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Pour le docteur Laine, "le grand luxe d’une infirmière Asalée, c’est le temps !"

Publié le 11/07/2019

Le Docteur Patrick Laine, 69 ans, exerce à Saulnot (en Haute-Saône). Sa patientèle est très importante, constituée de 3000 à 4000 patients. Depuis quatre ans, ce médecin généraliste cherche un associé ou un successeur pour pouvoir prendre sa retraite et passer la main en toute sérénité. Depuis le mois d’avril dernier, il a été rejoint par une infirmière Asalée, Cécile Nicolet. Nous leur avons demandé comment se déroulait cette nouvelle collaboration et quels en étaient les bénéfices partagés.

Le Dr Patrick Laine et l'infirmière Céline Nicolet travaillent en synergie, mettant en commun leurs connaissances cliniques pour affiner et améliorer la prise en charge des patients. 

"J'ai tout de suite été partant"

Du fait de ma très grosse activité, mon éthique ne m’autorise pas à laisser tomber mes patients, confie le Docteur Laine, qui avait raconté son histoire dans Derniers jours d’un médecin de campagne , un documentaire signé Olivier Ducray diffusé au mois de décembre dernier sur LCP. Parmi la patientèle de ce médecin, beaucoup de gens se trouvent dans une situation de précarité importante, beaucoup sont aussi atteints de maladie chronique, ce qui représente une charge importante pour le lui, très chronophage. Depuis début avril, le médecin souffle un peu, ou du moins, il sait que ses patients sont mieux accompagnés.

 Quand Céline Nicolet est venue me voir pour travailler à mes côtés en tant qu’infirmière Asalée (cf. notre encadré) il y a 4 mois, j’ai été tout de suite partant. Il connaissait l’infirmière, qui exerce en libéral depuis 9 ans. Quand on travaille avec une infirmière Asalée, la première des choses, c’est que la relation doit être basée sur la confiance. Vous lui confiez des dossiers, des patients... Quand vous la connaissez et que vous avez confiance en elle, c’est un grand plus. Céline Nicolet travaille en binôme avec moi et je la considère comme une collaboratrice. Pour moi c’est une coopération professionnelle, résume le médecin, qui assure n’avoir pris aucun risque. J’avais d’excellentes relations avec elle et ses deux collègues en libéral. Lorsqu’on est devant des gens compétents et consciencieux, qui ont des qualités d’empathie et d’écoute, on ne prend pas de grands risques.

Le médecin considère la fonction d’infirmière Asalée comme une délégation d’actes et de l’activité du médecin généraliste vers l’infirmière. Celle-ci intervient essentiellement sur le dépistage, la prévention et le suivi des pathologies chroniques. Elle ne me retire aucune activité mais elle intervient en complément de ma pratique médicale, dans les dimensions éducatives et d’accompagnement. Que le médecin, jusque-là, négligeait, contraint par la cadence de ses tournées. Le grand luxe d’une infirmière Asalée, c’est le temps, affirme le docteur Laine, expliquant que Céline Nicolet passe ¾ d’heure - une heure avec les patients. Sa fonction, c’est d’accompagner les changements de comportement de la part des patients sur des problématiques comme le diabète, les risques cardio-vasculaires, les troubles cognitifs, le sevrage tabagique, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)…

Pour le médecin, l’infirmière Asalée est un nouveau pivot de la prise en charge du patient. Le docteur et l’infirmière se rencontrent pour échanger tous les 15 jours ou une fois par mois. Elle a une approche différente de la mienne, c’est un grand plus, elle voit des choses que je ne vois pas, et inversement. Elle a aussi une personnalité très attachante et une grande conscience professionnelle. Les patients sont ravis et mieux accompagnés.

Notre coopération professionnelle est pour moi un très bel exemple. En fait, on est en binôme.

Depuis quelques temps, le médecin se réjouit d’avoir trouvé un futur associé, certainement pour le mois de janvier prochain. A partir du moment où j’ai un associé et une infirmière Asalée, ça me permet d’amorcer la création d’une maison médicale avec des paramédicaux, c’est un vieux rêve que j’ai. Peut être un psychologue bientôt…. A voir. Je passerai le relais. Je pourrais mettre un kiné ou un dentiste aussi. J’ai un grand bâtiment. S’il se réjouit, rappelle-t-il, c’est surtout pour sa patientèle qu’il ne veut pas abandonner.

