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Plaies du pied diabétique : causes, conséquences et prise en charge

Publié le 17/12/2015
plaie diabète filament

plaie diabète filament

plaid pied

plaid pied

zones risque

zones risque

plaie diabète

plaie diabète

radiologie

radiologie

pied neuro

pied neuro

pied charcot

pied charcot

monofilament

monofilament

ischemie critique

ischemie critique

mal perforant

mal perforant

tableau des grades

tableau des grades

zones à tester

zones à tester

Le diabète de type 2 ne cesse d'évoluer, devenant un phénomène endémique. Les complications qui l'accompagnent sont aujourd'hui bien documentées : rétinopathie,  néphropathie, coronaropathie, artérite et, risque majeur, neuropathie. L’association de ces deux dernières complications rend la prise en charge du pied diabétique encore plus complexe. Rappels sur les éléments indispensables à connaître.

Rappelons que les complications du diabète qui touchent les pieds sont étroitement liées à la baisse de sensibilité des nerfs de contact, empêchant la perception des petites blessures ou anomalies du pied (cor, durillon, fissure, crevasse, mycose…) lesquelles finissent par s'amplifier et s'infecter avec un risque d'amputation.  A ce jour, il y a déjà  246 millions de diabétiques dans le monde et environ 4 millions de personnes qui développent un ulcère du pied chaque année. Les chiffres en attestent, le pied diabétique est donc un problème de santé publique :

  • il y a 1 amputation toutes les 20 à 30 secondes dans le monde dont 85 % sont précédées d’une plaie ;
  • le risque d’amputation chez un diabétique est 14 fois supérieur que chez une personne non diabétique ;
  • jusqu’à 70 % des personnes subissant une amputation des membres inférieurs décèdent dans les 5 ans qui suivent le geste chirurgical ;
  • dans les pays développés, près de 5 % des diabétiques souffrent d'un problème au pied et utilisent 12 à 15 % des dépenses de santé pour le diabète ;
  • le pied diabétique représente 20% d’occupation des lits de diabétologie ;
  • 3 000 à 5 000 amputations (orteil, pied, jambe) sont provoquées chaque année par le diabète.
  • Les lésions des pieds sont la principale cause d'admission à l'hôpital des personnes atteintes de diabète.

La neuropathie

C’est une polynévrite distale, remontant en chaussette sur la jambe (perte de la sensibilité : froid, chaud, douleur). Au fil du temps, il y a une perte de la sensibilité profonde avec un risque d’ataxie (perturbation de l’équilibre et de la motricité sans perte de la force musculaire). La neuropathie peut être douloureuse car, même si les nerfs sont toujours là, ils ne transmettent plus la bonne information. Le ressenti peut alors s'apparenter à une gelure, à des fourmillements.

  • La neuropathie est le facteur de risque de plaie chez le diabétique de type 1 ou de type 2.
  • Elle survient quand l’hémoglobine glyquée (HbA1c) a dépassé 7% pendant 5 ans.
  • Le risque augmente avec l’âge.
  • Elle est plus fréquente chez l’homme, de grande taille.
  • Elle s'observe dans les deux diabètes et 20% des diabétiques ont une neuropathie.

Le dépistage de la neuropathie se fait principalement grâce au test au monofilament de Semmes-Weintein de 10 gr qui repère l’absence de sensibilité. Avec la disparation de cette protection, le patient risque de se blesser sans s’en apercevoir. Trois sites sont à tester : la tête du premier métatarsien, la tête du cinquième et la pulpe de l'hallux.   

Le monofilament de Semmes-Weintein

Les 3 zones à tester

Seuls les patients de grade 1, 2 et 3 (cf. illus ci-dessous) ont besoin d’une éducation en podologie. Les autres bénéficient de simples conseils d’hygiène banaux. Soulignons que la neuropathie favorise les déformations graves du pied (hallux valgus, pied creux avec têtes métatarsiennes proéminentes, orteils en griffe, en marteau, déformation des ongles, suite de chirurgie mutilante des pieds...). Elle est associée à une hyperpression plantaire. La pression augmente avec les déformations et augmente le risque de plaie. La neuropathie favorise l’hyperkératose qui augmente cette hyperpression et se comporte comme un corps étranger.

