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MODES D'EXERCICE

Margarita, infirmière en Grèce, raconte son quotidien

Publié le 03/10/2017
drapeau de la Grèce

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Drapeau de la Grèce

Drapeau de la Grèce

Marie-Josephe a rencontré Margarita, infirmière  au sein d’un dispensaire à Ithaque, une île située en Grèce. Elle raconte les spécificités de cet exercice « rural » qui rime avec polyvalence.

Margarita est infirmière en Grèce, au sein d’un dispensaire sur l’île d’Ithaque.

Ithaque, l'île d'Ulysse, est située dans l’archipel des îles ioniennes à l’ouest de la Grèce. Elle compte 3 200 habitants en hiver, et double, voire triple sa population en été. Il n'y a dans l'île qu'un dispensaire pour faire face aux besoins médicaux. Toute la matinée en été se retrouvent dans ce dispensaire trois spécialistes médicaux (cardiologue, pédiatre et pathologiste), un dentiste, un médecin généraliste nommé médecin « rural », et une infirmière dans des locaux spacieux et propres équipés d'une salle de soins et d'une salle de petite chirurgie.

Pour assurer une permanence de soins, trois médecins « ruraux » et 3 infirmières se relaient tous les jours, assurant dimanches et jours fériés. Le médecin rural reste sur place 24 heures d'affilée. De 7 heures à 15 heures puis de 15 heures à 23 heures du soir, il est secondé par une infirmière. Un « concierge », formé aux premiers soins, l'assiste pour l'accueil de nuit.

Fraîchement diplômée, j'ai été recrutée dans ce dispensaire comme infirmière généraliste. Nous sommes trois, et nous nous partageons la charge administrative et organisationnelle du lieu. A nous de gérer le stock de médicaments, les dates de péremption, l'approvisionnement.

Les infirmières, comme tous les médecins spécialistes, sont joignables à tout moment en cas d'urgence et se déplacent à la demande. Margarita, solide jeune femme de trente cinq ans, m'accueille en souriant dans l'entrée. Elle tient à mettre sa blouse blanche à manches longues par dessus ses vêtements malgré la chaleur du hall. Une famille est déjà installée dans la salle de consultation avec le médecin « rural ». Septembre étant déjà bien avancé, il n'y a pas foule dans le hall d'autant que ce dimanche, les familles restent à la maison pour les rites dominicaux très suivis en Grèce. Zora est le médecin généraliste rural de garde aujourd'hui. Elle va passer toute la journée et toute la nuit dans le dispensaire. Médecin rural veut simplement dire qu'elle a fini son cursus, elle est médecin mais elle doit encore après un an de pratique étudier une spécialité avant de pouvoir définitivement s'installer. Tous les médecins doivent se spécialiser en Grèce. Comme il n'y a personne dans les locaux à cette heure de sieste, Margarita me fait visiter : la salle de soins, la salle de petite chirurgie, la réserve de pharmacie. Nous avons beaucoup de chance à Ithaque, l'administration hospitalière nous envoie en général tout ce dont nous avons besoin ; pourtant en ce moment nous manquons dramatiquement de sutures et le budget ne leur permet pas de nous les envoyer pour le moment... !

Tandis que nous retraversons le hall qui tient lieu de salle d'attente, Margarita me montre  deux armoires à air conditionné disposées aux extrémités de celle-ci. Imagine la chaleur en été ici avec en plus la salle d'attente pleine ! C'est encore grâce au don d'un de nos patients que nous avons pu nous équiper de ces armoires. Evidemment aujourd'hui on ne les met pas en route. Elle m'accompagne dans la petite salle de repos où là, l'air conditionné fonctionne et rend l'atmosphère agréable à l'abri du soleil encore puissant de septembre. Je suis née dans la région de Thessalonique précisément à Ionina. Pendant 4 ans, j'y ai fait mes études d'infirmière tout en travaillant dans la boulangerie familiale. Même si j’ai fait un master en endoscopie pendant deux ans, j’ai préféré accepter mon premier poste ici à Ithaque en 2009. Fraîchement diplômée, j'ai été recrutée dans ce dispensaire comme infirmière généraliste. Nous sommes trois, et nous nous partageons la charge administrative et organisationnelle du lieu. A nous de gérer le stock de médicaments, les dates de péremption, l'approvisionnement. Chaque mois, nous établissons une liste-bilan de l'activité du dispensaire, avec un classement par type de consultations, type de pathologies, type d'urgences. Cela justifie largement l'attribution du matériel dont nous avons besoin.

Quand en 2011, la crise est arrivée et que mon salaire a baissé de 1 300 à 800 euros, ils m’ont tous dit : viens ici, tu trouveras un bon travail, bien rémunéré. Mais non, je reste ! Même si aujourd'hui, mon salaire est remonté à 1 000 euros par mois, nous avons toujours des problèmes pour obtenir le paiement de nos heures supplémentaires.

En août, nous avons reçu 857 patients, dont 30 nous ont été adressés en ambulance pour des urgences sérieuses. Deux ont été transférés à Athènes par hélicoptère. Les autres ont pu bénéficier d'une hospitalisation à l'hôpital de Kefalonia, l'île la plus proche et beaucoup plus grande qu'Ithaque. On les transfère par bateau-taxi jusqu'à Sami, port d'arrivée à Kefalonia, puis ensuite une ambulance les prend en charge jusqu'à Argostolis, la capitale. Si on peut attendre, le ferry fait la traversée deux fois par jour jusqu'à Sami depuis Piso Aetos, quai de départ à Ithaque. C'est le médecin rural qui les accompagne. Nous à l'occasion. Cela peut prendre en tout deux a trois heures pour arriver jusqu'à l hôpital de Kefalonia.

Margarita ne veut plus quitter Ithaque

J' aime mon job, j'aime les gens d'ici. J'y ai rencontré mon fiancé. Il est capitaine en second dans la marine marchande. Nous allons nous marier et vivre ici. Partout dans le monde, j'ai de la famille, en Australie, en Europe. Quand en 2011, la crise est arrivée et que mon salaire a baissé de 1 300 à 800 euros, ils m’ont tous dit : viens ici, tu trouveras un bon travail, bien rémunéré. Mais non, je reste ! Même si aujourd'hui, mon salaire est remonté à 1 000 euros par mois, nous avons toujours des problèmes pour obtenir le paiement de nos heures supplémentaires qui en général s'élève à 100 euros par mois. En 2015, deux mois d'heures supplémentaires ont purement et simplement été supprimés. Cette année, elles ont cinq mois de retard, mais elles seront payés. C'est du moins ce que dit la circulaire. Margarita me montre l'affiche officielle épinglée dans la salle de repos : Deux mois seront payés en septembre et les trois mois restant en décembre !

Merci à Margarita Markula, infirmière, pour le temps passé à cette discussion. Merci à Zora, médecin rural pleine d'avenir.

Marie-Josephe MERIENNE MORILLAS mjmorillasmerienne@icloud.com


Source : infirmiers.com