A Brest, premier centre de formation Nidcap en France, comme à Montpellier et dans bien d’autres villes, les établissements de santé sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à la formation Nidcap. Ce programme d’observation des bébés prématurés vise à mieux décrypter le comportement de l’enfant, afin que chacun puisse mieux s’ajuster à ses besoins durant ses premières semaines de vie. Béatrice Kerleroux est infirmière certifiée Nidcap, elle occupe le poste de coordinatrice NIDCAP au CHU de Brest. Elle nous en dit plus.
Le programme Nidcap : de quoi s’agit-il ?
Le programme NIDCAP a été mis au point à l’université de Harvard à Boston dans les années 80 par Heidelise Als, ancienne élève du Dr Brazelton. Mr Brazelton est un pédiatre américain qui a beaucoup étudié le comportement du bébé à terme. Il a été un des premiers à démontrer que dès sa naissance le bébé a des compétences et qu’il peut être acteur de son développement. Mme Als a adapté les travaux de Mr Brazelton aux nouveau-nés prématurés et développé le programme NIDCAP.
Ce programme nécessite l’implication d’un service entier (voire même d’un hôpital). Il est basé sur une théorie, centré sur la relation et orienté sur les systèmes. Il est largement validé par la science.
Le maître-mot du programme Nidcap* est l’observation du comportement du nouveau né, toujours en présence des parents. C’est par des observations répétées et formalisées du nouveau-né prématuré que les soignants et les parents peuvent individualiser la prise en charge, en fonction de ce que montre le bébé, comme force et comme fragilité. Pour chaque bébé, une stimulation adaptée induit des comportements d’approche (bien-être, stabilité) et inversement une stimulation inadaptée des comportements de retrait (pause respiratoire, désorganisation des mouvements…), le but étant vraiment de comprendre ce que le bébé est capable de supporter à un instant T pour mieux s’adapter à lui et favoriser son développement.
Très précisément, il s’agit d’observer le bébé dans son environnement ?
Le développement de l’enfant est articulé autour de plusieurs systèmes : végétatif, moteur, veille-sommeil, etc. Pour chacun de ces systèmes, on observe : la stabilité physiologique (de son rythme cardiaque, de sa respiration, de sa couleur…), comment l’enfant bouge (a-t-il du tonus, se met-il en flexion ou en extension de façon naturelle ?), comment l’enfant dort (les stades de veille et de sommeil étant désorganisés, anarchiques chez les bébés prématurés, on porte son attention sur les rythmes de chaque bébé), le système de l’attention, c’est-à-dire de l’interaction avec l’extérieur (comment le bébé réagit-il aux stimulations...) Enfin, comme chacun de ces systèmes sont liés, il est important de regarder comment tout cela s’articule. Tout en le regardant, nous cherchons à répondre à des questions essentielles : Comment faire en sorte de stabiliser sa respiration ? L'enfant a-t-il besoin d’être enveloppé pour bien dormir ? Pendant les soins, arrive-t-il tout seul à se mettre en flexion ? A-t-il besoin d’être davantage contenu ?
Ces observations permettent de définir des objectifs de développement, d’élaborer des recommandations en termes d’environnement (bruit, lumière), de couchage (installation, soutien plus ou moins important), et de soins, en utilisant des techniques de soins de développement largement prouvées scientifiquement (peau à peau, enveloppement, succion non nutritive, position en flexion…)
Pour chaque bébé, une stimulation adaptée va apporter des comportements d’approche et inversement des comportements de retrait, le but étant vraiment de comprendre ce que le bébé est capable de supporter à un instant T pour mieux s’adapter à lui.
Des parents plus investis
Ces observations, qui permettent le décryptage du comportement du bébé, sa réaction au stress et les capacités qu'il met en place pour se réguler, facilitent également la compréhension entre les parents et leur enfant. Cette méthode permet ainsi d’inclure les parents le plus précocement possible dans les soins de l’enfant, de leur redonner toute leur place. Evidemment, lorsque l’on ne comprend pas son bébé, il est plus difficile d’agir. Grâce à l’observation Nidcap réalisée en leur présence, les parents comprennent ce que l’enfant supporte ou non, les gestes qui l’aident à se stabiliser et montrent peu à peu des comportements plus adaptés. Bien souvent, au bout de quelque temps, les parents deviennent eux-mêmes les experts
du comportement de leur bébé.
Tout ce travail a permis aux parents de mieux prendre leur place auprès de leurs bébés. Enfin, nous savons que la prématurité peut avoir tendance à favoriser des troubles de l’attachement. C’est en tout cas un facteur de risque. Or la proximité, le fait de mieux comprendre son bébé quand on est parent, et d’avoir des réactions adaptées, permet de réduire ce risque.
A qui cette méthode s’adresse-t-elle ?
La formation Nidcap, si elle commence par la certification d’un noyau dur de plusieurs soignants, nécessite l’implication du service entier, avec l’appui de l’hôpital.
Elle s’adresse à tous les soignants, qu’ils soient infirmiers, médecins, ou puériculteurs. Elle dure deux ans en théorie, plutôt trois ans dans la pratique (car il faut observer un certain nombre d’enfants, ce qui est parfois difficile en deux ans). La première moitié de la formation, les soignants observent des bébés de tous les âges, grands prématurés, prématurés et nouveau-nés, puis, prennent en charge un bébé né à moins de 28 semaines de grossesse, des tous premiers jours de vie au retour de l’enfant à domicile en réalisant un travail de guidance du bébé et de sa famille et en impliquant au quotidien le reste de l’équipe.
22 établissements français se sont formés à l’observation Nidcap, que ce soit par la formation de soignants, ou même l’étape suivante la certification Nidcap de l’unité.
Comme cette formation est coûteuse en termes de budget et de temps de formation, tous les établissements ne souhaitent pas s’y impliquer, mais il existe une alternative, une formation intermédiaire, appelée "Fine". Il s’agit d’un entre-deux qui dure environ 12 semaines. Le but est le même : optimiser le développement de ces enfants nés trop tôt en réduisant le stress et en répondant à leurs besoins spécifiques en collaboration avec leurs familles.
*Nidcap pour Neonatal Individualized Developemental Care and Assessment Program
Propos recueillis par Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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