Les maisons de santé pluridisciplinaires sont présentées comme la réponse à plusieurs problématiques de santé publique, en particulier la désertification médicale. Le sont-elles vraiment, ou ne sont-elles qu’un phénomène de mode, voire une opportunité ou au contraire, une contrainte pour les professionnels de santé libéraux ?
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Des sites allant de la présentation de structures existantes à l’offre de services (études d’opportunité et de faisabilité, offres de logiciels, accompagnements à la création…), sites émanant de sociétés commerciales, de mutuelles, d’URML (union régionale des médecins libéraux)... Cette offre multiple, variée, est le signe d’un engouement et d’une poussée en avant des structures pluridisciplinaires.
MSP (maison de santé pluridisciplinaire) et pôles de santé pluridisciplinaires sont annoncés comme une réponse à la future pénurie médicale et une solution à la désertification médicale de certaines zones du territoire.
Cependant, les projets et offres de regroupements professionnels divisent les professionnels libéraux : ils les bousculent dans leurs exercices et pour beaucoup ils restent des projets reconnus pour leur utilité, mais chronophages et complexes à créer.
Petite histoire récente autour des MSP et pôles de santé
Tout se conjugue, tout se recoupe depuis des mois pour arriver aux projets pluridisciplinaires.
Une réflexion qui se construit
18 septembre 2008 : le Président de la République aborde dans un discours la notion de forfait à la pathologie, sujet qui a fait couler beaucoup d’encre et amené à des réflexions sur la difficulté de son adaptation au système français.
6 octobre 2009 : les syndicats d’infirmiers libéraux sont invités à une audition par la mission ministérielle sur le développement des MSP. Deux des quatre syndicats représentatifs répondent à cette invitation.
19 janvier 2010 : un rapport sur les maisons et pôles de santé est remis. Mme Bachelot s’engage à diversifier les modes de rémunération des professionnels de santé.
9 février 2010 : dans son discours sur les territoires ruraux, Monsieur Sarkozy annonce la création de 250 MSP en 3 ans.
Des commissions réfléchissent sur les nouveaux modes de rémunération.
Des groupes locaux d’amélioration des pratiques interprofessionnelles (GLAPI) se réunissent.
L’agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) travaille à un cahier des charges concernant les MSP.
Une mission sur la médecine de proximité est confiée à Mme Hubert. Celle-ci annonce une future pénurie médicale avec une baisse de moitié des médecins de famille dans les 10 ans à venir, alors que seuls 10% des jeunes médecins souhaitent s’installer en libéral.
Un cadre qui se dessine
L’article 44 de la loi de finances de la sécurité sociale 2008 introduit la possibilité de financement d’expérimentations en ambulatoire.
La FFMPS (Fédération française des maisons et pôles de santé - http://www.ffmps.fr/) est créée.
La loi HPST (hôpital patient santé et territoire) crée les ARS (Agences régionales de santé), chargées du pilotage régional, de l’accompagnement des projets et de leur validation. Dans son article 52, elle définit la coopération entre professionnels de santé.
Pendant le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, le 11 mai 2010, Mr Fillon annonce les modalités de financement des MSP.
Pourquoi des regroupements ?
Le gouvernement s’est engagé à une meilleure couverture de l’ensemble du territoire, devant le peu d’attrait des jeunes professionnels pour les régions sous dotées. Le regroupement pourrait être attractif en leur assurant une qualité d’exercice autour de projets pluridisciplinaires. La coopération amènera à la structuration autour de prises en charge protocolisées, permettant un allègement du temps médical grâce à une délégation de compétences vers les autres professionnels dans un cadre légal et officialisé.
A l’heure où les économies de la santé s’inscrivent dans tous les rapports et où l’efficience est demandée à chaque acteur de santé, le regroupement des professionnels semble inéluctable. Afin de répondre aux conséquences de la mise en place de la T2A (tarification à l’activité) en milieu hospitalier et aux prises en charge de plus en plus techniques et complexes proposées en ambulatoire, le regroupement libéral permettra une offre ambulatoire structurée, complémentaire et parallèle aux HAD (hospitalisation à domicile). La coordination ville-hôpital se généralisera et sera facilitée vers des groupements structurés dotés de moyens répondant à la problématique globale, sanitaire et sociale.
Face à l’explosion des pathologies chroniques, la mise en place de projets pluridisciplinaires d’éducation et de prévention, financés à leur juste valeur, coordonnés sur le long terme, représentent une solution efficace et attendue.
Dans un contexte de vieillissement de la population, le maintien à domicile de la personne âgée, nécessitant une coordination sanitaire et sociale, ne peut se concevoir sans coopération, afin de maintenir une qualité et une efficience dans les prises en charge. En dégageant la charge médicale, le regroupement pluridisciplinaire peut permettre une coordination lors du retour et du maintien à domicile, avec un financement de ce rôle de coordination.
