponibles dans la pharmacie personnelle du patient et/ou de l’interlocuteur (prévention du risque et notamment des effets iatrogènes).

Au préalable, le médecin doit s’assurer de la date de péremption des médicaments, de leurs modes d’administration et du dosage.

Dans l’hypothèse d’une adaptation du traitement, il est recommandé de faire le point sur les modalités de prise du traitement, de lire l’ordonnance avec le patient et de l’interroger sur l’évolution de son état de santé depuis le début de la prise du traitement.

Si le patient et/ou l’interlocuteur ne comprend pas les informations, le médecin doit procéder à une prescription écrite et demander au patient de se rendre dans une pharmacie pour que toutes les informations lui soient données.

La prescription doit être adressée à la pharmacie déterminée avec le patient, de préférence, par courriel sécurisé ou en cas d’impossibilité par télécopie. Le pharmacien doit pouvoir vérifier l’origine et l’identité du prescripteur. Ces informations doivent donc être mentionnées sur l’ordonnance.

La HAS recommande qu’y soit inscrite la mention « ordonnance à expliquer au patient ou son entourage en vérifiant la bonne compréhension ».

Cette prescription doit pouvoir être facilement identifiable comme étant une prescription par téléphone, en portant, par exemple, la mention « téléprescription ».

3. Prescription par téléphone et degré de responsabilité des intervenants

Le médecin régulateur : Dans le cadre de son activité, il est habilité à prescrire un traitement par téléphone sous réserve des préconisations citées ci-dessus. Il doit, également, veiller à la continuité des soins en informant le médecin traitant.

Le pharmacien : Comme pour toute prescription, le pharmacien se doit d’analyser l’ordonnance et de donner toutes les informations nécessaires au patient. Dans le cadre d’une prescription établie par le médecin régulateur, il va donc recevoir l’ordonnance par mail ou par télécopie.

Dans tous les cas, un support écrit est nécessaire. A la réception de la prescription, si le pharmacien a le moindre doute, il se doit de contacter le prescripteur pour avoir toutes les informations utiles préalablement à la délivrance du traitement.

Le médecin traitant : Le suivi de la prescription relève de sa compétence dès lors qu’il en a été informé.

« La régulation médicale des appels permet de garantir à la population une écoute médicale permanente afin de déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels et de permettre si besoin l’accès immédiat aux soins.

Dans ce contexte, en cas de prescription par téléphone, certaines spécificités de la régulation médicale doivent être prises en compte :
  • le médecin ne connaît pas le patient ;
  • l’appelant peut ne pas être le patient ;
  • le médecin prescripteur ne peut pas procéder à un examen physique ;
  • la prescription par téléphone peut être envisagée en cas de classification de degré d’urgence
  • R3 ou R41.

Après l’examen de la situation et l’analyse de l’état du patient avec les informations dont il dispose par téléphone, le médecin régulateur identifie le niveau de gravité de l’urgence. En fonction de ce niveau de gravité, il prend la décision de déclencher ou pas une intervention médicale par les moyens les plus appropriés. S’il décide de ne pas déclencher de moyen, le médecin régulateur apprécie alors la nécessité ou non d’une prescription médicamenteuse par téléphone. En cas de doute, celui-ci doit bénéficier au patient. »

4. Traçabilité de la prescription

Toutes les communications reçues au centre de régulation médicale sont enregistrées et le patient en est informé. L’enregistrement de l’entretien avec le patient fait partie intégrante du dossier médical. D’où l’importance de conserver les bandes d’enregistrements.

De plus, la HAS préconise que soit archivés au centre de régulation :

  • L’ordonnance téléprescrite,
  • Le récépissé d’envoi de l’ordonnance au pharmacien,
  • La copie de l’ordonnance validée retournée par le pharmacien.

Concernant le délai d’archivage des pièces, il convient de se reporter à la durée de conservation des archives par les médecins. Sur ce point, le CNOM (Conseil national de l’Ordre des médecins) conseille aux médecins d’appliquer le même délai d’archivage que celui appliqué par les établissements de santé, soit 20 ans.

De plus, aux termes de l’article R.1112-7 du code de la santé publique, « le dossier médical est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l'établissement ou de la dernière consultation externe en son sein ».

En conséquence, l’ensemble des informations relatives au patient doit être conservé quelle que soit la date à laquelle elles ont été constituées ou recueillies par l’établissement de santé, tant que le dernier passage du patient ne remonte pas à plus de vingt ans.

Messages clés de la HAS sur la prescription par téléphone dans le cadre de la régulation médicale :
Ces recommandations ne concernent que la prescription médicamenteuse dans le cadre de la régulation médicale.
HAS : Prescription médicamenteuse par téléphone (ou téléprescription) dans le cadre de la régulation médicale



Nathalie LELIEVRE
Juriste spécialisée en droit de la santé
nathalie.lelievre@infirmiers.com
Rédactrice infirmiers.com


Source : infirmiers.com