Chaque professionnel a des compétences, des champs d’activités qui lui sont propres. Mais rien n’est prévu sur le « partage » de ces compétences avec d’autres en particulier dans le cadre de la pénurie de personnel.
Nous allons donc voir en France, comme chronologiquement cette « nouvelle coopération » s’est déroulée et ce que peuvent en attendre les professionnels.
Chronologie des différentes étapes :
- Le rapport BERLAND
- Réunion de lancement
- L’encadrement juridique
- Les premières expérimentations
- Le rapport de l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (O.N.D.P.S)
- L’élaboration de recommandations par la HAS
- Le rapport d’étape de la HAS
- La consultation publique de la HAS.
Le rapport BERLAND
Le premier rapport sur ce sujet du professeur BERLAND sur la « Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences » date de 2003. C'est-à-dire il y a déjà quatre ans ! ! !
Réunion de lancement :
Une réunion lance le projet au ministère en décembre 2003 avec une liste d’expérimentations possibles.
L’encadrement juridique
Une loi et un arrêté encadrent cette démarche. Il s’agit de:
- La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique
- Et l’Arrêté du 13 décembre 2004 relatif à la coopération entre professionnels de santé.
Ce dernier texte précise les modalités précises de ces expérimentations, et notamment la nature et la liste des actes, la durée de l'expérimentation, les établissements et services qui en sont chargés, les conditions de mise en œuvre, ainsi que les modalités de son évaluation.
5 expérimentations ont ainsi été autorisées dont deux concernent médecin et infirmier :
La première s'adresse à des patients suivis dans les centres d'hémodialyse. Les actes concernés par l'expérimentation et faisant l'objet d'un transfert à un professionnel de santé non médecin sont : Évaluation de la situation clinique du patient et diagnostic de la situation, vérification des critères biologiques, prescription d’examens complémentaires dans le cadre d’un protocole médical, information sur la pathologie et le traitement, tenue du carnet vaccinal, prescription et réalisation de vaccin selon un protocole médical, réadaptation du poids sec, réalisation du test de recirculation, renouvellement de prescription à partir d’un protocole médical.
Cette expérimentation s’est déroulée dans le service d'hémodialyse du Centre Hospitalier de Lisieux et devait durer 6 mois.
Les modalités de l'évaluation prévues étaient les suivantes :
- Objectifs de l’évaluation :
- garantir l’efficacité et la sécurité de la prise en charge ;
- estimer le temps médical gagné et décrire son allocation ;
- identifier les conditions d’une expérimentation multicentrique.
- Résultats et processus médicaux :
- suivi des indicateurs cliniques de chaque patient, comparaison avec antériorité ;
- suivi des incidents, infections, œdèmes aigus pulmonaires, et comparaison avec la littérature scientifique ;
- mesure du délai de présence médicale ;
- mesure de la satisfaction des patients.
- Impact organisationnel :
- estimation des temps médicaux, passés, gagnés ;
- comparaison de l’activité médicale avant et après l’expérimentation ;
- évaluation de l’impact sur le travail infirmier dans le service ;
- mesure du délai d’attente en consultation.
- Impact économique :
- mise en balance du surcoût et de l’activité médicale produite ;
- nombre d’actes
La deuxième s'adressait à des patients atteints du virus de l'hépatite C stabilisé. Les actes concernés prévues étaient : Consultation, examen clinique du patient, interrogatoire, évaluation de la situation clinique du patient et diagnostic de la situation, vérification des critères biologiques, adaptation de la prescription médicale dans le cadre d’un protocole médical, prescription de médicaments spécifiques dans le cadre d’un protocole, prescription d’examens complémentaires et d’actes précis dans le cadre d’un protocole médical, informations concernant la pathologie et le traitement.
Elle devait se dérouler dans le service de gastro-entérologie, CHG de Montélimar et durer 12 mois. Les modalités de l'évaluation étaient :
- Évaluation de la faisabilité :
- activité ;
- pourcentage des patients ne donnant pas suite ;
- difficultés rencontrées pour les professionnels concernés ;
- satisfaction des professionnels.
- Résultats médicaux :
- adhésion du patient au traitement ;
- satisfaction des patients ;
- bénéfices pour les patients ;
- identification des complications.
- Organisation :
- délai d’attente des consultations ;
- nombre de consultations par patient ;
- estimation des temps de consultation ;
- temps médical gagné et son utilisation.
- Impact économique :
- coût salarial ;
- nombre d’examens, d’actes ou de médicaments prescrits.
Le rapport de l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (O.N.D.P.S)
En juin 2006, l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (O.N.D.P.S) a publié son « Rapport sur Cinq expérimentations de coopération et de délégation de tâches entre professions de santé».
Il en ressort que :
- Tous les projets présentés montrent qu’il est possible pour des professionnels paramédicaux de réaliser des actes médicaux sans danger pour les patients au prix d’une réorganisation des processus de travail et d’une étroite collaboration avec les médecins.
- Dans de nombreux endroits et de façon importante, les acteurs paramédicaux réalisent des actes en dehors de leur décret d’exercice et cela sans encadrement formel avec donc un écart entre le travail prescrit et le travail réel. « Le recensement davantage exhaustif et l’analyse de ces pratiques, en terme d’utilité et de sécurité, pourraient enrichir la réflexion qui est engagée ». « On peut penser que de nombreuses marges de manœuvre existent dans le cadre juridique actuel pour mettre en oeuvre une pratique déléguée et faire ainsi face à une baisse de la force de travail disponible dans les équipes de soins ».
