Alors que la médecine progresse et que les campagnes de prévention sont de plus en plus nombreuses, le nombre de personnes traitées pour réduire leur taux de cholestérol, hypertendues ou diabétiques se multiplie sans cesse. Dans leur ouvrage « Trop soigner rend malade », Jean-Pierre Thierry et Claude Rambaud font le point sur ce paradoxe et posent une question fondamentale : « Docteur, est-ce bien nécessaire ? ».
Le docteur Jean-Pierre Thierry, médecin spécialiste en santé publique et en informatique de santé, et Claude Rambaud, juriste et spécialiste de la prévention des risques liés aux soins, abordent, dans leur ouvrage « Trop soigner rend malade », la délicate question de la surmédicalisation ainsi que les conséquences qu’elle engendre. En effet, comme le soulignent les auteurs, si l’on médicalise trop tôt ou mal, on tombe facilement dans une surmédicalisation qui pourra aboutir à dégrader la qualité de vie – voire à en raccourcir la durée en créant d’autres pathologies déclenchées par nombre de traitements préventifs
.
Le docteur Jean-Pierre Thierry et Claude Rambaud ne s’intéressent pas uniquement aux conséquences de la surmédicalisation. Ils évoquent en effet les facteurs ayant conduit la société à trop se soigner. Ainsi, les auteurs pointent du doigt la révision constante des valeurs considérées comme normales ou souhaitables. Ainsi, le seuil définissant l’hypertension est passé de 160/95 dans les années quatre-vingt à 140/90 en 2008. La diminution du seuil a eu pour effet de quasiment doubler le nombre d’hypertendus
, indiquent Jean-Pierre Thierry et Claude Rambaud. On retrouve donc aujourd’hui environ la même proportion d’hypertendus qu’en 1999 chez des personnes environ dix ou vingt ans plus jeune. En pratique, un hypertendu en 2009 n’aurait pas été désigné comme tel en 1984 et aucun traitement antiypertenseur ne lui aurait été prescrit par un médecin et même un cardiologue, sauf cas particulier
. Le constat est le même pour le taux de cholestérol général dans le sang, dont le seuil est passé, du jour au lendemain, de 2.4g/l à 2g/l en 1998 aux États-Unis. 48 millions d’Américains se sont ainsi découvert un excès de cholestérol et se sont vu prescrire des statines. Le diabète, l'insuffisance rénale ou encore l'obésité sont aussi des maladies qui ont vu leur seuil de dépistage diminuer au fil des années, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de patients. Le cancer du sein serait lui aussi surdiagnostiqué puisque l' on sait désormais statistiquement que certains cancers du sein trouvés grâce au dépistage n'auraient en réalité pas pu tuer la patiente : il s'agit surtout des 30 % de cancers dits « intracanalaires » ou « in situ » qui sont peu évolutifs et ont été classés comme peu dangereux
, relèvent le Docteur Jean-Pierre Thierry et Claude Rambaud. De fait, un grand nombre de patientes sont traitées inutilement.
S'agissant de notre propre santé et sachant que notre avenir peut se jouer avec un traitement, un acte ou un examen, il appartient à chacun de nous de dialoguer avec son médecin et de lui poser la question de la nécessité d'un examen ou d'un traitement quel qu'il soit, surtout si besoin.
Bien d'autres sujets sont abordés dans « Trop soigner rend malade », tels que les erreurs médicales ou la prolifération des bactéries multi-résistantes. Les auteurs souhaitent ainsi donner aux patients des moyens d'argumenter face à des médecins qui auraient la main un peu lourde sur les prescriptions. Cet ouvrage, bien documenté et écrit de manière fluide, s'adresse au grand public mais pas que. Les soignants trouveront en effet de nombreuses informations permettant d'enrichir leur pratique quotidienne en vue de mieux informer leurs patients.
• THIERRY J-P., RAMBAUD C., Trop soigner rend malade, éditions Albin Michel, mai 2016, 289p., 18,50€.
Aurélie TRENTESSE Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com @ATrentesse
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