Tableau des grades

Les zones à risque

Le mal perforant plantaire 

C’est une ulcération siégeant sur la voûte plantaire. On la retrouve sur des zones d'hyperpression qui sont la conséquence de remaniement anatomique du pied (déformations). L’artériopathie est un cofacteur physiopathologique majeur, l’infection est un facteur aggravant.

A. Formation du durillon plantaire - B. Formation d’une collection profonde - C. Fissuration de l’hyperkératose - D. Infection profonde

A gauche, mal perforant plantaire paraissant fermé. A droite, après détersion mécanique de l'hyperkératose et exploration, cavité de 0,5 cm de profondeur et 0,5 de diamètre. Aucun contact osseux.

Pied diabétique neuropatique : creux, orteils déformés en marteau, hyperkératose. A gauche : mal perforant plantaire avec hyperkératose non détergée. A droite : mal perforant plantaire après détersion mécanique réalisée avec scalpel. Exploration de la petite cavité au centre faite avec un stylet (aucune profondeur).

Le pied de Charcot

L’ostéoarthropathie du pied diabétique est une complication de la neuropathie. Elle est progressive, non infectieuse. En phase aiguë, un retard du traitement (qui doit être réalisé par une décharge), entraîne de sévères atteintes osseuses pouvant aboutir à une destruction des os et des articulations du pied et de la cheville, avec un risque de déformation majeure.

Devant toute plaie chez un patient avec une neuropathie, le seul et unique traitement est la mise en décharge. Il faut réaliser une détersion de l’hyperkératose qui entraîne une pression supplémentaire au niveau des points d’appui.

L’Artériopathie Diabétique

Chez le patient diabétique, on retrouve deux maladies artérielles : l’artériopathie de type  athéroscléreuse ou AOMI (artériopathie oblitérante des membres inférieurs) et la médiacalcose (calcification de la média des artères musculaires). L’artériopathie touche 10 à 20 % des diabétiques.

L'Artériopathie Oblitérante des Membres Inférieurs (AOMI)

L’athérosclérose est une association variable de remaniement de l’intima des artères de gros et moyen calibre, consistant en une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et produits sanguins, de tissus fibreux et dépôts calciques, le tout s’accompagnant de modification de la média. (Définition OMS, 1957). L’athérosclérose entraîne une oblitération des artères distales chez le diabétique, ce qui en fait sa particularité. Les artères les plus fréquemment atteintes sont la fémorale superficielle, la tibiale antérieure et la tibiale postérieure. Le diabète fait partie des  facteurs de risque vasculaire auquel s’ajoute : l’âge, le tabac, la dyslipidémie, l’hypertension, l’obésité, et la sédentarité.

Le dépistage non invasif de l’AOMI s'appuie sur plusieurs déterminants cliniques :

  • la palpation des 4 pouls du membre inférieur : fémoral, poplité, pédieux, tibial postérieur. L’absence de pouls pédieux existe dans environ 8 à 12 % des patients. Mais l’abolition de 2 pouls distaux est une très bonne spécificité pour le diagnostic de l’AOMI.
  • La claudication intermittente est un signe d’alerte d’AOMI. Il s'agit d'une douleur du membre inférieur survenant pour une distance de marche donnée. Le diagnostic se fait par un interrogatoire. La cause est hémodynamique : réduction du flux à travers une sténose. Il existe une myopathie métabolique par une accumulation d’oxydants.
  • L'Indice de Pression Systolique (IPS) est le rapport de la pression de cheville sur la pression humérale. Il se réalise en pédieux, tibial postérieur et antérieur. Plus l’IPS baisse, plus l’artériopathie est sévère :
    • - > 1,3 : artères incompressibles (médiacalcose)
    • - 0,9 à 1,3 : normal
    • - 0,7 à 0,9 : artériopathie modeste
    • - 0,5 à 0,7 : artériopathie moyenne
    • -

