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« Parce que l'hôpital n'est pas un lieu de défouloir »

Publié le 27/10/2016

La nuit du 15 au 16 octobre 2016, des soignants du services des urgences du centre hospitalier Dron, à Tourcoing (59), se sont violemment faits agresser par une quinzaine de personnes . Trois personnes ont été interpellées, puis remises en liberté sous contrôle judiciaire, une décision incompréhensible pour la communauté soignante qui s'indigne sur les réseaux sociaux.

Agresseurs de soignants remis en liberté sous contrôle judiciaire : une décision incompréhensible pour les professionnels de santé.

Foutage de gueule, inadmissible, ras-le-bol, révoltant, stop… Les mots ne manquent pas aux soignants à la suite de la remise en liberté sous contrôle judiciaire de trois personnes ayant perpétré une violente agression à l'encontre de professionnels de santé du service des urgences du centre hospitalier de Tourcoing .

Les faits se sont déroulés dans la nuit du 15 au 16 octobre 2016. Une quinzaine de personnes qui accompagnaient une personne âgée victime d'un malaise se sont attaquées au personnel soignant, dont des médecins, des infirmiers et un aide-soignant. Selon Hacène Moussouni, interrogé par La voix du nord, nous ne sommes même pas dans un problème de délais de prise en charge du patient. C'est de la violence immédiate. Insultes, cheveux arrachés, passage à tabac… L'agression est violente mais seules trois personnes sont interpellées et placées en garde à vue. Le lundi 17 octobre, elles font l'objet d'une comparution immédiate… et sont remises en liberté sous contrôle judiciaire par le parquet de Lille, jusqu'à la date du jugement fixée au 7 novembre prochain.

Chez les soignants, cette décision est loin de faire l'unanimité et l'incompréhension est totale au vu des attaques subies. Rappelons que selon le dernier rapport de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), pour 161 plaintes dont les suites ont été renseignées en 2014, 40 condamnations à des peines d'emprisonnement, dont 14 pour des atteintes aux personnes, des violences de niveau 3 et une de niveau 4, ont été recensées. Le ministère de la Justice dénombrait, en 2013, 259 condamnations dans des actes (délits), dont la victime est un personnel de santé.

Afin de manifester leur mécontentement, les soignants du service des urgences du CH Dron ont organisé une journée « urgences mortes » durant laquelle seuls les cas relevant d'une urgence ont été pris en charge, les autres ayant été renvoyés vers leurs médecins traitants. Il s'agit d'un moyen de démontrer « qu'il ne faut pas banaliser les urgences, que la médecine de ville peut très bien traiter les problèmes des patients », souligne Hacène Moussouni. Une autre journée « urgences mortes » devrait se tenir avant l'audience du 7 novembre.

Soigner des gens et se faire tabasser... INACCEPTABLE

Des soignants indignés

Sur les pages Facebook d'infirmiers.com et d'aide-soignant.com, un sentiment de colère et d'indignation prédomine chez les professionnels de santé. J'écoutais ce matin des politiques qui voulaient renforcer les peines pour les violences faites aux fonctionnaires (policiers et enseignants), raconte Sébastien. Pas un mot sur les violences quotidiennes faites aux soignants… Et pas un mot de notre ministre bien sûr. Nous sommes vraiment des laissés pour compte. Anne juge qu'il est incroyable de débouler à quinze personnes pour emmener un patient ! L'hôpital n'est pas un lieu de défouloir. Quel manque de respect pour tous les soignants !. Brigitte considère que cette décision est inacceptable et révoltante. On punit des gens pour des tags, des agressions verbales ou autre mais pas une agression physique en bande. En plus, sur des soignants à qui l'on doit le respect.

Pour Séverine, le souci en France, c'est que l'on ne punit pas assez fort pour enlever l'envie à ces gens de recommencer. Elle fait état de son expérience personnelle en la matière : mon mari s'est fait agressé dans ma voiture lors de ma tournée du soir. J'étais soit disant mal garée. Neuf mois après, la sentence tombe… Sept jours de stage de citoyenneté dans les espaces verts pour le monsieur et, pour sa fille de 18 ans qui a participé à l'agression, bah rien. Il est clair que de telles punitions ne les refroidiront pas !

Sandrine a elle aussi fait face au proche d'une patiente violent : j'étais il y a quatre ans aide-soignante dans un centre de soins. Je me suis faite agresser par le fils d'une patiente. Il m'a tabassée. Résultat je suis devenue paralysée d'un muscle, je ne peux plus lever un de mes bras, j'ai perdu mon travail, et le plus dur dans tout cela, c'est qu'il s'en est sorti sans rien, car la justice française n'a pas fait correctement son travail.

J'aime l'idée des urgences mortes. Cela pourrait peut être faire comprendre aux gens que les urgences ne portent pas ce nom pour rien

Des patients solidaires

De leur côté, les patients n'ont pas manqué de faire valoir leur soutien aux soignants. Où est la ministre de la santé pour vous soutenir et faire vraiment quelque chose pour vous ?, questionne Rosette. C'est vrai que leurs phrases favorites sont qu'ils condamnent cette violence, que les coupables seront punis sévèrement, et cerise sur le gâteau, plus jamais ça.) Il faudrait peut-être qu'ils agissent. Moi qui suis une patiente, je peux que vous dire merci d'être là pour nous et je suis de tout cœur avec vous. Yann, qui est régulièrement dans les hôpitaux en tant que patient, estime que, le personnel soignant est souvent confronté à des gens qui ne présentent aucun respect. Ils sont là et ils méritent les soins (oui c'est normal) mais ne font pas le moindre effort pour présenter de l'empathie au personnel qui se démène tant bien même qu'ils ont des effectifs réduits. Je me souviens, une fois, en service de soins intensif, une aide-soignante s'était pris quelques coups d'un patient (qui pouvait à peine bouger) car elle essayait de le laver. Il avait fallut envoyer des hommes prendre le relais pour éviter les coups et les insultes».  Et d'ajouter qu'au-delà de cela, on peut voir que ce problème d'insécurité dans les hôpitaux a été intériorisé : les nouvelles chambres contiennent des coffres à codes pour les patients afin qu'ils mettent les objets de valeurs dedans quand ils sont opérés. En effet, voler dans un hôpital n'est plus devenu une chose saugrenue, ce qui est, à mes yeux, terrible.

Beaucoup d'encre et de paroles pour parler de la violence faite aux forces de l'ordre et aux enseignants. Mais pas un mot pour le personnel soignant

75 millions d'euros pour sécuriser les établissements de santé

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, a annoncé, début octobre, que 25 millions d'euros seront attribués aux hôpitaux durant trois ans afin de sécuriser les accès aux services et mettre en place une vidéo surveillance. Elle a déjà présenté, dans le cadre d'une réunion de travail avec les fédérations hospitalières, diverses orientations :

  • le déploiement de patrouilles mobiles vigipirate-sentinelle sur les sites les plus sensibles ;
  • l'élaboration d'un plan de sécurité d'établissement (PSE) par chaque hôpital afin de traiter les questions de sécurité dans leur globalité (violences, attentats, systèmes d'information…) ;
  • la mise en place de formations pour les professionnels et usagers du système de santé en matière de vigilance, de prévention et de réaction face à une menace d'attentat mais aussi face aux violences ;
  • le renforcement de la sécurité des systèmes d'informations des établissements.

Si Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France, s'est montré plutôt satisfait des orientations présentées, il est réservé sur la somme qui sera attribuée aux établissements, la jugeant relative au regard des besoins en la matière...

Aurélie TRENTESSE  Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com @ATrentesse


Source : infirmiers.com