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AU COEUR DU METIER

Médecine d'urgence : recommandations et messages clé

Publié le 23/09/2015
arrêt de la transfusion

arrêt de la transfusion

hopital infirmière urgence

hopital infirmière urgence

Le congrès annuel Société Française de Médecine d’Urgence s'est tenu en juin dernier à Paris L'occasion de revenir sur une spécialité qui évolue et s’évalue, une société savante qui se modernise et s’enracine et enfin des paramédicaux toujours plus nombreux qui affirment leur présence et leur rôle central que ce soit aux urgences ou au SMUR. Focus sur 5 sujets majeurs qui questionnent les soignants (et les étudiants !) au quotidien.

Choc septique : de l’importance d’une reconnaissance et d’un traitement précoce

Des rappels de bonnes pratiques en direct du congrès de la Société française de Médecine d'Urgence 2015…

Le choc septique relève d’une physiopathologie complexe et encore non totalement élucidée dans laquelle le temps joue un rôle crucial. Dans cette optique, trois facteurs de gravité simples doivent guider un déchoquage/réanimation agressif en s’appuyant sur les recommandations de la « sepsis surviving campaign » de 2012 :

  • une pression artérielle systolique (PAS)
  • des signes périphériques (marbrures, extrémités froides, pâleur…) ;
  • une lactatémie > 1,6 mmol/L (bien corrélé à un niveau de marbrures dépassant les genoux).

Evidemment, et dans une moindre mesure, la diurèse et le temps de recoloration cutanée (TRC) constitue également de bons indicateurs pronostics de l’évolution du patient (pour rappel diurèse normale = 1 à 3 ml/kg/h et une oligo-anurie est inférieure à 1 ml/kg/h ou 500 ml/24h). A noter qu’une lactatémie > 4 mmol ou des marbrures persistantes au delà de 6h sont associées à une mortalité très importante, ainsi un contrôle des lactates toutes les 2h semble légitime pour surveiller et évaluer le traitement d’un patient en choc, en plus de l’observation clinique.

Le traitement du choc septique repose sur trois piliers :

  • un remplissage initial et précoce de 35 ml/kg de sérum phy (les colloïdes et sérum salés hypertoniques n’ont pas leur place ici) avec une mais idéalement deux voies veineuses périphériques (VVP) de gros calibre ;
  • introduction de la noradrénaline (NAD) si absence de réponse hémodynamique au remplissage initial :   
    PAS ou d’emblée si diastole
  • antibiothérapie à large spectre le plus précocement possible (juste après prélèvements bactériologiques) : pour rappel la mortalité s’élève de 8% à chaque heure de retard d’antibiothérapie.

La mise en condition du patient doit répondre à plusieurs critères :

  • dans un premier temps, évaluation collégiale de la pertinence de la réanimation (sinon procédure LATA : Limitation ou arrêt des thérapeutiques actives) ;
  • un cathéter artériel (KTA) pour obtenir une pression artérielle fiable et adapter la dose de noradrénaline (débuter à 0.5 mg/h puis augmenter de 0.5 si besoin) ;
  • le cathéter veineux central (KTC) n’est pas une priorité aux urgences, une bonne VVP (voire deux) est suffisante pour la noradrénaline dans un premier temps et les indicateurs statiques mesurés grâce au KTC (PVC, PAPO) sont peu fiables dans ces situations ;
  • quantification horaire de la diurèse ;
  • préférer la ventilation non invasive (BiPAP) ou optiflow à l’intubation (IOT) si pneumopathie hypoxémiante ou hémodynamique stable ;
  • si intubation, utiliser Kétamine plutôt que l’Etomidate pour son effet bronchodilatateur et moins hypotenseur, en outre ne provoque pas d’insuffisance surrénale aiguë dans les 24h ;
  • en conclusion, éviter la stratégie des gros tuyaux (non nécessaire dans un premier temps, en outre, porte d’entrée infectieuse supplémentaire).