Ischémie critique avec IPS

  • L'Indice de pression du Gros Orteil (IPGO) est le rapport entre la pression du gros orteil et la pression humérale. Il est considérée comme pathologique si
  • La TCPO2 est la prise de la pression transcutanée en oxygène : normal si proche de la PAO2, pathologique si
  • Le doppler artériel reste l’examen de prédilection pour diagnostiquer l’état  artériel du patient.
  • En cas d’artériopathie, il est nécessaire d’envisager une revascularisation (angioplastie, pontage).

La médiacalcose

C’est la calcification de la média des artères musculaires. Elle est détectable par radio.   

La radiologie permet de découvrir des zones de calcification chez ce patient. Médiacalcose sur artère fémorale.  

Même sur un terrain artéritique sévère, c’est presque toujours une plaie d’origine traumatique qui déclenche une aggravation brutale (consensus international du pied diabétique 2007 = 85% des amputations ont une plaie au départ). Devant une plaie ischémique, il est nécessaire de réaliser un bilan vasculaire pour prévoir ou non, selon l’état du patient, une éventuelle angioplastie ou un pontage. Si une plaie nécrotique est non revascularisable, il faut contrôler le sepsis :

  • nécrose sèche avec évolution vers la momification : décharge stricte de la plaie adéquate, avec antibiotiques adaptés et assèchement de la plaie par Bétadine, Fluorescéine ou Alginate ;
  • nécrose humide entourée d’un halo inflammatoire ou purulent : Difficile de faire la part entre l’infection et ischémie. En cas d’impossibilité de revascularisation, jouer la carte de l’infection : débridement de la plaie (dans un centre spécialisé en pied diabétique avec une équipe multidisciplinaire entrainée), équilibre du diabète, antibiotique adapté et  décharge stricte de la plaie.

Les plaies du pied diabétique

La plaie est un événement aigu chez un patient ayant une maladie chronique. La chronicité de la plaie est due à l’insuffisance de prise en charge. Un mal perforant plantaire devrait cicatriser entre 4 à 6 semaines : l’absence de décharge, l’ostéite et l’AOMI sont les 3 étiologies essentielles à rechercher devant une plaie du pied diabétique qui ne guérit pas. Pour rappel, les 5 grandes causes de l’origine de la plaie sont les chaussures, l’hyperkératose, les ongles, les brûlures (patient neuropathe marchant sur le sable chaud, bouillotte) et les mycoses (plaies entre les orteils). Quant aux facteurs mécaniques des plaies, ils peuvent être intrinsèques (déformations osseuses, diminution de la mobilité articulaire, hyperkératose, antécédents chirurgicaux, pied de Charcot), extrinsèques (chaussures, corps étrangers - dans les chaussures entre autres-, les pieds nus, les chutes… Devant toute plaie du pied chez une personne diabétique, il faut impérativement :

  • noter la date de début de la plaie ;
  • mettre en évidence le mécanisme responsable ;
  • mesurer la taille dont la profondeur ;
  • explorer la plaie à la recherche de contact osseux ;
  • mesurer l'IPS, si possible TCPO2 et en fonction des résultats  demander un écho doppler ;
  • réaliser un test au monofilament ;
  • demander une radiologie centrée sur la plaie (sur prescription médicale) ;
  • effectuer un prélèvement si besoin (sur prescription médicale) ;
  • effectuer un bilan sanguin (glycémie, NFS, CRP…).

La Prise en charge du pied diabétique 

Tout patient diabétique présentant une plaie du pied doit être orienté vers un centre spécialisé du pied diabétique dans les 48 heures (Recommandation de l’HAS 2007). La liste des consultations se retrouve sur le site de l’ANCRED, Association Nationale de Coordination des Réseaux Diabète).

