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Médecin, pharmacien, infirmier : un tryptique pour la coordination des soins de ville

Publié le 09/07/2019

Trois présidents de syndicats de professionnels de santé libéraux qui discutent ensemble, représentants des médecins, des pharmaciens et des infirmiers, c'est déjà un signe positif pour illustrer ce qu'il est attendu d'eux : se coordonner, travailler de concert, avec et autour du patient, afin d'optimiser son parcours de soins. La coordination des professionnels de santé, en ville, est en effet l'une des clés de la transformation du système de santé et de la maîtrise des coûts qui doit y être associée. Question principale posée lors de cette rencontre proposée par la Veille des Acteurs de la Santé : est-ce que les médecins, les pharmaciens et les infirmiers sont prêts à oeuvrer pour cette transformation du système ?

Trois présidents de syndicats de professionnels de santé libéraux qui discutent ensemble autour de la question de la coordination... avec de gauche à droite :  le Dr Philippe Vermesch, Président du Syndicat des médecins libéraux (SML), Philippe Besset, Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et Daniel Guillerm, Président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI).

"Coordination", "coopération" entre professionnels de santé en ville... La loi de santé qui doit être définitivement adoptée ce mois-ci en fait un des points socle de cette transformation de notre système de santé portée par Agnès Buzyn. La création et le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) illustre cette volonté de transformation du système mais il est attendu que les professionnels de santé concernés y adhèrent. Pour en mesurer la réalité, le premier numéro de "Décryptage", nouvelle émission de la Veille des acteurs de la Santé, a réuni trois présidents de syndicats : le Dr Philippe Vermesch, Président du Syndicat des médecins libéraux (SML), Philippe Besset, Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et Daniel Guillerm, Président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Ensemble, ils ont témoigné de leur volonté de valoriser le "tryptique" incontournable que représente leurs trois professions, socle d'une coordination clinique de proximité, première étape pour viser l'optimisation du parcours patient et la déployer dans les territoires.

Pour le Dr Philippe Vermesch, les médecins ont toujours eu peur de ces coopérations, défendant leur pré carré, mais aujourd'hui avec le déficit de temps médical et les problèmes d'accès aux soins que les Français connaissent, nous sommes au pied du mur et c'est vraiment le moment d'envisager une coordination sincère avec les autres professionnels de santé, notamment infirmiers, pharmaciens, voire kinésithérapeutes. Au-delà des "tiraillement" observés ça et là, je suis convaincu qu'une coordination réussie bénéficiera, outre l'aspect financier, au patient, avec un plus dans son parcours de soins, mieux fléché, mieux accompagné.

Philippe Besset l'affirme : la pharmacie, c'est déjà une équipe ! Pour nous, cette coordination avec les autres professionnels de santé s'avère naturelle. On travaille sur le sujet depuis longremps. Mais c'est le patient qui compte. Il faut pouvoir se parler, trouver les bons canaux pour le faire. Sur le terrain nous sommes très volontaires. Notre intérêt et celui du patient est indissociable. Toute avancée envisagée pour un parcours patient plus efficient est pour nous une nouvelle opportunité dont nous devons nous saisir.

De son côté, Daniel Guillerm souligne que les infirmiers militent pour être intégrés réellement à cette coordination, considérés. Le moment est venu de se poser et d'écarter les combats d'arrière-garde avec des raisonnements en termes d'activité, sur les prérogatives de chaque métier. La société est en train de changer, nous devons penser différemment face à une certaine hybridation des métiers qui va se mettre en place, revoir la totalité de la chaîne de soin et ce, de l'auxiliaire de vie jusqu'au médecin spécialiste. Si on reste crispé sur des positions qui confèrent à telle profession un champ de compétences spécifique, nous n'y arriverons pas. Il va falloir que l'on se pose les bonnes questions en partant des besoins du patient et que l'on soit capables de se coordonner, certes avec chacun ses prérogatives et dans son champ d'activité, mais sans crispation. La vaccination ouverte aux pharmaciens est un bon exemple. Elle a généré des distorsions de concurrence sur le terrain, empêchant d'avancer. Le discours à faire passer est qu'il faut se réunir sur ce qui nous unit et ça c'est l'intérêt du patient, partagé par tous, et, à côté de ça, écarter ce qui nous désunit. Nos objectifs sont identiques, ne l'oublions pas.

Ce que nous visons de concert : rendre service à nos professions et à la population en demande de soins. L'efficacité d'abord !

"Pour nous coordonner, parlons-nous !"

