Ce rapport de 140 pages, transmis à l'APM, avait été commandé en novembre 2006 par les ministres chargés du travail et de l'enseignement supérieur aux Pr. Françoise Conso et Paul Frimat.
Ils étaient chargés avec l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) de dresser "un bilan d'étape de la réforme" et de mener "une réflexion prospective et ouverte sur l'évolution des services de santé au travail compte tenu de la démographie médicale et de l'articulation des différentes missions des médecins du travail", selon la lettre de mission annexée au rapport.
Pour les auteurs, la médecine du travail est aujourd'hui une "institution en crise", engagée depuis 15 ans dans un processus de réforme, à la suite notamment de la "catastrophe sanitaire" de l'amiante qui a "révélé le caractère peu opérant d'une organisation focalisée sur la visite individuelle systématique, sans que cela ait permis d'éviter la multiplication des cas pathologiques".
Avant l'affaire de l'amiante, les "signes de dysfonctionnements" s'étaient déjà accumulés: "forte augmentation des maladies professionnelles, désaffection pour le métier de médecin du travail, inapplication de la loi, déficit de connaissance, éparpillement des responsabilités, contestation de la procédure d'aptitude dont le caractère prédictif serait faible et la valeur préventive quasi-nulle".
REFORME INABOUTIE
Sous l'impulsion du droit communautaire, la médecine du travail s'est tournée vers la prévention, avec l'application du "tiers temps" en entreprise (action accrue du médecin sur le lieu du travail), le renforcement de la présence des services de santé au travail (SST) grâce à la généralisation de la fiche d'entreprise et l'instauration de la pluridisciplinarité dans ces services.
Toutefois, les auteurs du rapport constatent que cette réforme reste "inaboutie", avec une pénétration inégale selon les régions et "du fait d'un calibrage irréaliste" du temps médical qui "reste insuffisant", l'espacement des visites médicales sur un rythme bisannuel n'ayant pas permis de dégager assez de temps pour améliorer la prévention dans le milieu de travail.
Ils déplorent par ailleurs que l'organisation de la médecine du travail "demeure subordonnée à une logique sociale" plutôt qu'à une logique de santé publique, avec des objectifs exprimés en moyens plutôt qu'en résultats.
"En l'état, le dispositif de santé au travail n'est pas en mesure de relever les défis à venir", estiment les auteurs, qui jugent la médecine du travail "mal armée pour affronter les transformations du système productif", dépourvue de pilotage stratégique, alors qu'elle doit faire face au défi du vieillissement de la population active avec des ressources médicales qui se raréfient, sans parler de son enseignement.
QUATRE AXES DE MODERNISATION
Aussi les auteurs ont-ils dégagés quatre axes pour sortir la médecine du travail de l'ornière: "mettre la prévention au centre, se donner les moyens de la réflexion, passer d'une logique de contrôle administratif à une logique de régulation du dispositif de prévention et privilégier l'expérimentation".
Le premier axe suppose la redéfinition des SST et de leurs objectifs de prévention dans la loi, en leur confiant la mission de préparer et de mettre en oeuvre des projets de prévention dans le cadre d'un plan pluriannuel sur la santé au travail en entreprise.
Cela passe également par l'organisation du suivi des recommandations du médecin du travail, la transformation de la procédure d'aptitude systématique en une procédure ciblée de prévention des inaptitudes, soulignent les auteurs, qui souhaitent également "substituer à la surveillance médicale renforcée une prestation renforcée de santé au travail à visée préventive" et "améliorer la traçabilité des expositions par la mise en place d'un dossier médical personnalisé du travail".
Pour le second axe, les auteurs suggèrent de former les médecins du travail selon une nouvelle maquette, d'augmenter en parallèle le nombre de places ouvertes aux épreuves classantes nationales (ECN) et de renforcer l'attractivité pour la discipline, de revoir les conditions de choix des spécialités dans le cadre des ECN et d'aménager une "voie pérenne d'accès au diplôme d'études spécialisées de médecine du travail pour les médecins en activité.
Ils préconisent également de reconnaître "formellement la notion d'équipe de santé au travail, placée sous la responsabilité d'un médecin du travail" et de donner une base juridique à la délégation de tâches.
Le rapport évoque également la création de "pôles interrégionaux d'excellence en matière d'enseignement et de recherche", complétée par un renforcement des effectifs d'enseignants-chercheurs sous l'égide des ministères compétent, ainsi que par la mise en place d'un cycle de hautes études pour sensibiliser les décideurs aux questions de santé au travail.
En troisième lieu, ils privilégient le remplacement de l'agrément des SST par une procédure d'accréditation, sur la base d'un protocole défini avec la Haute autorité de santé (HAS), et suggèrent de confier la régulation des objectifs, des moyens et de l'accréditation des SST aux conseils régionaux de la prévention des risques professionnels (CRPRP), qui arrêteraient un schéma directeur régional de la médecine du travail.
Enfin, le rapport recommande d'ouvrir une période d'expérimentation d'au moins deux ans, "dans des conditions encadrées et négociées", et accompagnée d'un suivi associant les partenaires sociaux.
(Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail, Igas, IGAENR, Françoise Conso et Paul Frimat, 140 p.)
INFOS ET ACTUALITES
Moderniser la médecine du travail ...
Publié le 08/11/2007
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Source : infirmiers.com
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