La surveillance doit être rapprochée et un point de situation globale doit être fait toutes les deux heures sur des critères simples dans un premier temps :

  • évaluation PAS, PAM, régression des signes périphériques (objectif = disparition des marbrures dans les 3 heures) et des lactates ;
  • évaluation échographique si possible ;
  • la mesure de la diurèse (> 0.5 ml/kg/h) est un bon indicateur mais n’est pas le premier signe de déchoquage, le choc ayant pu entraîner une nécrose tubulaire aiguë par exemple ;
  • un contrôle strict de la glycémie horaire et un traitement par insuline est nécessaire pour éviter les hyperglycémies (> 10 mmol ou 1.8 gr/L) induites par les catécholamines endogènes et responsables d’une toxicité cellulaire (notamment au niveau cérébral).

Arrêt cardiaque (ACR) en 2015 : des certitudes et des zones d’ombre …

En attendant les nouvelles recommandations de l’ERC (les recommandations actuelles : sofia.medicalistes.org) prévues en octobre 2015, 4 sujets phares ont été abordés lors du congrès :

La régulation médicale de l’ACR

Il est rappelé le rôle primordial de la régulation (SAMU centre 15) dans la reconnaissance et l’aide à la conduite d’une réanimation cardio pulmonaire (RCP) pour les non initiés avec des messages essentiels :

  • un patient « visiblement mort » est en arrêt cardiaque jusque preuve du contraire, de même pour un patient qui ne respire pas ou « bizarrement » (gasps) ;
  • massage cardiaque en continu en attendant les secours : appuyer vite et fort au centre de la poitrine ;
  • mise en place précoce d’un DAE (défibrillateur automatisé externe) ou DEA (défibrillateur entièrement automatisé) si disponible ;
  • pas de nécessité d’un bouche-à-bouche en attendant les secours : le massage cardiaque seul mobilise l’oxygène résiduel présent dans l’organisme pendant les premières minutes.

La ventilation

La question qui se pose est : « l’intubation précoce, actuellement pratiquée, est elle délétère pour le patient dans les premières minutes d’un ACR? ». Les dernières études sont clairement en défaveur d’une intubation précoce dans la mesure où elle influerait sur la qualité du massage cardiaque (MCE) et provoquerait des interruptions de celui ci, ayant pour conséquence un défaut d’oxygénation cérébrale et donc des séquelles irréversibles et mortelles. Pour rappel, les séquelles deviennent irréversibles après quelques minutes d’hypoxie liée à une absence de circulation ou un bas débit cérébral, en outre cette hypoxie majore la zone de nécrose suite à un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un syndrome coronarien aigu (SCA). Peut être qu’une intubation différée suite à une bonne ventilation au masque (BAVU) associée à un massage cardiaque efficace serait à privilégier (comme recommandé dans les algorithmes de l’ERC). Une étude française de grande ampleur vient d’être lancée sur le sujet … À suivre ! A noter qu’une hyperoxie prolongée (saturation en oxygène/Sp02 > 96%) est aussi délétère qu’une hypoxie.

Quid de l’Adrénaline

Comme vous le savez, l’adrénaline a fait l’objet de nombreuses publications ces dernières années qui ont mis en exergue ses effets néfastes sur la survie (sans séquelle notamment neurologiques) à 28 jours par augmentation de la demande en oxygène liée à la vasoconstriction et ses effets arythmogènes. Il s’agit cependant du seul vasoconstricteur pouvant montrer un intérêt dans la survie immédiate (la vasopressine n’ayant pas fait ses preuves).  Nous pouvons donc supposer que le rapport dose/fréquence d’administration sera modifié dans les recommandations à venir (des doses plus petites et plus espacées qu’actuellement : pour rappel, 1 mg toutes les 3 à 4 minutes).

L’hypothermie thérapeutique

Pour protéger le cerveau et combattre le syndrome post arrêt cardiaque marqué par une ischémie de reperfusion et des effets « sepsis-like », un contrôle ciblé de la température (terme préféré à l’hypothermie thérapeutique) est préconisé dans les arrêts cardiaques avec un rythme choquable. Les études n’ont pas montré de bénéfice d’une hypothermie entre 32 et 34°C mais un contrôle ciblé et stricte de la température à 36° avec surveillance continue et invasive a fait ses preuves.

