Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, l'a annoncé ce matin sur France Inter : "afin de renforcer la lutte contre le Sida, les jeunes - et moins jeunes - pourront aller voir leur médecin et avoir des préservatifs remboursés sur prescription médicale..." Suite à l’annonce de cette mesure, on peut se poser quelques questions : les jeunes en question iront-ils chez leur médecin, feront-ils cette démarche pour obtenir une prescription de préservatif ? Dans le contexte actuel d’une démographie médicale sous tension, auront-ils facilement accès à cette prescription ? Et puis, pourquoi cette prescription ne serait-elle pas ouverte aux infirmiers alors qu'ils peuvent, par exemple, prescrire la contraception d'urgence ou le patch nicotinique. Une limitation de compétences qui interroge alors que la grogne infirmière est plus que d'actualité.
Ce 27 novembre, sur France Inter, au micro de Nicolas Demorand et de Léa Salamé, la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn a annoncé une nouvelle mesure à destination, notamment, des jeunes, et ce à compter du 10 décembre 2018 : le remboursement intégral d'une marque de préservatifs - EDEN, préservatif masculin lubrifié - sur prescription médicale suite à un avis favorable rendu par l'autorité de santé, afin de renforcer la lutte contre le Sida. Il s’agit d’une mesure de bon sens, à l'approche du 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le Sida, alors même que les cas de séropositivité continuent à être dépistés sans diminution significative : environ 6 000 chaque année dont 800 à 1 000 chez les moins de 25 ans, selon Santé Publique France. On peut toutefois se poser quelques questions suite à l’annonce de cette mesure. Les jeunes en question iront-ils chez leur médecin, feront-ils cette démarche pour obtenir une prescription de préservatif ? Dans le contexte actuel d’une démographie médicale sous tension, auront-ils facilement accès à cette prescription ?
Cette prise en charge par l’Assurance maladie concerne les femmes comme les hommes. La délivrance, sous forme de boîtes de 6, 12 ou 24 préservatifs, s’effectue en officine de pharmacie sur présentation d’une prescription d’un médecin ou d’une sage-femme.
Prescrire un préservatif, un acte médical ?
Si on peut affirmer qu’il s’agit là d’un pas de plus vers la prévention, dans le sens des ambitions affichés de la Stratégie nationale de santé, on peut finalement se poser une dernière question : pourquoi cette prescription ne serait-elle pas ouverte aux infirmiers ? Car finalement, dans une optique de prévention, l’accessibilité pour les jeunes est un élément clé à prendre en compte. Or les infirmiers sont des professionnels de santé qui semblent bien placés pour faciliter le déploiement de cette mesure : les puériculteurs, spécialisés chez l’enfant jusqu’à 18 ans, les infirmiers de l’éducation nationale , et de façon plus générale tout infirmier qui serait amené à rencontrer un jeune dans une relation de soins. Des dispositions de ce type existent déjà : les infirmiers de l’éducation nationale peuvent notamment administrer une contraception d’urgence sans prescription médicale (D.5134-8 CSP). Dans un autre domaine, pour l’ensemble des infirmiers, il est possible de prescrire des substituts nicotiniques (L.4311-1). A l’inverse, ce n’est pas la première fois qu’une situation de ce type se présente. Les infirmiers puériculteurs ne peuvent pas prescrire des dispositifs de soutien à l’allaitement (tire-lait, coussin d’allaitement…) alors même qu’ils sont formés et qu’il s’agit d’une mesure de promotion de la santé majeure : l’allaitement est en perte de vitesse en France malgré les avantages connus pour le développement de l’enfant.
Une restriction inutile des compétences infirmières
Finalement, la différence entre un patch nicotinique et un préservatif est ici la capacité pour l’infirmier de le prescrire, alors même que les deux contribuent à une politique de santé publique préventive. Alors que les infirmiers manifestent pour une réelle valorisation de leurs compétences , une mesure de ce type, pensée sans eux, laisse perplexe. Pourquoi limiter les professionnels de santé sur de tels sujets : mobilisons l’ensemble des compétences présentes sur le terrain, pour une politique de santé publique efficiente.
Charles EURY
Infirmier puériculteur
Président de l'ANPDE
eury30@gmail.com
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