Cette prise en charge doit être multidisciplinaire :

  • bilan clinique précis : profondeur de la plaie, infection… ;
  • bilan vasculaire ;
  • bilan d’ostéite ;
  • équilibre du diabète ;
  • décharge stricte (botte inamovible si nécessaire) ;
  • pas d’amputation sans bilan vasculaire minimum ;
  • débridement le plus souvent médical même en cas d’artérite si nécessaire ;
  • antibiothérapie adaptée seulement si infection clinique ;
  • chirurgie conservatrice toujours  discutée avec médecin ;
  • suivi jusqu’à cicatrisation : soins de suite, SSR, HAD, IDE …
  • prise en charge prévention secondaire (podologue, podo-orthésistes …)

Il est important de rappeler que les centres de référence avec une approche multidisciplinaire permettent  une diminution de 43 à 85 % du taux des amputations.

Bibliographie

  • Cours du DU Pied Diabétique du Professeur Hartemann, Service de Diabétologie, Groupe Hospitalier Pitié - Salpétrière Paris, session 2014-2015. ; Dr Georges Ha Van, Dr Isabelle Lazareth , Antoine Perrier, Podologue DE, Ingénieur Biomécanique.
  • Abréges : Pied Diabétique, Georges Ha Van, Masson 2008.
  • Prise en charge en ambulatoire des plaies du pied diabétique, D. Vannerau, JPC Journal des Plaies et Cicatrisations, N° 46 Tome IX, 2004, p 3-10.
  • La mise en décharge des plaies chroniques du pied diabétique : comment et comment ? J.-L. Richard, G. Ha Van, I. Dumont, JPC Journal des Plaies et Cicatrisations, N° 66 Tome XIII, 2008, p 30 – 35.
  • Prévention des ulcères du pied diabétique, M. Annersten Gershateer, J. Apelqvist, JPC Journal des Plaies et Cicatrisations, N° 71 Tome XIV, 2009, p 37 – 40.
  • Revascularisations distales des membres inférieurs : avantages comparés des pontages versus techniques endovasculaires, F. Pesteil, E. Gardet, C. Eveno, J. Tricard, A. Oueslati, P. Lacroix, JPC Journal des Plaies et Cicatrisations, N° 91 Tome XVIII, 2009, p 6 – 16.
  • Appareillage du pied diabétique après la cicatrisation : intérêt, faisabilité, démonstration, et efficacité d’une décharge localisée. O. Tazi, M. Douay, F. Klur, JPC Journal des Plaies et Cicatrisations, N° 76 Tome XV, 2009, p 12 – 14.
  • Pied diabétique : la décharge avant tout, G. Ha Van, Abstrat Informer pour Cicatriser,  N° 7, 2008, p 4 – 5.
  • Imagerie ostéo-articulaire du pied diabétique, G. Larroque, C. Kamba, D. Blin, F-M. Lopez, C. Cyteal, Résumé, Journal de Radiologie, Elsevier Masson, 2006.Recommandations de l’ HAS de 2007
  • Sf.Diabète, Société Francophone du Diabète, Recommandation 2011 du Groupe de Travail sur le Pied Diabétique (IWGDF International Group on the Diabetic Foot)
  • CISMEF, Revue médicale suisse, article revue clinique, 2013
  • Thérapeutique Dermatologique,Fondation René Touraine, 2001 – 2015, Le mal perforant plantaire, 2005, P. Senet, S. Meaume http://therapeutique-dermatologique.org/spip.php?article1209&lang=fr Neuroarthropathie de Charcot : Mise au point, =I. El Mezanar, F. Ezzahra Abouzzak, L. Tahiri, T. Harzy, Revue Marocaine de Rhumatologie, 2013, 23 : 37 – 42 (PDF)
  • Ameli-santé , Le diabète de type 1 et le diabète de type 2 ; http://www.ameli-sophia.fr

Isabelle CEDOLIN IDE Consultation d’Orthopédie - Traumatologie / Plaie et Cicatrisation DU Plaie et Cicatrisation EAWT.CHU Kremlin-Bicêtre, 94


Source : infirmiers.com