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AU COEUR DU METIER

Loi Leonetti : quel rôle pour les soignants ?

Publié le 20/02/2014
patient fin vie accompagnement

patient fin vie accompagnement

La loi du 22 avril 2005 relative aux droits du malade et à la fin de vie (dite loi Leonetti) peine encore à se faire connaître1 malgré de nombreuses initiatives déployées pour faciliter son application. Synthèse de ce qu'il faut savoir sur le sujet afin d'enrichir votre pratique en la matière.

Mieux connaître la loi Leonetti pour respecter le patient et ses désirs à l'aube de sa fin de vie

Connaître la loi Leonetti c’est, pour chacun, malade ou pas, se risquer à aborder le sujet de la fin de vie et donc parler de la mort. Cette confrontation n’est pas naturelle et le plus souvent cette question échappe aux préoccupations des biens portants. En effet, personne n’a envie de penser à sa propre mort ni de prévoir les modalités de sa fin de vie. Ce désintérêt est, a priori, une réaction humaine signe de bonne santé morale et physique.

Or nous serons tous, un jour ou l’autre, soit touchés par la maladie et le deuil d’un proche, soit nous-mêmes au bout de notre vie. Pour cette raison, le droit des malades et la fin de vie nous concernent. La loi Leonetti, tout citoyen se doit d’en prendre connaissance. Les soignants en tant que "soignants-citoyens" ont une responsabilité toute particulière dans sa transmission et l’accompagnement qu’ils peuvent mettre en place auprès des patients et leurs proches pour son application. La loi concernant les droits des malades et la fin de vie nous oblige au sens éthique c'est-à-dire qu’elle nous responsabilise et demande que nous nous engagions à la fois personnellement et professionnellement. Se mettre dans une  posture de soignant-citoyen nous questionne vis-à-vis des patients et de leur entourage mais aussi de nous-même, de nos collègues et de la société2.

Cette loi est courageuse par le fait même qu’elle ose aborder les questions complexes de la fin de vie. C’est une loi novatrice parce qu’elle interdit l’obstination déraisonnable, donne la parole au malade en étendant ce droit jusqu'à la fin de sa vie pour que sa volonté soit entendue, respectée et impose la collégialité et les soins palliatifs.

Tout patient peut exprimer sa volonté de refuser de se soigner même si cela met sa vie en danger.

La loi Leonetti : une loi pour défendre le droit des malades et la fin de vie

La loi Leonetti s’appuie sur la Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé définissant les modalités d’une décision partagée entre médecin et malade. Toute personne malade, si elle le demande et le souhaite, doit recevoir par le praticien médical, une information loyale, claire et appropriée afin de prendre les décisions concernant sa santé. Elle est ainsi en droit de pouvoir refuser un traitement. Chaque malade peut être accompagné dans son parcours de soins par une personne de confiance désignée par lui-même.

La loi de 2005 renforce l’autonomie décisionnelle des malades

Tout patient peut donc exprimer sa volonté de refuser de se soigner même si cela met sa vie en danger. Informé des conséquences de sa décision par le médecin qui aura  tenté de le convaincre que le traitement en cours ou à instaurer est pertinent, le patient peut réitérer son refus de soins après un délai de réflexion accompagné démontrant qu’il a compris les enjeux pour lui-même.

En fin de vie, toute personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, peut décider de limiter ou d’arrêter tout traitement. Le médecin respecte sa volonté après l’avoir informé des conséquences de son choix. Si le malade est hors d’état d’exprimer ses volontés, le médecin prend sa décision après avoir respecté la procédure collégiale définie par la loi. Pour chacune des situations, la qualité de la fin de vie est assurée par des soins palliatifs et l’accompagnement du patient et de ses proches3.

Dans tous les cas, la loi fait obligation de la traçabilité des motifs de la décision dans le dossier médical. La décision motivée notifie les temps de concertation en équipe, les différents avis (dates d’entretien, noms et qualités des personnes concernées, photocopie des directives anticipées), la nature et le sens des concertations, le délai éventuel de réévaluation, les décisions prises concernant les renoncements thérapeutiques et la démarche palliative initiée sont notifiés.