Qui est concerné ?
Quand on parle d’équipe pluridisciplinaire, on pense d’abord médecin généraliste ou spécialiste, infirmier, kinésithérapeute, pharmacien, biologiste … Mais d’autres professionnels de l’ambulatoire ont toute leur place dans cette pluridisciplinarité, avec un financement possible de leurs prestations : psychologue, assistante sociale, pédicure podologue, diététicienne, ergothérapeute… Cependant, la présence médecin/infirmier est un critère obligatoire pour prétendre à l’appellation MSP.
Le regroupement permettra un repérage plus aisé de l’offre de soins libérale et un éclairage sur la qualité médicale, soignante et humaine qu’offre ce secteur. Le partenariat avec les réseaux et associations, ainsi que la coordination avec les structures d’hospitalisation, ouvriront le champ d’action du secteur ville.
Qu’est ce qu’une structure d’exercice interprofessionnelle ?
Avancer la notion de structure d’exercice interprofessionnel est délibéré, avec pour but de ne pas écarter les pôles de santé (PSP), peu cités, peu promus.
La différence essentielle entre pôle de santé et MSP réside dans le lieu d’hébergement de la structure et d’exercice des professionnels. Dans le premier cas, chaque professionnel conserve son propre lieu d’exercice, dans le second cas, il est prévu un lieu d’exercice commun, physiquement identifiable comme tel. Dans les deux cas, les professionnels se réuniront autour de projets de santé, définiront des programmes de prises en charge, des démarches de soins, construiront des outils de coopération et de coordination communs, organiseront des réunions de concertation et de coordination, effectueront une évaluation de leurs actions.
Comment se construit un projet ?
Actuellement, la plupart des structures en fonctionnement sont nées de rencontres et d’habitudes de travail en commun entre professionnels autour d’un thème de prise en charge. L’équipe existait, fonctionnait et a ressenti le besoin de protocoliser et de structurer les actions déjà menées. En résumé : un outil venant se mettre à la disposition d’une équipe et d’une action déjà engagée.
Désormais, les équipes vont se construire autour d’une problématique de santé à l’occasion de la création d’une structure. Les professionnels devront se rencontrer, connaitre leurs champs de compétences et particularités réciproques. Dans ce cas, ce sera la création d’un outil, par une équipe en devenir, pour la mise en place d’une action au service d’un besoin identifié.
Les professionnels doivent se rencontrer en réunions préalables, apprendre à se connaitre, identifier leurs rythmes respectifs et exigences professionnelles, reconnaitre leurs domaines de compétences.
Ensuite vient la mise sur papier du projet, avec 3 domaines de réflexion.
- La problématique de santé : définir le besoin en santé (ou les…), les critères de la population concernée (âge, pathologies, …), évaluer le nombre de patients concernés, fixer les limites de cette action pluridisciplinaire (nombre de patients…), définir la démarche de soins type répondant à la problématique, définir le projet de santé (objectifs concernant le patient et l’amélioration de la qualité)...
- Le groupe professionnel : fréquence des réunions de synthèse et de coordination, trouver le lieu de réunions, rôles de chacun dans la prise en charge, délégation de compétences et de tâches sur protocoles, définition des compétences et des champs d’intervention de chacun, valider les protocoles et supports de traçabilité et de transmission communs, élaborer des supports de transmission et protocoles, définir les critères d’évaluation, rechercher les réseaux existants, définir la coopération avec réseaux et structures, définir le projet professionnel (formalisation de l’organisation pluri professionnelle)...
- La logistique et le financement : constituer le groupe logistique, définir les rôles, monter un dossier de financement, mettre en place l’accréditation/certification, prévoir les moyens de suivi et d’évaluation, organiser la formation interprofessionnelle….
Le cahier des charges de la MSP et du PSP (pôle de santé pluridisciplinaire)
Constituée d’une équipe pluridisciplinaire, la MSP doit répondre à un cahier des charges national et présenter un projet de santé validé par L’ARS. Elle doit élaborer un dossier patient commun et partagé. La prise en charge sera pluridisciplinaire. Les soins seront financés de façon mixte, à l’acte et sur des forfaits pour tous les actes non nomenclaturés ou mal rémunérés ne correspondant pas à la réalité de la prise en charge. Une aide financière des collectivités territoriales peut intervenir pour la création de la structure. Un accompagnement au sein des ARS peut être demandé pour la mise en place.
Les projets de santé et projets professionnels seront présentés à l’ARS ; après validation par l’HAS (Haute Autorité de santé), l’ARS délivrera l’autorisation à la structure. La validation vaut pour l’équipe et chaque membre, l’abandon du projet d’un membre peut remettre en cause la validation du projet. Chaque année, une évaluation sera présentée à l’ARS, qui pourra remettre en cause le financement en cas de non atteinte des objectifs fixés. Les forfaits seront répartis entre professionnels, en respectant une même rémunération pour des séances identiques, quel que soit le professionnel intervenant (par exemple, une séance d’éducation aura la même valeur de rémunération, quel que soit le professionnel engagé).
