Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

AU COEUR DU METIER

Ordre infirmier - L'heure de la «restauration»

Publié le 26/01/2012

Ce 26 janvier était une date clé : l'Ordre national des Infirmiers (ONI) invitait la presse pour une session de travail intitulée « Actualités ordinales », l'occasion de faire le point de vive voix - et surtout en présence du président de l'Ordre, Didier Borniche, et d'une partie de son bureau - sur l'état actuel de la structure ordinale et de ses perspectives envisagées comme étant « des voies d'avenir ». Explications.

Il est vrai que depuis août 2011, date à laquelle Didier Borniche avait pris la présidence de l'ONI, peu de communication avait filtré de la rue Sainte-Anne, son siège parisien. Affaires, faillite, démissions, prise de position des « pro-ordre », attaques en règle des « anti-ordre », plan de restructuration, soutien financier, appel au boycott, action en justice... on avait jusqu'alors pris l'habitude d'entendre parler de l'ONI par communiqués de presse interposés. Il était donc temps que cela s'arrête...
Didier Borniche l'a rappelé en préambule de son intervention, « cet Ordre ne m'appartient pas, il appartient à notre profession toute entière. La structure ordinale a subi bien des tempêtes desquelles il est difficile de sortir sans dommages. Je ne suis cependant pas un homme du passé et les règlements de compte personnels ne m'intéressent pas. De fait, je préfère parier sur l'avenir en œuvrant avec énergie pour restaurer un climat plus serein, et de confiance, avec l'ensemble des professionnels mais aussi les syndicats, les associations, les tutelles et les différentes institutions qui sont aussi nos partenaires ».

Restaurer, le mot n'est pas neutre quand on sait en effet ce qu'il signifie : réparer, remettre en état de marche, en vigueur, en honneur, reconstruire, rénover, rétablir un état de référence... Un véritable chantier ! Oui, Didier Borniche a rappelé que l'ONI a échappé de justesse à la mort clinique, à deux doigts de la cessation de paiement à l'été 2011, et que, contre vents et marées, le bureau national a dû prendre des décisions drastiques afin de rétablir une « relation de confiance avec ses partenaires financiers en signant un accord amiable de conciliation homologué par le tribunal de grande instance qui y a vu les orientations propices au redressement financier de l'institution »  Et de préciser que l'Ordre, bien que contraint de se restructurer sur ses deux postes de dépenses les plus onéreux - les locations immobilières (passant de 124 sites initiaux - départements, région, national - à 23 structures en région) et les rémunérations du personnel (passant de 156 ETP à 42) - « n'a modifié en rien les missions des trois conseils : départementaux, régionaux et national qui demeurent à l'identique ». Ce plan est garant de la pérennité de l'ONI et comme l'a expliqué Jean-Yves Garnier, son trésorier, « le retour à l'équilibre financier, sur la base du nombre de cotisants au 25 janvier 2012 (110 000  inscrits au 25 janvier 2012 et 90 020 cotisants), est acté pour la fin du mois d'avril 2012. Le découvert bancaire antérieur – près de 8 millions d'euros – reconverti en crédit et une nouvelle ligne de 3 millions et demi accordée par le groupe BPCE (Banque populaire - Caisse d'épargne), le tout à amortir sur 7 ans, nous permet de rebondir et d'envisager notre viabilité à terme ». Didier Borniche a rappelé en effet que l'Ordre ne peut pas vivre sans moyens et que seules les cotisations (fixée à 30 euros pour les infirmiers salariés et à 75 euros pour les infirmiers libéraux) le permettent. Il a également souligné que cette presque faillite de l'ONI a conduit à une perte humaine très importante et que l'une des préoccupations majeures de la « reprise en mains » par le bureau national était de sauver « un maximum d'emplois ». Les deux tiers des salariés licenciés pourront bénéficier du contrat de sécurisation professionnel s'ils le souhaitent.