Ce qu'il faut savoir sur l'expérimentation Asalée

Le protocole Asalée "Action de santé libérale en équipe" a été lancé en 2004 dans les Deux-Sèvres par l'association du même nom. Il a fait partie des expérimentations de coopération dites Berland, puis a été autorisé en 2012 au titre de l'article 51 de la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009. Dans les cabinets libéraux participants, des infirmiers délégués à la santé publique mènent des actions de prévention en coordination avec des médecins généralistes, principalement auprès de patients atteints de maladies chroniques.

Pour aller plus loin

"Notre binôme gagnant/gagnant apparaît donc comme une évidence"

Diplômée en 1995, après plusieurs années en exercice hospitalier, Céline Nicolet s’installe en libéral. Elle travaille alors en cabinet. En 2014, elle découvre ce profil particulier d’infirmière Asalée (cf. encadré) et cela l’intéresse. Elle ne garde alors son activité libérale que 6 jours par mois et, le reste du temps, exerce cette nouvelle activité porteuse de perspectives qu’elle juge très intéressantes et valorisantes pour son métier d’infirmière. 3 jours par semaine elle est donc infirmière Asalée dans un centre de santé à Belfort et un jour -le jeudi- , depuis le mois d’avril dernier, elle rejoint le cabinet du Dr Laine, à Saulnot.

"C’est très simple de travailler avec lui, un plaisir partagé, et je suis vraiment bluffée par la capacité de ce médecin pourtant d’une génération différente de la mienne - nous avons plus de 20 ans d’écart - à s’enthousiasmer sur le binôme que nous formons maintenant. Il a une telle autorité auprès de ses patients que quand il leur suggère - pour ceux qui entrent dans le protocole - de prendre rendez-vous avec moi, l’infirmière qui travaille avec lui, pour parler de leurs problèmes de santé - manque d’observance de traitement, volonté de se sevrer du tabac, manque d’activité physique, troubles cognitifs… - c’est une parole sacrée. Ils honorent leur rendez-vous avec beaucoup de sérieux et trouvent tout à fait normal de venir au cabinet me rencontrer comme ils le feraient avec le Dr Laine. Entre 9h et 17h, je reçois donc les patients autour de leurs problématiques spécifiques, et je suis heureuse de constater, au fil du temps, les effets positifs de cette consultation infirmière. Ils me prennent très au sérieux et c’est très valorisant quand on sait comment la profession infirmière manque aujourd’hui de reconnaissance. Pour certains, il faut expliquer, reformuler l’intérêt d’une bonne observance d’un traitement - en cas de diabète par exemple - Pour d’autres dont les risques cardiovasculaires sont avérés, rappeler des recommandations hygiéno-diététiques, les inciter à pratiquer la marche ou à reprendre une activité physique. J’accompagne aussi des personnes désireuses d’arrêter le tabac et ça marche lorsque le coaching est régulier… Bien sûr, dans la journée, je fais des points réguliers avec le Dr Laine. Je lui donne des informations qu’il n’a quelquefois pas reçu de ses patients et qui lui permettent d’ajuster un traitement, de prescrire un examen complémentaire, de comprendre qu’un épisode de vie, jusque-là tu, impacte le moral… Cette collaboration n’est pas là que pour faire gagner du temps médical, elle vise aussi à redonner de l’autonomie aux patients, à être réellement acteurs de leur parcours de soin, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. En plus, et ça c’est vraiment important pour moi, je peux prendre mon temps, le temps qu’il faut pour discuter, pour installer une confiance, alors qu’en libéral, par exemple, notre rythme est éreintant, le nez toujours collé à notre montre. Cette qualité de vie au travail regagnée m’importe énormément. Conclure que notre binôme est gagnant/gagnant apparaît donc comme une évidence et nous avons plein de projets en tête ! Je fais confiance au Dr Laine de les mener à leur terme, en appui avec moi !"

La chaîne LCP rediffuse ce soir le documentaire d’Olivier Ducray, Derniers jours d’un médecin de campagne, portrait du Docteur Laine , dont nous avions parlé lors de sa première diffusion, le 6 décembre dernier sur la même chaîne. Cette rediffusion donnera lieu à un débat intitulé : Médecins de campagne : quand s’arrêtera l’hémorragie ?

Redaction d'infirmiers.com


Source : infirmiers.com