- Plusieurs projets, sont en faveur soit d’un accroissement de productivité (coopération en ophtalmologie entre le médecin et l’orthoptiste, maintien de l’activité avec un médecin en moins en hémodialyse), soit d’un gain de temps médical plus ou moins important (Manipulateur en électroradiologie en radiothérapie, diététicienne dans le traitement du diabète de type II).
- Néanmoins, en terme économique, la diminution de la charge de travail du médecin et la réduction des coûts semblent très liées au contexte de soins. La charge de travail des médecins peut rester inchangée, notamment parce que les infirmières développent leurs activités pour des besoins jusqu’alors non satisfaits ou parce que la présence des infirmières génère une demande de soins nouvelle. Si le médecin voit sa charge de travail modifiée, l’économie induite sera plus importante notamment si le médecin peut réallouer ce temps à une activité strictement médicale. L’économie réalisée est aussi très dépendante de l’amplitude du différentiel de salaire entre le médecin et l’infirmière et peut être réduite par la durée des consultations infirmières qui est plus longue que celle des médecins.
- Au sujet de la « rémunération », le rapport précise : « Dans la perspective d’une évolution et d’une progression professionnelle des professions paramédicales, une rémunération spécifique est évoquée par la plupart des professionnels engagés dans les expérimentations qu’ils soient médecins ou paramédicaux. Il paraît légitime à terme de valoriser spécifiquement les fonctions à responsabilités plus étendues et nécessitant une qualification plus élevée »
http://www.sante.gouv.fr/ondps/rapport_cinq_experim_juin2006.pdf (1,33 Mo)
L’Elaboration de recommandations par la HAS
La Haute Autorité de Santé (H.A.S) a été chargée par le ministère d'élaborer des recommandations sur cette coopération entre professionnels de santé. « La coopération entre professionnels de santé qui participent à la prise en charge d'un patient est un enjeu central pour l'avenir du système de santé. En effet, l'intervention des professionnels autour du patient doit s'adapter aux évolutions de la démographie médicale, des pratiques et des comportements et à celles des techniques et des produits de santé ».
La mission de la HAS doit se traduire par la rédaction d'une recommandation sur les conditions d'extension de la démarche testée dans les expérimentations à l'ensemble du champ de la santé avec l’aide d’un comité de pilotage regroupant des membres de la HAS et de l'ONDPS.
Cette recommandation sera produite fin 2007. En attendant la HAS a produit un rapport d’étape sur le sujet avec une réunion d’information le 11 avril dernier.
Le rapport d’étape de la HAS
En attendant cette recommandation, la HAS a publié un rapport d'étape qui a pour objectif « de présenter la méthodologie sur laquelle la Haute Autorité de Santé s'appuie pour élaborer une recommandation visant à clarifier les conditions de la coopération dans le domaine de la santé et à identifier les évolutions qui pourraient la faciliter, afin de préserver, voire d’améliorer, la qualité des soins pour les patients ». Ce rapport présente les méthodes d'évaluation développées pour suivre ces 11 projets avec trois études :
- Une évaluation fondée sur un recueil prospectif par chaque site de données quantitatives d’activité et de résultats permettant d’étudier la faisabilité, la sécurité et la qualité des soins ;
- Un recueil de l’avis des patients par questionnaire organisé sur chaque site afin d’apprécier la perception et l’acceptation par les patients de cette réorganisation de sa prise en charge ;
- Une évaluation qualitative, par entretien semi-directif, organisée sur chaque site auprès des professionnels de santé concernés. Elle sera plus particulièrement centrée sur les aspects liés à la faisabilité et à l’organisation des nouvelles formes de coopération.
Pour terminer la HAS va lancer une consultation publique qui se déroulera en plusieurs étapes successives jusqu'à l'automne : réunion d'information auprès des principales organisations professionnelles, enquête auprès des professionnels de santé, consultation publique sur internet.
La consultation publique de la HAS
La Haute Autorité de Santé vient de lancer une enquête sur son site Internet dont l’objectif est de permettre aux professionnels et équipes de santé de partager leur expérience en termes de coopération : nouveau partage des tâches, nouvelles pratiques paramédicales, etc.
Le questionnaire est disponible jusqu’au 31 juillet 2007.
Il peut être complété seul ou en équipe de soins, de manière anonyme ou non. Dans tous les cas, les renseignements recueillis ne feront pas l’objet d’une publication nominative. La HAS insiste sur la nature exclusivement informative de cette enquête. Il ne s’agit en aucune façon d’une procédure de validation des pratiques professionnelles qui seront décrites.
Néanmoins, nous pouvons nous interroger pour savoir s’il ne s’agit pas de mettre à jour les pratiques illégales ? Pour en faire quoi ?
Ce que peuvent en attendre les professionnels ?
C'est le début « officiel » de la « filière clinique » tant attendue avec mise en place des « pratiques avancées ».
Espérons que les salaires suivront…
Guy ISAMBART
Rédacteur en chef Infirmiers.com
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