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AU COEUR DU METIER

Pratique avancée : "Il faut que les médecins se détendent...", selon les infirmiers

Publié le 21/03/2018
Chamboredon

Chamboredon

Le dossier de la pratique avancée dépasse le simple microcosme paramédical et médical. Pour preuve : ce sujet actuellement polémique était au coeur des débats ce mercredi 21 mars dans la matinale de RMC. Jean-Jacques Bourdin recevait à cette occasion le président de l'Ordre National des Infirmiers, Patrick Chamboredon. Ce dernier a défendu l'importance de la complémentarité entre les professionnels de santé qui doivent davantage collaborer, sans querelle de clocher...

Patrick Chamboredon, président de l'ONI, face à Jean-Jacques Bourdin au micro de RMC ce mercredi 21 mars pour défendre le dossier qui fait actuellement polémique.

Il faut arrêter ce corsetage de la profession infirmière. Interrogé sur l'intérêt de la pratique avancée, Patrick Chamboredon, président de l'Ordre national des infirmiers (ONI) a rappelé que les infirmières de pratique avancée ne sont pas une création française sortie du chapeau, mais que les IPA, qui existent et exercent déjà dans de nombreux pays, notamment en Europe, sont une réelles valeurs ajoutées dans les systèmes de soin. Le président de l'Ordre a opposé la vraie vie et les postures. Dans la vraie vie, c'est le binome infirmier/médecin qui prend en charge le patient. Les médecins savent que les infirmiers sont capables..., a-t-il martelé, prônant un élargissement du champ de compétences infirmier. Les infirmiers sont les seuls professionnels de santé qui se déplacent à domicile, a rappelé le président de l'ONI, pour qui le fait de prescrire des soins supplémentaires, de juger de l'état d'un malade chronique tout en rendant, de fait, du temps médical aux médecins apparaît comme une évidence, une évolution censée qui va dans le bon sens.

Martelant à plusieurs reprises l'absurdité d'une opposition entre professionnels de santé, Patrick Chamboredon a, au contraire, défendu le rôle complémentaire de ce binôme. Je ne souhaite pas opposer les infirmiers et les médecins. Pour la bobologie aux urgences, est-ce qu'il y a vraiment besoin d'un médecin pour le diagnostic ? a interrogé le président de l'Ordre. D'autre part, on le sait, les urgences sont saturées. Pourquoi les infirmiers ne seraient-ils pas le premier recours ? Même chose pour les Ehpad, qui connaissent une crise profonde : on sait pertinemment que d'avoir des infirmiers de nuit évite les hospitalisations, avec des gestes de premiers recours. Surtout lorsque l'on connaît les conséquences délétères d'une hospitalisation pour une personne âgée, a-t-il expliqué, en substance. 

Réécoutez l'interview de Partick Chamboredon en podcast (à partir de 30,10 minutes)

N'opposons pas artificiellement médecins et infirmier(e)s ! C'est notre coordination et notre travail en équipe qui sont la clef de l'amélioration des soins aux patients - Patrick Chamboredon

L'infirmier, un vrai recours dans la pratique 

Des infirmiers, même disposant d'un Bac + 5, sont-ils suffisamment formés pour établir un diagnostic ? C'est la grande question de ce décret attendu sur la pratique avancée et de son contenu (formation et champ de compétences), a souligné Patrick Chamboredon, précisant que c'est toujours le médecin qui sera en charge de poser le diagnostic, mais [que] le médecin n'est pas toujours le premier recours. Encore une fois, on n'est pas dans l'opposition des professionnels !

Les infirmiers ont notamment un rôle essentiel à jouer auprès des malades chroniques, comme l'ont rappelé de concert le président de l'ONI et des auditeurs, comme Virginie : Ce débat est très intéressant. J'ai un bac + 5, un master, en tant qu'infirmière anesthésiste et je suis aussi libérale . Il ne faut pas qu'on soit en opposition mais en collaboration avec les médecins. On doit avoir une approche systémique du patient, connaître son contexte environnemental, social, familial... et l'infirmier est un pivot en la matière. On peut faire un pré-diagnostic pour décharger un peu le médecin. Et on le fait dans la pratique. Il faut que les médecins se détendent un peu. Un autre auditeur, Laurent, également infirmier, est allé dans le même sens : Les infirmiers connaissent mieux les patients que les médecins. Les syndicats médicaux sont dans une posture. Les médecins généralistes ne demandent que ça, de travailler avec nous, infirmiers. Quelqu'un qui a une insuffisance cardiaque qu'on suit régulièrement, qu'on voit tous les jours, nous pouvons évaluer son état. Je connais le contexte social, familial, les traitements, les précédents de mes patients... et je les suis tous les jours  et depuis plusieurs années ! Je demande aux médecins généralistes qui ont besoin de nous et qui en ont conscience de monter au créneau et de nous soutenir !

Il ne faut pas que les infirmiers soient la 5e roue du carrosse, il ne faut pas qu'ils fassent plein de choses sans en obtenir les fruits.

Pour Patrick Chamboredon, ces interventions ont eu l'avantage de dire la réalité de la pratique, celle du terrain. Le but c'est quoi ? C'est l'usager. Les infirmiers sont tout à fait capables d'orienter vers d'autres professionnels de santé si besoin. Evoquant ensuite le maillage territorial, Patrick Chamboredon a rappelé l'atout que représentent les infirmiers. On a des infirmiers partout, ils sont un peu plus de 600 000 en France, dont quelque 120 000 exerçant en secteur libéral. Il y a des communes où il n'y a que l'infirmier qui soit présent. Donc , les infirmiers sont un vrai recours, un véritable levier pour lutter contre les déserts médicaux . Patrick Chamboredon a soulevé dans le même temps la question de la valorisation de la profession infirmière, corrélée à celle de l'évolution de son champ de compétences. Il ne faut pas que les infirmiers soient la cinquième roue du carrosse, a-t-il affirmé.  

A cette question posée au départ : "Etes vous prêt à être soigné par un infirmier ?" 57% des auditeurs ont finalement répondu oui après ce débat. Une courte majorité qui, comme l'a souligné Jean-Jacques Bourdin, confirme qu'il y a encore du travail pour convaincre les usagers de l'intérêt de l'élargissement des compétences des infirmiers, au bénéfice des patients et du système de santé dans son entier. Le leadership infirmier a donc de beaux jours devant lui.

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com