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À lire - Ma mère a encore trop bu

Publié le 14/06/2016
boisson alcoolisme

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raconter la vie

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Dans son récit intitulé "Ma mère a encore trop bu", en format court, sur le site communautaire Raconter la vie, Cécile raconte son passage aux urgences pour récupérer sa mère, qui a été retrouvée inconsciente après avoir trop bu… Elle se demande notamment « au nom de quoi une fille devrait-elle contraindre sa mère à demeurer prisonnière d’une chambre d’hôpital ? ».

Cécile raconte ses relations compliquées avec sa mère, alcoolique.

Ta mère est à Cochin, aux urgences, tu peux aller la chercher ? C’est la voisine qui m’a prévenue. Elle l’a trouvée inconsciente dans l’escalier et a appelé les pompiers. Je suis en province et ne pourrai pas arriver à Paris avant demain matin. Les urgences de Cochin, dans la famille, on les connaît bien. Ma mère y est régulièrement amenée pour un lavage d’estomac ou une mauvaise chute. Mais depuis que tous les enfants ont quitté la maison, c’est surtout mon beau-père qui s’y colle. Sauf quand il n’est pas lui-même à Paris. Je me présente trois quarts d’heure plus tard à l’accueil. Ma mère dort, m’explique-t-on, il faut attendre qu’elle se réveille. Comment va-t-elle ? Que s’est-il passé exactement ? Ils ne savent pas, c’est le médecin qui pourra me renseigner. Installez-vous, on vous appellera. [...] Pendant plusieurs mois elle avait de nouveau semblé aimer la vie. Elle a donc finalement recommencé à boire. Je l’avais trouvée désemparée la dernière fois que nous nous étions vues, avant les grandes vacances. J’avais compris qu’avec le temps elle ne savait pas bien quoi faire de cette joie retrouvée. Je m’étais fait la réflexion que ses angoisses lui manquaient.

Encore trop tôt pour sortir...

Après deux heures d’attente, on m’indique le numéro de la chambre. Dans quel état vais-je la trouver ? Physique, mais aussi moral. Et cette situation est tellement humiliante pour elle. En même temps, elle sait bien que je ne la juge pas, que je suis là pour l’aider. Je la trouve dans une chambre seule, allongée avec une perfusion dans un bras. Au moment où je me baisse pour l’embrasser et lui demander comment elle se sent, je vois que ses deux poignets sont attachés à la structure métallique du lit. Elle m’accueille sans aménité : Donne-moi mes vêtements, détache-moi, on s’en va ! Si tu veux, mais je vais d’abord voir le médecin, et lui demander si tu peux sortir. Non, détache-moi ! Elle tire sur les liens, s’agite dans le lit. Je tente de lui parler, mais elle ne m’écoute pas. [...] Mais au nom de quoi une fille devrait-elle contraindre sa mère à demeurer prisonnière d’une chambre d’hôpital ? Le nœud semble facile à défaire. Et cette situation est insupportable. Une infirmière a été alertée par le bruit. Ma mère voudrait sortir. Je la ramène à la maison. Non, c’est trop tôt, elle est encore alcoolisée, et nous devons continuer à l’hydrater. Madame, s’il vous plaît, calmez-vous. Votre fille est là, vous pourrez sortir dans quelques heures. Je vais très bien. Je veux sortir maintenant. Détachez-moi ! Restée seule avec ma mère, je tente de la raisonner. Je lui parle avec tendresse. Cette tendresse que je tiens d’elle, qui nous a si souvent protégées, ensemble, du monde. Mais je suis aussi très en colère. Je lui en veux terriblement de nous infliger cela, à elle et à moi. Ou à moi et à elle.

Raconter la vie : la communauté de ceux qui s’intéressent à la vie des autres

Par les voies du livre et d’internet, Raconter la vie a l’ambition de créer l’équivalent d’un Parlement des invisibles pour remédier à la mal-représentation qui ronge le pays. Il veut répondre au besoin de voir les vies ordinaires racontées, les voix de faible ampleur écoutées, les aspirations quotidiennes prises en compte. Pour « raconter la vie » dans toute la diversité des expériences, la collection accueille des écritures et des approches multiples - celles du témoignage, de l’analyse sociologique, de l’enquête journalistique et ethnographique, de la littérature. Toutes les hiérarchies de « genres » ou de « styles » y sont abolies ; les paroles brutes y sont considérées comme aussi légitimes que les écritures des professionnels de l’écrit. Raconter la vie est la communauté de ceux qui s’intéressent à la vie des autres.

Aurélie TRENTESSE  Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com  @ATrentesse


Source : infirmiers.com