Transfusion sanguine : l’essentiel rappel sur les fondamentaux

Quelques rappels

  • L’urgence vitale immédiate = Transfusion de O+ (sauf pour les femmes enceintes : O- pour éviter allo-immunisation foeto-maternelle).
  • L’urgence vitale dans l’heure = 1 détermination sanguine « techniquée » + 2ème détermination prélevée (et envoyée).
  • L’urgence relative dans les 4 heures : procédure normale.

Indications des concentrés de globules rouges (CGR)

  • Anémie
  • Hémorragie digestive ou saignement actif (hématémèse, maeléna, rectorragies).
  • Pour rappel : 1 CGR = environ 1 point d’hémoglobine.

Spécificités des CGR

  • Irradiés pour les déficits immunitaires et les patients greffés (immunodéprimés).
  • Déleucocytés pour les patients aux ATCD de réaction immunologique grave.
  • Phénotypés pour les patients avec RAI positives, groupe sanguin rare ou les femmes enceintes (notamment pour le rhésus).
  • Compatibilisés pour les patients atteint de drépanocytose.

Réalisation

  • Vérifications croisées de la carte de groupe, de la prescription médicale et du bordereau de délivrance avec l’identité patient + contrôle ultime pré-transfusionnel (CUPT) au lit du patient.
  • Pour les personnes âgées : perfusion lente, prescription raisonnée et restrictive, pas de diurétiques systématiques.
  • L’hyperthermie au départ d’une transfusion n’est pas une contre indication, cela constitue une base de départ pour évaluation per-transfusion, si augmentation de 1° de la T° pendant la transfusion, prévenir et se référer au contexte clinique.
  • Possibilité de transfuser sur PAC/KTC sous réserve d’un bon rinçage pulsé ensuite.
  • Passage de transfusion sur voie dédiée, pas de médicament en Y ou PSE.
  • Transfusion massive = 4 CGR en 1 heure, le ratio recommandé est 2CGR (O+) pour 1 plasma frais congelé (PFC) (AB) dans ces situations (avec +/- acide tranéxamique/Exacyl et concentrés de complexes prothrombiniques type Kanokad ou Kaskadil).

Risques

  • Accident hémolytique aigu = choc avec collapsus, insuffisance rénale aigue, détresse respiratoire, coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD) par non respect des règles de transfusion.
  • Allo immunisation isolée avec positivation des RAI à distance.
  • Réaction fébrile non hémolytique se manifestant par T° > 38°C ou frisson ? cf. état clinique du patient.
  • Œdème aigu du poumon cardiogénique (OAP de surcharge, également appelés TACO) ou lésionnel (TRALI) lié à conflit immunologique type HLA (et qui ne répond pas au traitement habituel d’un OAP).
  • Pour les transfusions massives : hypothermie (CGR à 4°) avec triade létale (acidose, troubles coagulation, hypothermie), hyperkaliémie, hypocalcémie.

Conduite à tenir en cas d’incident transfusionnel (selon recommandations ANSM)

  • Arrêter la transfusion
  • Alerter le médecin et prévenir l’EFS ainsi que le correspondant hémovigilance
  • Prélever bilan sanguin sur demande de l’EFS (Etablissement Français du Sang)
  • Clampage de la poche selon schéma ci dessous (source ANSM) :

Infections neuro-méningées sévères : les 5 messages clé

Les infections neuro-méningées sévères sont de plus en plus rares mais le pronostic en termes de mortalité et de séquelles reste assez élevé. Par rapport à la conférence de consensus de la société d’infectiologie de 2008, il faut :

  1. À l’IOA (infirmière organisatrice de l’accueil), se protéger, mettre un masque au patient au patient et l’isoler ensuite en box. Penser également à prendre une glycémie qui sera ensuite interprétée en fonction de la glycorachie (une glycorachie 2 fois inférieure à une glycémie capillaire évoque une infection bactérienne, les bactéries consommant le sucre pour se développer).
  2. Dans 5% des cas, l’infection neuro-méningée ne présente pas de fièvre à l’admission. C’est une cause de retard diagnostic et de surmortalité. Evoquer le diagnostic devant 2 signes sur 3 : céphalées, fièvre, altération du statut neurologique. Les signes spécifiques comme la raideur de nuque ne sont que tardifs.
  3. La ponction lombaire (PL) doit être précoce.
  4. En dehors des incontournables hémocultures, penser aux nouveaux outils diagnostiques : PCR et antigènes solubles (légionnelle et pneumocoque).
  5. Réduire le délai de l’antibiothérapie à 1 h plutôt que 3 h. Ne pas penser que l’antibiothérapie va négativer immédiatement la PL.

