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Médicaments cytotoxiques, quels risques pour les soignants ?

Publié le 03/11/2016
injection médicament cytotoxique

injection médicament cytotoxique

Dans les services de soins ou même à domicile, nombreux sont les professionnels de santé amenés à être en contact avec des produits cytotoxiques. Rappelons que l'exposition à ces produits sans mesures de protection adéquates génère des troubles sévères à long terme. Explications et recommandations indispensables à connaître… et à observer !

Les soignants doivent manipuler les médicaments cytotoxiques avec précautions.

De l'administration des traitements en passant par la gestion des déchets, le risque d'être exposé à des particules de médicaments cytotoxiques est inhérent aux services de soins. Mais si les produits sont toxiques pour les patients, ils peuvent l'être également pour les soignants, surtout dans le cadre d'une exposition prolongée… Qu'ils soient aides-soignants , infirmiers hospitaliers ou libéraux , ou encore agents de services hospitaliers, les professionnels de santé doivent observer des mesures préventives individuelles et collectives pour se protéger des contaminations. Une fiche synthèse de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) rappelle les bonnes pratiques soignantes en la matière…

Qu'est-ce qu'un produit cytotoxique ?

Les médicaments cytotoxiques (ou cytostatiques) sont des substances qui interfèrent dans le cycle de reproduction des cellules de l'organisme . Ils agissent soit en modifiant directement la structure de l'ADN d'une cellule, soit en perturbant sa synthèse protéique, créant ainsi une apoptose. Cependant, en plus d'agir sur les cellules tumorales, les agents cytostatiques opèrent également sur les cellules saines de l'organisme. De fait, de nombreux effets secondaires apparaissent généralement en cas d'administration chez un patient, mais aussi d'exposition du soignant. Les agents les plus communs restent les chimiothérapies (alkylants, anti-métabolites, intercalants, antimitotiques) devant les immunomodulateurs.

Contaminations et risques sanitaires

Il existe trois modes de contamination des agents cytotoxiques :

  • la voie respiratoire (aérosols liquides ou solides) ;
  • la voie cutanée (passage à travers la peau) ;
  • la voie digestive (mains souillées portées à la bouche).

La contamination peut se faire à toutes les étapes de mise en œuvre d'un traitement :

  • à sa réception au contact direct des flacons lors de leur manipulation et de leur rangement ;
  • lors de sa préparation en reconstituant les produits (ex : piqûre, bris de flacon, projections de produit…) ;
  • lors de son transport au contact direct du produit fini… ;
  • lors de son administration en manipulant le produit fini ou à la pose de la tubulure ;
  • lors des soins aux patients et l'entretien de son environnement ;
  • lors de l'élimination des excrétas , du linge souillé et des poubelles (ex : diurèse, protection…).

Mais qu'importe le stade auquel le soignant entre en contact avec l'agent toxique, les risques de développer des effets secondaires sont présents. En effet, même en cas de faible quantité, une exposition prolongée à un médicament toxique peut provoquer des symptômes, voire des maladies graves comme le cancer :

  • risques immédiats : irritation cutanéo-muqueuse voire nécrose au niveau local, prurit, céphalées, troubles digestifs, réactions asthmatiques… ;
  • risques retardés : reprotoxicité (avortements spontanés, stérilité...), tératogénécité (malformations fœtales, grossesses extra-utérines…), mutations génétiques, cancers…

Classement des agents cytotoxiques selon leur cancérogénicité du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC)

Classe d'agentsNombre d'agents classésExemples
Groupe 1 :
agents cancérogènes pour l'homme
119 agents Azathioprine, Busulfan, Chlorambucil, Melphalan, Tamoxifène...
Groupe 2 A :
agents probablement cancérogènes pour l'homme
79 agents Azacitidine, Carmustine, Cisplatine, Procarbazine, moutarde azotées...
Groupe 2 B :
agents peut-être cancérogènes pour l'homme
290 agents Amsacrine, Bléomycine, Cimetidine, Dacarbazine, Streptozotocine…

Au vu des risques importants, les femmes enceintes ou allaitantes ne doivent pas être affectées à la préparation, à l'administration et élimination des produits cytotoxiques.

Mesures de prévention

Tout au long de la mise en œuvre des traitements, les soignants doivent mettre en place des mesures de prévention à la fois collectives et individuelles.

D'abord, un local doit être réservé à la préparation centralisée des traitements cytotoxiques dans le service. Les surfaces de préparation doivent être lisses et faciles à désinfecter. Le matériel utilisé doit limiter la production de projections de gouttelettes ou d'aérosols, et les préparations doivent se faire sous une hotte à flux laminaire vertical.