Quel modèle adopter pour que cette coordination fonctionne réellement ? Objet de la deuxième question de cette rencontre. Il faut en effet, au-delà des CPTS, des réseaux... sur tout le territoire français avec la même impulsion une vraie coopération/coordination des différentes professions de santé.

Philippe Besset rappelle que ces trois professions - pharmacien/médecin/infirmier - sont celles qui ont le plus d'interactions. Nous partons donc de cela, nous nous connaissons bien parce que nous travaillons déjà ensemble de longue date. Nous devons batir une stratégie plus souple qui va s'inclure dans une CPTS si elle existe, ou autour d'un projet qui existe déjà, projet centré sur le patient et qui peut fonctionner grâce aux outils numériques par exemple. Daniel Guillern explique à son tour que le mot "tryptique", est un mot qui nous est cher, c'est un socle, une base solide qui, je le précise, ne nous empêche pas de travailler avec les autres professionnels du soin ! Nous devons être pragmatiques, agiles, véloces pour avoir une action rapidement quantifiable. Nos défis sont majeurs : vieillissement de la population, explosion des pathologies chroniques. Si on s'enfère dans des modèles qui sont lourds, notamment d'un point de vue administratifs, on ne partira pas des besoins du terrain mais de ceux de la structure. Si je prends l'exemple des maisons de santé pluridisciplinaires , on voit que cela touche environ 10% de l'offre de soins. Avec ce chiffre, l'impact est faible et il n'est pas systémique. Il faut donc repartir des fondamentaux, pour batir un modèle large et reproductible et qui fait ses preuves sur l'ensemble du territoire. Et Philippe Vermesch d'argumenter sur le fait que les trois syndicats ont signé l'Accord Conventionnel Interprofessionnel (ACI) concernant les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS)  Les médecins, sur le terrain, ont manifesté une forte opposition sur ce système, jugé trop technocratique, usine à gaz... Nous avons signé, mais il nous faut miser sur la simplicité, sur une contractualisation avec les pharmaciens et les infirmiers. Du côté des pharmaciens, Philippe Besset souligne vouloir jouer le jeu des CPTS, et pour ce faire, lancer nos professionnels sur le territoire. Mais nous ne sommes pas sûrs que tous y adhèrent sans réserve et pas certains non plus que nous arrivions rapidement à les créer. Pourtant, nous n'avons pas de temps à perdre.

Le point de vue infirmier est plus précis. Daniel Guillerm l'affirme : il faut opérer un distingo entre ce qu'est la coordination clinique de proximité et ce qu'est l'organisation territorriale. Les CPTS vont servir l'accès aux soins dans les territoires. Dans l'équipe de soins primaires telle qu'on l'a définie - notre tryptique socle, noyau dur, en est un exemple concret - nous sommes dans la coordination clinique de proximité. Nous avons la sensation que les CPTS ne pourront réellement fonctionner que si les équipes de soins primaires sont déjà, sur le terrain, opérationnelles. Ce qui nous inquiète c'est que nous avons l'impression que nous sommes en train de construire une cathédrale sur des sables mouvants. Si on a pas bien structuré la première ligne, on pourra mettre toutes les structures que l'on veut derrière, on risque d'échouer à transformer le système à l'échelle nationale. Nous ne voulons pas que ces transformations ne profitent qu'à un petit pourcentage de patients. Nous ne voulons pas des mesures "d'affichage" mais des mesures qui impactent l'organisation du système dans sa globalité. Pour ce faire il faut partir des fondamentaux, je le répète, et les fondamentaux c'est la coordination clinique de proximité.

Quand nous aurons structuré la première ligne, autour du patient, de façon concrète, nous aurons des unités qui seront en capacité d'investir les CPTS pour aborder cette thématique de coordination territoriale.

Dernière question posée : comment embarquer les autres professionnels dans cet élan de la coordination ? Les pharmaciens sont d'accord : on part d'un socle qui existe, qui interagit en permanence, mais ce socle, certes soudé, reste ouvert. Du côté des médecins, même affirmation : nous devions bien commencer par là. Prouver qu'à notre échelle, notre tryptique  marche, pour convaincre les autres professionnels de santé à s'engager avec nous, de façon simple, sans créer d'usine à gaz, toujours au bénéfice du patient. Ils seront les bienvenus ! Et la parole infirmière pour conclure : écarter les autres professionnels de santé, bien sûr que non ! Mais si on veut être agiles, véloces et que cela aille vite, dans la fenêtre d'opportunité que l'on a, il fallait partir de quelque chose. Le message à faire passer est celui-ci : nous ne sommes pas en train de mettre en place un club fermé, nous conditionnons les bases pour asseoir le système plus large à venir.

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Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com