La loi Leonetti interdit l’obstination déraisonnable

Depuis 2005, les décrets d’application, comme celui du 29 janvier 2010 relatif aux conditions de mise en œuvre des décisions de limitation ou d'arrêt de traitement, ont fait évoluer le Code de la Santé publique. Le code de Déontologie médicale au chapitre Devoirs avec les patients notifie l’interdiction de l’acharnement thérapeutique en tant qu’obstination déraisonnable. Le médecin ne décide plus seul. Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d’arrêter les traitements dispensés (y compris l’hydratation et l’alimentation) doit être prise avec  la mise en œuvre d’une procédure collégiale. Cette procédure peut être engagée non seulement par le médecin à sa propre initiative ou au vu des directives anticipées du patient présentées mais aussi, et c’est une avancée dans le droit des malades, à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches.

Les situations relevant de l’application de la loi Leonetti exigent une réflexion, un cheminement éthique pour aboutir à la  décision la plus juste, la plus respectueuse des souhaits de la personne malade ou en fin de vie.

Principe du non-abandon et de l’obligation de soins palliatifs

Dans la continuité de la loi du 9 juin 1999, l’accès aux soins palliatifs est réaffirmé pour toute personne qui le requiert. Les soins palliatifs nous éclairent sur les enjeux nouveaux d’une médecine appelée à plus de discernement et d’humilité dans ses choix décisifs. Cette approche du soin incite à découvrir d’autres  expressions de la sollicitude et de l’accompagnement, respectueux de la personne dans la plénitude de son exigence d’autonomie et de considération. (E.Hirsch, 2013)4

Clarifier les termes

La personne de confiance peut être différente de la personne à prévenir en cas d’aggravation. La personne de confiance est celle qui est choisie pour être porte-parole auprès des médecins des souhaits de fin de vie de la personne qui l’a désignée.  Elle doit faire connaître les directives anticipées (cf. encadré ci-dessous) si elles ont été rédigées. Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté concernant les conditions de limitation ou d’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment et valides lorsqu’elles ont été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience. Le médecin doit en tenir compte pour toute décision d’investigation, d’intervention, ou de traitement. Tant que le patient est conscient et qu’il peut parler ou se faire comprendre, les souhaits qu’il exprime prévalent sur des directives anticipées.

Directives anticipées - Décret n°2006-119 du 6 février 2006

Les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 s'entendent d'un document écrit, daté et signé par leur auteur dûment identifié par l'indication de ses noms, prénom, date et lieu de naissance. Toutefois, lorsque l'auteur de ces directives, bien qu'en état d'exprimer sa volonté, est dans l'impossibilité d'écrire et de signer lui-même le document, il peut demander à deux témoins, dont la personne de confiance lorsqu'elle est désignée en application de l'article L. 1111-6, d'attester que le document qu'il n'a pu rédiger lui-même est l'expression de sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leur nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives anticipées. Le médecin peut, à la demande du patient, faire figurer en annexe de ces directives, au moment de leur insertion dans le dossier de ce dernier, une attestation constatant qu'il est en état d'exprimer librement sa volonté et qu'il lui a délivré toutes informations appropriées.

Ce débat n’est pas que politique. Il est sociétal et nous interroge sur le fondement des valeurs humaines qui sous-tendent notre vouloir vivre ensemble. Chacun est-il bien conscient de l’enjeu ?

