Ecrire. Elaborer. Se raconter. Livrer aux autres leurs sentiments intimes. Etre authentiques dans leurs propos autant qu’explicites par leurs mots. Faire entendre leur voix pour défendre un métier : le leur… Charline, infirmière libérale, et Marie, infirmière hospitalière, nous proposent toutes deux en cette rentrée leur vision, de l’intérieur, de leur quotidien ; un quotidien fait de soins prodigués aux autres, certes difficile mais qu’elles aiment par dessus tout. Comme le souligne Charline, "le métier d’infirmière est un dur et doux mélange de "trop" et de "pas assez""… Au total, près de 550 pages qui illustrent leurs parcours de soignantes mais aussi de femmes, de mères, de tutrices, de collègues et de citoyennes engagées.
On ne naît pas infirmière !
Quand devient-on infirmière ? Est-ce le jour où l’on obtient son diplôme ? Celui où l’on pose son premier pansement ? Où l’on perd son premier patient ? Est-ce celui où l’on apprend à se blinder, ou celui où l’on espère ne jamais arriver à le faire ?
Je suis devenue infirmière sur les bancs de l’école, bien sûr, mais aussi au contact des patients. J’ai appris les gestes et les dosages dans les manuels et grâce aux profs, mais aussi et surtout par la pratique et par ce que les autres soignants m’ont transmis.
Soigner, c’est cet ensemble de technique, de psychologie et d’attention qui fait que l’humain reste au cœur de chaque contact, de chaque geste et de chaque intervention. Soigner, c’est penser à préserver la pudeur du patient dont je fais la toilette, même si c’est le dixième de la matinée ; c’est savoir quelle est la robe du dimanche de ma patiente, et quelle quantité d’eau de Cologne elle aime que je lui dépose au creux des poignets ; c’est aussi comprendre à la voix de l’un qu’aujourd’hui est un mauvais jour. Et cette connaissance intime des joies, des craintes, des manies ou de la fatigue de chacun est au coœur de mon métier.
Je passe mes journées à ouvrir des portes. Il y a la porte de ma voiture, que je claque entre chaque patient, et les portails des jardins gardés par des chiens plus ou moins accueillants. Il y a les portes d’entrée de mes patients, de formes et de couleurs différentes, de belles portes aux paliers parfaitement balayés et entretenus inaugurant une maison agréable et celles à la peinture écaillée où un entassement de paires de petites chaussures et de jeux sur le paillasson laisse présager une vie de famille bien chargée.
C’est pour cela que j’aime mon métier : parce que chacun est unique. C’est aussi pour cela qu’il faut le protéger, ce métier : parce qu’il est essentiel que nous, les soignants, puissions être disponibles, attentifs et compétents auprès de vous lorsque vous en avez besoin.
Très vite après mon diplôme, j’ai préféré la juste proximité à la juste distance et j’ai décidé d’utiliser mon coeur pour soigner autant que je le ferais avec mes mains. c’était une prise de risque, mais comme je savais mon temps compté, je préférais prendre plaisir à travailler durant le peu de temps que j’avais devant moi. Car la réalité, c’est que les infirmières sont condamnées à court terme. Trop épuisées/dégoûtées/dépitées/burn-outées (rayer les mentions inutiles) par leurs conditions de travail, les infirmières lâchent l’hôpital ou les soins en moyenne cinq années après leur diplôme...
Il faut trois années d’étude pour apprendre à devenir infirmière, et bien plus d’une carrière pour tout comprendre du métier...
• On ne naît pas infirmière ! Illustré par l’homme étoilé. Ces patients et ces soignants qui m’ont appris à panser, Charline, Editions Autrement, septembre 2019, 18€. Nous avons consacré notre première pastille vidéo #SurLeVif à Xavier alias L’homme étoilé
qui nous a parlé des soins palliatifs et de son dessin inspiré. Nous vous engageons également à regarder Charline s'exprimer sur son métier d'infirmière sur Kombini News.
C’est aussi ça la vie…
Marie Paule est infirmière en milieu hospitalier. Chaque jour, en allant travailler, elle sait qu’elle va devoir aider, prendre en charge et soigner des gens dans la difficulté et dans la peine. Et pourtant, chaque jour, sa motivation et son envie d’apporter du réconfort sont intacts.
Rêver n’est interdit nulle part, pas même dans ce bien nommé long séjour, là où les nuits sont interminables, pour les résidents comme pour nous. Car nous avons en commun le sentiment d’être les parents pauvres de l’établissement, ceux dont on fait peu de cas, ne serait-ce que par notre éloignement géographique. En effet, le bâtiment est à quelques rues du centre névralgique de l’hôpital. Notre impression d’abandon est renforcée en cas d’appel nocturne du service de garde. Si le médecin est une femme et qu’elle est dépourvue de voiture, il nous faut argumenter solidement pour qu’elle accepte de venir jusqu’à nous.
Le contact permanent avec les problèmes, l’agressivité de certains médecins et patients, les horaires et les restrictions budgétaires sont des obstacles de taille. Mais cela n’empêche pas la prochaine perfusion, la prochaine garde de nuit, le prochain câlin à un enfant malade.
La nuit, les demandes peuvent être chargées d’une part d’angoisse. Quelques mots, une dizaine de minutes de présence assise sur le bord du lit peuvent suffire à faire la part des choses. Mais il arrive que le recours au médecin de garde s’impose de toute urgence. Les complications ne tiennent pas toujours compte de l’heure indiquée à l’horloge ! Au coeur de la nuit, le téléphone reste souvent sans appel et les voix se taisent. Des bruits discrets, le frottement des pages de mon livre, le son de la tasse de café que je repose ou le bruissement des ailes d’un insecte, m’accompagnent…
Dans ce livre, Marie raconte ses relations avec ses collègues, les fous rires, les joies, mais aussi la fatigue et les moments plus difficiles quand un patient s’en va. Un témoignage d’une grande humanité où l’on passe du rire aux larmes, à l’image d’un métier qui n’est vraiment pas comme les autres.
Le monde de la psychiatrie a ses quelques échappatoires sur lesquelles il faut s’appuyer pour tenter d’aider ceux qui vivent souvent dans la peine. Quand la relecture du mot d’amour tiré du sac ne suffit plus, c’est à ce voyage imaginaire que je fais appel lorsque, face à moi, l’amie du disparu est plus en souffrance que jamais. Au moment où nous l’évoquons, il ramène toujours un sourire sur son visage, mais aussi sur le nôtre. Car il fait revivre, un instant, un patient plein d’entrain et tellement créatif lors de ses périodes de fantaisie...
Je laisse dans mon placard métallique ma vie du dehors avec tout ce qui s’y rattache. Je m’habille de blanc et j’entre dans un autre monde....
• C’est aussi ça la vie…Une infirmière au coeur de l’hôpital, Marie Paule, Editions City, septembre 2019, 17,90€
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
IDEL
Vidéo - "Avec un enfant, il faut savoir être enveloppant"
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse