Si le secret médical empêche le médecin exerçant en établissement de dénoncer des faits de maltraitance, il ne l'exonère pas d'agir afin d'y mettre un terme, au risque d'être poursuivi et condamné pour non-assistance à personne en danger, estime en substance la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 23 octobre 2013.
Un médecin anciennement attaché au pôle gérontologique Nord-Sarthe a ainsi été définitivement condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis pour non-assistance envers des résidents de l'hôpital local de Bonnétable (Sarthe) victimes de maltraitance, après le rejet de son pourvoi par la chambre criminelle de la Cour de cassation. La décision, publiée au bulletin des arrêts de la Cour, met un terme à près de neuf années de procédure.
L'affaire avait débuté en décembre 2004 par une enquête de gendarmerie, ouverte sur un signalement de la direction de l'hôpital de Bonnétable (Sarthe) qui suspectait des mauvais traitements sur des personnes âgées dépendantes dans le service de long séjour survenus au début des années 2000. Le 10 juillet 2009, le tribunal correctionnel du Mans avait condamné à des peines de prison assorties ou non du sursis les sept personnes renvoyées par le juge d'instruction dans cette affaire.
Deux aides-soignantes, une ASH (agent des services hospitaliers) et un agent ont été condamnées à un an de prison dont trois mois fermes assorti d'une interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole au contact de personnes âgées, malades et handicapées pendant trois ans, pour ces faits qualifiés de violences habituelles sur personne vulnérable et administration de substances nuisibles. Une cadre de santé, le directeur adjoint de l'établissement et le médecin attaché avaient été condamnés à un an de prison assorti du sursis pour non-dénonciation de ces mauvais traitements.
L'option de conscience pour respecter le secret médical
L'instruction avait mis en évidence de nombreuses violences faites aux résidents (manque de respect, injures, bousculades, résidents manipulés sans ménagements voire frappés, repas brutaux, douches froides, actes malveillants divers). Le jugement pointait l'attitude de « déni » du directeur adjoint et du médecin, qui ont minimisé les signalements précis émanant de la psychologue et d'un réseau d'information sur les soins palliatifs, en faisant dévier la notion de maltraitance vers celle de maltraitance institutionnelle liée au seul manque de moyens
tout en tenant un discours rassurant pour l'ex-direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass, absorbée plus tard par l'ARS).
Au cours de l'instruction, le médecin avait reconnu être au fait des maltraitances. Il avait justifié son silence par un certain orgueil
et un manque de recul
, étant animé par la volonté de présenter l'établissement sous son meilleur jour en occultant ce qui n'allait pas, dans un contexte de rivalité avec un autre établissement du pôle gérontologique, qu'il estimait mieux doté.
Seul à interjeter appel, le médecin indiquait avoir usé de son option de conscience
, qui lui permettait de choisir en conscience entre la dénonciation et le secret médical. La cour d'appel d'Angers avait toutefois confirmé sa condamnation le 28 janvier 2010 en estimant que le secret médical qu'il invoquait ne concernait que des informations à caractère confidentiel reçues du patient lui-même.
Mais le médecin avait obtenu l'annulation de cet arrêt par la Cour de cassation le 27 avril 2011. La chambre criminelle avait alors jugé que le secret médical couvrait l'ensemble des informations relatives aux patients venues à la connaissance du médecin, y compris par l'intermédiaire de tiers.
Afin de pouvoir dénoncer ces faits, le médecin aurait dû obtenir auprès de chaque patient concerné la levée du secret médical, analysait la Cour de cassation, adoptant ainsi dans son arrêt la définition du secret professionnel inscrite dans le code de santé publique.
Requalification des faits après cassation
Devant la cour d'appel de Rennes, saisie après ce renvoi, le ministère public a requalifié les faits en non-assistance à personne en danger
. La cour d'appel avait suivi le parquet, et condamné le praticien le 15 novembre 2011 dans ce qu'elle a qualifié d'avertissement solennel
, à une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis. Si le médecin ne pouvait s'affranchir du secret médical pour dénoncer les faits à la justice, il aurait toutefois dû intervenir au sein même de l'établissement pour faire cesser ces agissements délictueux
, sans risque pour les tiers et les patients, relevait la cour d'appel. Faute d'avoir autorité sur le personnel soignant, il pouvait toutefois solliciter de l'encadrement infirmier que soient prises toutes dispositions utiles pour prévenir la réalisation de nouvelles infractions, en particulier par une meilleure surveillance du personnel soignant subalterne, les manquements constatés étant de nature à interférer dans l'acte médical relevant de sa responsabilité
.
La cour estimait qu'en cas de carence de l'encadrement infirmier, il lui appartenait alors de s'entretenir de la situation avec la direction de l'hôpital pour que toutes mesures appropriées soient prises en interne afin de préserver la qualité des soins à laquelle il était immanquablement associé
.
La cour avait conclu qu'en s'abstenant de toute intervention, il n'avait pas permis d'empêcher, par son action immédiate, le renouvellement des délits d'atteinte à l'intégrité des personnes hospitalisées
.
Saisie du pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation a cette fois validé l'analyse de la juridiction d'appel, estimant que sans insuffisance ni contradiction, et sans méconnaître le principe du secret médical
, elle avait caractérisé les éléments constitutifs du délit d'omission d'empêcher une infraction.
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