Les polyprescriptions de médicaments ayant un risque d'interactions entre eux ou avec une maladie du patient sont très fréquentes chez les patients polypathologiques, mais les cas d'interactions potentiellement graves restent tout de même relativement rares, selon une étude basée sur l'analyse d'ordonnances réalisées par des médecins généralistes.
Les effets indésirables de médicaments sont la source d'environ 3%-4% des séjours à l'hôpital. La moitié d'entre eux seraient évitables, selon des études que rappellent Pascal Clerc de l'Inserm et du Centre de recherche médecine, sciences santé et société (Cermes) à Paris, auteurs de l’étude Polychrome. Les polypathologies, entraînant une polyprescription, en constituent une source importante.
La polymédication a surtout été étudiée chez les personnes âgées, mais elles concernent également de nombreuses personnes de moins de 65 ans. Selon l'étude ESPS (Enquête santé protection sociale) de 2008, « plus de quatre personnes de 16 ans et plus sur 10 sont atteintes de polypathologies chroniques ». Et « dans un contexte où la prévalence des maladies chroniques continue à augmenter et où la prise en charge médicamenteuse des patients polypathologiques est de plus en plus précoce », l'importance de cette problématique va augmenter.
Conduite sous l'égide de l'Institut de recherche et documentation en économie de santé (Irdes), l'étude Polychrome est basée sur l'analyse de prescriptions faites par des médecins généralistes à des patients polypathologiques.
A partir des informations données par 68 généralistes, les auteurs ont construit une typologie de patients polypathologiques chroniques et ont ensuite étudié 105 ordonnances concernant des patients entrant dans les quatre principales catégories qu'ils ont définies (cardiovasculaire et rhumatologie chez les plus de 60 ans; grande dispersion des pathologies chez les femmes de 70 ans et plus; psychiatrie et troubles musculosquelettiques -TMS- chez les moins de 60 ans; facteurs de risque cardiovasculaire et TMS chez les 40-69 ans). Ces ordonnances ont été
choisies de façon aléatoire.
Les « deux tiers d'entre elles sont concernées par au moins une contre-indication et/ou une interaction médicamenteuse ».
Plus précisément, il y avait dans 57% des cas une contre-indication pathologie/médicament, qui concernait majoritairement les systèmes cardiovasculaires et respiratoires, et dans 67% des cas une interaction médicamenteuse, qui concernait majoritairement les médicaments cardiovasculaires ou du système nerveux.
« Pour autant, les contre-indications ou interactions 'potentiellement' graves sont relativement rares », représentant 6% des prescriptions, notent les chercheurs, en citant en exemple la prescription d'un bêta-bloquant chez un patient ayant une artérite, celle d'une benzodiazépine chez un patient ayant une insuffisance respiratoire ou encore la coprescription d'un bêta-bloquant et d'un inhibiteur calcique.
Les chercheurs ont ensuite présenté 11 ordonnances présentant des contre-indications ou des interactions, considérées comme « archétypales », à des experts qui ont cherché à les optimiser.
Les experts ont modifié 80% des lignes de médicaments sur ces ordonnances. Il s'agissait dans 17% des cas d'un arrêt pur et simple du traitement préconisé, dans 11% d'un remplacement du médicament oral par une thérapeutique non médicamenteuse ou par un traitement non oral, par exemple des infiltrations. Les changements les plus nombreux concernaient la modification de la rédaction de l'ordonnance en raison d'imprécisions sur la répartition sur 24 heures ou de dosages inadéquats.
Baisse de 46% des contre indications et de 66% des interactions médicamenteuses
Globalement, il a été possible de diminuer de 30% le nombre de médicaments prescrits.
Ainsi, les contre-indications ont diminué de 46% et les interactions médicamenteuses de 66%.
Malgré les efforts des experts, il n'y a tout de même pas pu y avoir d'élimination totale de ces prescriptions problématiques. Il restait même une "contre-indication absolue": la prescription de metformine en présence d'une insuffisance coronaire.
Les auteurs ont ensuite interrogé 60 médecins pour rechercher les « déterminants des prescriptions en contexte polypathologique ».
La cause des polyprescriptions apparaît complexe, étant liée bien sûr aux multiples pathologies, mais aussi aux demandes des patients (refus de changement thérapeutique, pressions à la prescription) et à la difficile coordination avec les médecins spécialistes.
Les médecins mettent aussi en avant « l'empilement des recommandations ». Ils constatent à la fois le « cumul de recommandations médicales qui traitent le plus souvent chacune d'une seule pathologie », mais aussi un autre « facteur de confusion », à savoir « la multiplicité des sources d'information pour le médecin » : Haute autorité de santé (HAS) , sociétés savantes, Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), industrie pharmaceutique, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), ...
Les auteurs concluent de leur étude que « la polypathologie tient une place majeure dans l'activité des généralistes et s'accompagne inévitablement d'un phénomène de polyprescription », entraînant alors un risque iatrogénique. Et « si les possibilités de réduction de ce risque existent, il n'en est pas de même avec son éradication ».
Irdes, Questions d'économie de la santé, n°156.
Disponible sur le site de l’Irdes : http://www.irdes.fr/
Dépêche APM du 14 septembre 2010
Légèrement modifiée par Serge CANNASSE
Rédacteur en chef IZEOS
serge.cannasse@izeos.com
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