Les agents cytotoxiques se retrouvent dans les liquides biologiques des patients après administration (selles, urines, voire salive et sueurs). Il est donc important de se protéger d'une part, et de maîtriser les contaminations de surfaces d'autre part :

  • inviter les patients à uriner en position assise ;
  • après utilisation, nettoyer le matériel de recueil (bassin, urinoir, bocal), à l'eau, puis avec un détergent habituel avant de rincer à nouveau ;
  • nettoyer régulièrement l'environnement du patient ;
  • éliminer les excrétas dans des poubelles DASRI.

Concernant les tenues individuelles, les professionnels de santé amenés à entrer directement en contact avec les produits cytotoxiques, avec des patients traités ou encore dans un environnement exposé, doivent porter :

  • des gants : non poudrés en nitrile ou en latex (port pendant 30 minutes maximum, à retirer avec précautions) ;
  • une blouse : à manches longues, à faible perméabilité et à poignets serrés ;
  • des lunettes de protection : en cas de risque de projections ;
  • un masque : type FFP2 ou FFP3 en cas d'aérosols.

Conduites à tenir en cas d'incident

En cas de déversement accidentel de produit cytostatiques, il existe dans les services de soins un kit d'urgence. Les professionnels de santé doivent savoir où il se situe, ce qu'il contient, et surtout comment l'utiliser.

Dans le cas d'une exposition accidentelle à un produit cytotoxique, le soignant doit impérativement rincer abondamment les zones corporelles touchées. Dans ce cas, le cadre de santé, la hiérarchie et la médecine du travail restent les interlocuteurs privilégiés.

Vers des recommandations européennes pour prévenir l'exposition professionnelle aux cytotoxiques ?

En novembre 2015, le Parlement Européen a appelé la Commission Européenne à agir sur les facteurs de risques chimiques et à inclure des mesures concernant l'exposition des professionnels de santé aux cytotoxiques et autres médicaments dangereux. Au travers de onze recommandations, la publication "Prévenir l'exposition professionnelle aux cytotoxiques et autres médicaments dangereux" du Parlement Européen donne des pistes pour mettre en place une législation visant à protéger les professionnels de santé manipulant des médicaments cytotoxiques. Le texte considère notamment que les dispositifs de transert en système fermé (CSTDs) sont les seuls équipements spécifiquement conçus pour protéger les personnels exposés aux substances dangereuses. Bien que pour l'heure, aucune définition commune n'existe pour qualifier les Dispositifs de Transfert de Médicaments en circuit fermé, l'Institut National de Sécurité et d'Hygiène au Travail a publié les spécifications techniques que devraient remplir ces systèmes : non-contamination de l'air ou du professionnel, asepsie, fiabilité d'utilisation, capacité dez vidange totale, universalité des connections et protection contre la contamination chimique. Il s'agit d'un premier pas pour établir une norme minimale en Europe.

Quid des produits cytotoxiques à domicile…

Certains médicaments cytotoxiques comme les chimiothérapies anticancéreuses peuvent être administrés à domicile via la HAD , mais aussi par les infirmiers libéraux formés à cet effet. En effet, selon l'arrêté du 20 décembre 2004 fixant les conditions d'utilisation des anticancéreux injectables, l'infirmier libéral doit faire partie d'un réseau de santé en cancérologie. Ce dernier est soumis à des conditions de qualité et de sécurité concernant la dispensation et l'administration des chimiothérapies et coordonne la prise en charge du patient. Ce texte réglementaire stipule également que les médicaments anticancéreux administrés à domicile sont reconstitués et/ou préparés dans la pharmacie à usage intérieur dans l'établissement du praticien prescripteur... De plus, l’administration d'une chimiothérapie anticancéreuse par l'IDEL implique une surveillance constante pendant toute la durée de la perfusion et la possibilité d'intervention d'un médecin, à l'exception des perfusions continues sur plus d'un jour » ainsi qu'une «  surveillance des suites de la perfusion [...] du produit. Une organisation des soins qui doit répondre à des normes très précises pour les IDEL...

Néanmoins, grâce à leur formation, les IDEL sont habilités à connaître les bonnes pratiques professionnelles à mettre en œuvre ainsi que les risques liés à l'exposition des produits cytotoxiques :

  • administration : l'infirmier libéral doit disposer du matériel nécessaire à la préparation, à l'administration de la chimiothérapie (tenue de protection, ligne de chimiothérapie en système clos…) et du kit en cas d'accident ;
  • manipulation des excrétas/linges souillés : les soignants qui travaillent au domicile du patient sont avertis de son traitement cytotoxique et doivent ainsi porter une tenue de protection en conséquence ;
  • gestion des déchets : les déchets liés aux soins avec produits cytotoxiques doivent être éliminés dans les poubelles DASRI.

Enfin, l'infirmier libéral se doit d'informer et d'éduquer les proches quant aux risques encourus avec les produits cytotoxiques, notamment lors la manipulation des excrétas, du linge souillé et de la gestion des déchets.

Source : Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)

Ophélie PERROTRédaction Infirmiers.comophelie.perrot@infirmiers.com@OliePrt


Source : infirmiers.com