La MSP deviendra terrain de stage.
Le pôle de santé relève des mêmes critères avec une tolérance de mise en place progressive. Leurs membres s’engagent à partager des tâches et des actes, avec des moyens mis en commun et une coordination régulière autour de situations de patients.
Réfléchir à la forme juridique
Une expertise juridique est encore en cours pour définir les structures qui protégeraient sur le plan fiscal et juridique les professionnels libéraux regroupés. La réception des financements et le partage des forfaits ne doivent pas risquer d’être requalifiés par une administration comme un salariat déguisé ou d’être assujetti à la TVA… Il semblerait que parmi les formes existantes, les SCM (société civile de moyens) ou les GIE (groupement d’intérêt économique) soient les plus adaptés.
Règles à respecter
La coordination et la coopération ne vont pas de pair avec la subordination … : la relation à établir doit se baser sur un échange, un partage, un respect et une reconnaissance. Le lien employeur-salarié ne répond pas à l’esprit MSP ou PSP. L’engagement dans la mise en place de la structure doit être équivalent quelle que soit la profession. Le projet se construit donc dès le début avec un esprit d’équipe engagée sur la durée.
Le libre choix du soignant par le patient doit être respecté.
Les pièges à éviter
De nombreux professionnels paramédicaux ont été contactés pour intégrer les projets en cours, puisque la pluridisciplinarité est le préalable à la MSP ou au pôle pluridisciplinaire.
Certains projets ressemblent plus à des projets immobiliers adaptés pour entrer dans le cadre des MSP, d’autres correspondent à des projets d’envergure organisés par des mutuelles ou organismes financiers déguisés en MSP … avec le souhait de ressembler à une MSP pour être reconnus des pouvoirs publics et bénéficier du crédit confiance accordé aux professionnels de santé.
Des structures type MSP tentent aussi une approche vers les paramédicaux en leur offrant des salariats annoncés ou déguisés…. Mais comment imaginer la coordination, la coopération avec un lien de subordination et un rapport salarié employeur entre membres de la même structure ? un statut identique est sans doute souhaitable pour tous les membres s'engageant dans le projet.
Des élus locaux voient dans ces structures le moyen de revitaliser leurs communes ou régions désertées, ils proposent des locaux, des allègements fiscaux, des aides à l’aménagement … Les professionnels devront réagir en chefs d’entreprise et évaluer le besoin afin d’élaborer une véritable étude de marché orientée vers les années futures.
Où vont les professionnels de santé libéraux ?
Les fortes incitations apparues depuis quelques années se transforment doucement en une quasi obligation. Que deviendra l’exercice libéral isolé ? Quels poids représentera un professionnel de santé exerçant seul, face à un groupement interprofessionnel interlocuteur de l’ARS ? Que deviendra le professionnel limité au paiement à l’acte face à la structure appliquant des protocoles validés bénéficiant de modes de rémunération pour des prises en charge coordonnées pluridisciplinaires ? Une véritable réflexion sur son exercice de demain s’impose à chaque professionnel. Une réflexion en profondeur sur l’exercice libéral semble la seule solution à sa survie.
Actuellement, quelques projets de MSP ont vu le jour, peu en regard des 250 attendus par le président de la république ; en revanche, très peu de pôles de santé pluridisciplinaires ont été créés. Ces projets, le plus souvent portés par des médicaux, ont l’appui des ARS et des URML. Les paramédicaux, moins formés à ces créations de projets, moins soutenus par leurs instances, se sont peu engagés en promoteurs de projets.
Des freins et des craintes, mais aussi un manque de temps et de moyens sont évoqués par les professionnels.
Des points restent à préciser, sur les formes juridiques, mais aussi sur la classification des forfaits en honoraires conventionnés ou non. En effet - la règle vaut pour tous les professionnels libéraux -, si ces forfaits sont qualifiés d’honoraires non conventionnés, la taxation URSSAF pour la part assurance maladie sera supportée en totalité par le professionnel au taux de 9,81% (contre 0,11% pour les honoraires conventionnés).
L’ARS aura donc un rôle essentiel dans le fonctionnement de ces structures multidisciplinaires. Nous ne pouvons que rappeler aux professionnels que leur représentation s’y fera par leur engagement aux URPS (union régionale professions de santé). Chaque professionnel sera appelé à voter pour des listes proposées par les syndicats représentatifs, le rendez-vous des médecins est en septembre, celui des infirmiers en décembre...
Pierrette MEURY
Iinfirmière libérale, Guadeloupe
Rédaction Infirmiers.com
pierrettesniil971@orange.fr
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