Cet état des lieux fait, Didier Borniche a souligné avec force que « l'Ordre est une chance pour fédérer l'ensemble des énergies et travailler tous ensemble à l'unification, la valorisation et l'autonomie de la profession et qu'en la matière le ménage à trois - syndicats, associations professionnelles, ONI - est possible et, au-delà, souhaitable ». « Pourquoi s'opposer lorsque l'on peut tous œuvrer au service d'une même cause, sans concurrence et en bonne intelligence ? ». Dans l'absolu cela est vrai, mais la réalité du terrain nous propose souvent un autre éclairage de cette belle collaboration voulue et espérée par l'ONI, avec une profession « éclatée » et souvent peu engagée pour faire évoluer son statut et la reconnaissance qui va avec... Les missions de la structure ordinale ont donc été rappelé et comme Didier Borniche l'a expliqué : « si l'Ordre n'a pas su, pas pu, convaincre la majorité des infirmiers à s'inscrire et à cotiser, il met en œuvre aujourd'hui une stratégie d'actions vers les infirmiers inscrits et non cotisants, les non inscrits et les nouveaux entrants dans la profession. Outre ses missions régaliennes (inscription, suspension pour état pathologique, discipline, contrôle des liens avec l'industrie pharmaceutique, contrôle des contrats d'exercice...), l'ONI propose aux infirmières conseil et assistance juridique personnalisée, une aide à la mobilité professionnelle internationale et s'engage dans la simplification des démarches administratives d'inscription au tableau de l'Ordre ». Et de rappeler que dans quelques temps, il sera possible de procéder à des inscriptions en ligne, une façon de simplifier les procédures. Le président de l'ONI a également insisté sur le fait qu'après les épreuves pour la survie qui ont nécessité beaucoup d'énergie, l'heure est maintenant au retour aux affaires professionnelles. « Le rôle clé que joue l'infirmier au cœur du système de santé questionne sa déontologie, le projet de code de déontologie proposé en mars 2010 va donc être revu à la lumière des évolutions de la loi HSTP, de la télémédecine, de l'éducation thérapeutique, du développement des prestations de santé à domicile... autant de questions cruciales sur lesquelles l'ONI doit donner un avis et apporter appui et expertise ». De la même façon, la question du droit de prescription des infirmières, mise en perspective par le rapport du Centre d'analyse stratégique (CAS) en décembre dernier, est d'actualité et l'ONI a relancé les parlementaires à ce sujet arguant « que le temps est venu d'engager une mise à jour et une évolution du droit de prescription des infirmiers afin de mieux répondre aux défis sanitaires actuels par la reconnaissance juridique des nouvelles compétences acquises par la profession infirmière ».

Rappelant que « l'Ordre n'a de sens que si tous les membres de la profession qu'il représente y ont adhéré, l'incomplète adhésion des infirmiers posant un problème sérieux d'égalité devant la loi », Didier Borniche a été invité à définir la stratégie de l'ONI pour poursuive la montée en charge des inscrits et cotisants. « Nous avons observé, malgré les épisodes peu glorieux de l'ONI, une poursuite des inscriptions et même une augmentation de 20 % en un an. Nous pensons, qu'à ce rythme, dans 7 ans, nous pourrions compter quelques 250 000 inscrits et cotisants, soit quasiment la moitié des professionnels en exercice ». Chacun est donc appelé à prendre ses responsabilités au regard de la loi. Le président de l'ONI, dans un saut de côté, a souligné « le flou artistique » actuel au sujet des chiffres concernant la démographie des infirmiers, insistant sur le fait qu'aujourd'hui nul ne sait exactement combien ils sont réellement : les données des uns et des autres (fichier ADELI, chiffres des CPAM, enquêtes de la Drees...) n'étant pas concordantes. entre eux
Dans cet esprit, Didier Borniche a rappelé l'entrée prochaine des infirmiers dans le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) qui a notamment pour objectif de permettre un recensement fiable et exhaustif des professionnels de santé, en remplacement de l’actuel répertoire ADELI (décret du 27 septembre 2010). L’ONI sera ainsi la principale source de données du RPPS pour tous les infirmiers (sauf ceux des Armées), et l’alimentation de ce nouveau répertoire exigera une rigueur sans faille dans les informations collectées et leur mise en forme. Lorsque le RPPS aura définitivement remplacé ADELI, le conseil départemental de l’Ordre deviendra le « guichet unique » pour les démarches que les infirmiers doivent faire aujourd’hui parallèlement auprès de la délégation départementale de l’ARS et du CDOI.

Comme on le voit, l'ONI aura besoin de beaucoup d'énergie et surtout des encouragements de l'ensemble de la profession pour mener à bien toutes ses missions et les nouveaux projets qui nourrissent son action. Les échéances politiques à venir ne semblent pas impacter sur l'optimisme de Didier Borniche qui rappelle que « les élus ordinaux sont là pour mener leurs missions, sereinement et dans le respect de la démocratie ». De nouvelles élections ordinales seront organisées en 2013. L'ensemble des inscrits au tableau de l'Ordre sera appelé à voter. Elles commenceront par la désignation des conseillers départementaux (avril 2013), puis des conseillers régionaux (juillet 2013) pour enfin l'élection du bureau national en fin d'année. D'ici là, que se passera-t-il ? Nul ne le sait vraiment... « Laissons du temps au temps, progressons pas à pas, restaurons la nécessité d'une structure ordinale forte, travaillons ensemble et sans animosité, afin de construire notre avenir professionnel et réaffirmer, concrètement, la place et le rôle essentiel de l'infirmier dans le paysage sanitaire » ; une conclusion en forme de vœux pour 2012.
Le 20 mars 2012, c'est encore rue Sainte-Anne qu'aura lieu le Conseil national de l'ONI avec au programme, entre autres, le vote du budget prévisionnel pour l'exercice 2012-2013... Dernier détail, le siège de l'ONI devrait, à court terme, et dans la logique du plan de restructuration, trouver lui aussi sa place dans des locaux plus modestes et moins onéreux.

Bernadette FABREGAS
rédactrice en chef IZEOS
bernadette.fabregas@izeos.com


Source : infirmiers.com