La loi Leonetti :  un questionnement éthique

Les situations relevant de l’application de la loi Leonetti exigent une réflexion, un cheminement éthique pour aboutir à la  décision la plus juste, la plus respectueuse des souhaits de la personne malade ou en fin de vie. La démarche de renoncement thérapeutique dans les situations de refus de traitement ou de limitation et d’arrêt de traitement est un processus décisionnel au cours duquel l’équipe soignante est le plus souvent concertée lors de réunion collégiale. De plus, dans le cas où le patient ne peut plus donner lui-même son avis, cette concertation de l’équipe soignante5 est désormais exigée lors de la procédure collégiale imposée par la loi.  Si la décision finale reste médicale, le processus de discussion éthique est pluriprofessionnel. Choisir de renoncer à satisfaire certains besoins pour en privilégier d’autres est une démarche de questionnement multiple dans laquelle chacun doit pouvoir se sentir co-responsable et garant de la liberté de l’autre.

En toute fin de vie, dans des situations de détresses particulières, la sédation en phase terminale nécessite un encadrement dans le respect des bonnes pratiques. La pratique de la sédation n’implique pas pour tous la même intention ni les mêmes actes. C’est pourquoi  la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (www.sfap.org) a précisé toute la différence contenue dans les termes de sédation terminale et de sédation en phase terminale. Dans la mise en acte de cette demande du patient de dormir, l’intention peut être celle de provoquer intentionnellement la mort et de la précipiter par une sédation profonde terminale. Une autre intention est de proposer à un patient en fin de vie qui le souhaite, de s’endormir pour lui permettre de  diminuer ou faire disparaître la perception d’une situation qu’il juge insupportable. Cette  dernière  pratique correspond à la sédation en phase terminale recommandée et validée6.

Pour conclure...

Une assistance médicalisée pour mourir dans la dignité : c'était l'engagement du candidat Hollande à la présidentielle . Le Comité Consultatif National d'Éthique (CCNE) estime nécessaire de poursuivre la réflexion. Le président Hollande a indiqué qu’au terme du débat, il y aura un projet de loi qui complétera, améliorera la loi Leonetti.

Que représente pour les citoyens de ce pays la notion de fin de vie médicalement assistée ? S’agit-il bien pour le plus grand nombre, de « faire dormir avant de mourir » sans intention de provoquer délibérément la mort d’autrui et non pas de « faire dormir pour faire mourir » ?

Ces pratiques ne sont pas équivalentes, elles exigent une compétence et engagent notre responsabilité professionnelle et personnelle. Dans leur communiqué de presse de décembre 2013 , les membres du conseil de l’Ordre National des infirmiers ne s’y sont pas trompés. Ils proposent 10 pistes pour une évolution de la loi. La piste 9 indique notamment : Envisager la sédation terminale à la demande des personnes en garantissant la clause de conscience de l’infirmier. Demander que soit garantie et donc respectée la clause de conscience semble induire qu’il pourrait y avoir dans cette pratique de la sédation terminale une transgression à l’interdit de tuer…

Ce débat n’est pas que politique. Il est sociétal et nous interroge sur le fondement des valeurs humaines qui sous-tendent notre vouloir vivre ensemble. Chacun est-il bien conscient de l’enjeu ?

Notes

  1. Rapport SICARD
  2. Gueneau-Peureux D. Faire vivre la loi Leonetti : une attitude de soignant-citoyen.   Medecine Palliative-Soins de support-Accompagnement-Ethique. 10, 36-41 .Février 2011
  3. Code de la santé publique
  4. Hirsch.E. L’euthanasie par compassion ? Manifeste pour une fin de vie dans la dignité .  Erès. Mars 2013
  5. Gueneau-Peureux D . La loi Leonetti  sur la fin de vie est encore trop peu connue.  La Revue de l’Infirmière -  N° 196 -  Décembre 2013
  6. Aubry R. Blanchet V. Viallard M-L. La sédation pour détresse chez l’adulte dans des situations spécifiques et complexes  Revue Médecine palliative - Soins de support - Accompagnement - Ethique(2010) 9, 71-79 - doi :10.1016/j.medpal.2010.01.004

Domitille GUENEAU-PEUREUXInfirmière spécialiste cliniqueEMDASP hôpital St Camilled.gueneau-peureux@ch-bry.org


Source : infirmiers.com