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Plaies et cicatrisation - Quid de la prise en charge de la douleur ?

Publié le 03/02/2012
Quid de la prise en charge de la douleur ?

Quid de la prise en charge de la douleur ?

Le Dr Patrick Giniès (département d’évaluation de la douleur, CHRU, Montpellier) est intervenu sur le thème suivant « Prise en charge de la douleur : quelles exigences et quelles preuves ? ». Il a souligné d’emblée que « la mesure de la douleur est le dernier temps du diagnostic mais le premier temps du traitement », rappelant que si le clinicien a devant les yeux une plaie, derrière elle, il y a une histoire de vie, et même deux, celle du patient et celle du soignant. La douleur, quand elle est répétée et vécue de façon récurrente, complique en effet le quotidien du patient (retard de cicatrisation, troubles de l’humeur, irritabilité, modification de l’image de soi) mais également celui du soignant pour qui cette expérience n’est pas neutre et pouvant même s’avérer difficile (perte d’efficacité, relation conflictuelle avec le patient, positionnement délicat vis-à-vis du soin, anxiété…). De la relation établie, fruit de l’interaction de deux personnes singulières avec leur vécu, leurs valeurs, leurs craintes, dépendra donc la qualité de la prise en charge.

« Le retrait du pansement et le nettoyage de la plaie sont souvent considérés comme les moments les plus douloureux du soin par le patient. »

La douleur doit donc être appréhendée sous toutes ses composantes : physio-pathologique, sensorielle, affective, comportementale, cognitive… Le chirurgien René Leriche soulignait déjà en son temps que « la douleur est la résultante du conflit d’un excitant et de l’individu dans son entier »1. Et Patrick Giniès de rappeler « que si la douleur induite par les soins est une douleur par excès de nociception, elle peut également être associée à une douleur neuropathique ou psychogène préexistante. Il existe en effet un continuum entre mémoire et douleur qui suggère que le cerveau serait capable de réactiver, à partir d’une douleur nouvelle, son « patrimoine » douleur mémorisé précédemment. Il y aurait donc une empreinte de la douleur, qui subsiste, alors même que la lésion ou le stimuli douloureux a disparu. » La question de l’anticipation du soin se pose alors car une douleur mal prise en compte lors d’un pansement entraînera une majoration de celle à venir lors des gestes ultérieurs s’accompagnant d’appréhension, d’une perte de confiance et d’anxiété. Peur d’avoir mal, c’est déjà avoir mal… Rappelons que le retrait du pansement et le nettoyage de la plaie sont souvent considérés comme les moments les plus douloureux du soin par le patient. À ce sujet, une étude clinique menée en 20112 souligne que l’intensité de la douleur au retrait du pansement a été inférieure dans le groupe ialuset® que dans le groupe comparateur neutre (sans acide hyaluronique). Cet aspect est important car lors de soins récurrents sur des plaies chroniques, la douleur lors des retraits de pansements peut impacter sévèrement sur l’état psychologique du patient (appréhension, angoisse, agressivité…) ainsi que sur sa qualité de vie (lassitude, replis sur soi…).

Le soignant a donc le devoir de ne pas passer sous silence l’expérience douloureuse du patient. La simple évaluation de la douleur, bien qu’étape indispensable, ne suffit pas. Il faut aussi de l’écoute active, un travail d’élaboration autour du ressenti douloureux, voire un traitement antalgique préventif mais aussi des apports supplémentaires tels que l’hypnose ou la relaxation. Pour Patrick Giniès, il s’agit donc « de mesurer la douleur, de la nommer et d’entrer en empathie avec le patient qui l’exprime. En effet, un patient qui souffre perd de ses fonctions cognitives, voit son univers de façon négative, est anxieux et, à la longue, devant cette chronicité qui s’installe s’aigrit et déprime. Pire, de façon psycho-fonctionnelle, il retarde ses possibilités de cicatrisation ». Quand le patient comprend que le soignant s’intéresse à lui, au-delà de sa simple plaie, il va mieux, parce qu’il communique et échange autour de ce qui pollue son quotidien et sa qualité de vie. Le fait de parler de tout autre chose permet également de limiter les tensions par le mécanisme de diversion de l’attention. « Le patient peut crier, dire, chuchoter ou taire sa douleur pour tant de raisons. A l’inverse, le soignant peut entendre, croire, noter ou nier cette plainte selon l’intérêt qu’il lui porte, le malaise qu’elle lui procure, ou encore sa compétence ou non à la prendre en charge efficacement » écrit Isabelle Gaillard, infirmière libérale3.


Cet article a été réalisé en partenariat avec les Laboratoires Genévrier

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Notes

  1. Leriche R. La chirurgie de la douleur. 2e éd. Paris: Masson ; 1940.
  2. Humbert P. A multicentric comparative randomized double-blind clinical trail on the evaluation of the performance and safety of ialuset® gauze-pad vs neutral comparator in the venous or mixed origin leg ulcer treatment EADV 2011 PO1427.
  3. Gaillard I. Douleur et pansement d'ulcère à domicile [DU Plaies et Cicatrisation 2006-2007]. Université Joseph Fourier - Faculté de Médecine de Grenoble.

Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef IZEOS
Bernadette.fabregas@izeos.com


Source : infirmiers.com