Tri IOA : de nouvelles recommandations formalisées d’experts

Le triage dans les structures d’urgences a fait l’objet de nouvelles recommandations formalisées d’experts en lien avec l’enquête nationale sur les structures d’urgences hospitalières menée par le DREES (Direction de la Recherche, des Etudes et de l’Evaluation des Statistiques) en 2013 et qui ont donc pour objectif de répondre à quatre questions majeures avec pour chacune, des recommandations claires.

Définitions, objectifs et indicateurs qualités du triage

  • Triage réalisé le plus tôt possible après l’arrivée du patient et dans les trente minutes maximum après son arrivée.
  • Contact visuel sur les patients en attente de triage entre chaque patient trié.
  • Information du patient et de son entourage sur le délai approximatif de prise en charge médicale.
  • Réévaluation sommaire des patients dont le délai normal de prise en charge médical est dépassé.

Quels sont les outils de triage disponibles ?

  • Plusieurs échelles disponibles avec chacune leurs limites : Emergency severity index (ESI), Manchester triage scale (MTS), Canadian emergency departement and acuity scale (CTAS),Classification infirmière des malades aux urgences (CIMU).
  • Echelle de triage avec 4 ou 5 niveaux et pour chacun un délai de prise en charge médical.
  • Construction d’une échelle nationale spécifique adulte et pédiatrique.

Intérêt, rôle et compétences d’un IDE au triage ?

  • Une IOA (ou IAO) doit pouvoir trier 8 à 10 malades par heure, au delà elle doit pouvoir demander un renfort.
  • Le temps maximum de triage ne doit pas dépasser 10 minutes par patient.
  • L’évaluation et la prise en charge immédiate de la douleur sont une priorité à l’IOA.
  • Les paramètres vitaux devant être pris à l’IOA sont la tension artérielle, la fréquence cardiaque et respiratoire, la saturation en oxygène, la température, la glycémie, la bandelette urinaire et le poids de l’enfant.
  • Réalisation d’un ECG pour toute douleur thoracique évoquant un SCA dans les 10 minutes (à l’IOA ou en box) et immédiatement visé par un médecin.
  • Une ancienneté d’un an (ou 6 mois minimum) aux urgences est recommandée pour exercer la fonction d’IOA après une formation au triage validée et réalisée par des professionnels.
  • L’IOA doit suivre une formation centrée sur l’examen clinique infirmier, le processus de triage, les sciences humaines, les soins infirmiers en situation d’urgence, la connaissance du cadre légal, législatif et aspects médico-sociaux.

Intérêt, rôle et compétence d’un médecin au triage ?

  • Présence d’un médecin senior référent IOA, décisionnaire dans la priorisation et l’orientation initiale des patients, qui connaisse les protocoles de tri et les parcours patients, le service, l’organisation de l’établissement et les plateaux techniques.
  • Interprétation rapide et signature de l’ECG réalisé lors du triage.
  • Anticipation et organisation des ressources humaines et matérielles selon le flux de patients.

En avant-première, la grille de triage, la CIMU version 2015 en cours de validation par la SFMU. Elle comporte 6 niveaux (cf tableau ci-dessous).

NiveauDélai de prise en chargeCaractéristiques
1 Urgence vitale : PEC immédiate Patient scopé
2 Urgence relative :
PEC paramédicale = 10 minutes
PEC médicale = 20 minutes
Patient scopé
3a 60 minutes Patient avec comorbidités ou adressé par un médecin
3b 90 minutes Patient sans comorbidités
4 3 heures Petits actes de soins
5 Consultation de médecine de ville :
4 heures
Pas d’acte diagnostique

Mickael PERCHOC  Infirmier aux urgences Comité de rédaction Infirmiers.com mickael.perchoc@gmail.com   @mikou_75 


Source : infirmiers.com