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LIVRE

A lire – Examens médicaux

Publié le 15/12/2016
docteur en blouse blanche

docteur en blouse blanche

Dans son récit intitulé "Examens médicaux", en format court, sur le site communautaire Raconter la vie, Eva partage avec nous le récit de son épopée dans les méandres de l'hôpital, de ses services et de ses délais de réactivité pour comprendre, enfin, ce qu'elle a … ou pas ! Extraits.

Le téléphone sonne. Je reconnais la voix de la pneumologue qui est en charge de mon dossier. Mon cœur bat très vite...

Les textes publiés sur le site Raconter la vie, site communautaire de ceux qui s'intéressent à la vie des autres - témoignages de patients, de leurs proches, de soignants... sont régulièrement présentés sur nos pages ; une très belle source éditoriale que nous avons choisi de partager entre nos deux sites.

Le début de l'histoire…

C’était il y a 3 ans. Une douleur aiguë au niveau du thorax était apparue dans la nuit. J’espérais qu’elle allait s’estomper mais elle s’intensifiait. Au moindre mouvement du torse, je souffrais terriblement. J’essayais de limiter au maximum l’amplitude de mes mouvements respiratoires pour empêcher la douleur de jaillir. […] Mon beau-père médecin me confirme que je dois me faire examiner : cela peut être une embolie pulmonaire, cela peut arriver après un accouchement. Une phrase du personnel de la maternité me revient alors en mémoire : ne pas hésiter à retourner aux urgences maternité en cas de souci. […] Une sage-femme me reçoit. Elle me pose des questions et effectue sur moi quelques examens routiniers : analyse d’urine, pression sanguine… Ces tests me semblent tout-à-fait dépourvus de sens, étant donnée ma situation. Mais je me laisse faire. […] À la fin, elle conclut que tout ce qu’elle a mesuré est normal et que je ne suis pas dans le bon service : j’aurais dû aller aux urgences classiques.

A l'épreuve de la patience…

Mon mari me rejoint dans la salle d’attente avec mon fils de 2 ans et demi et ma fille qui n’a qu’une semaine. C’est l’heure de la tétée. Une infirmière nous ouvre une petite pièce fermée à clé. […] Je m’installe sur la petite chaise dans le coin pour allaiter, puis mon mari ramène les enfants à la maison afin de limiter leur temps d’exposition à l’atmosphère malsaine des urgences. Je retourne dans la salle d’attente. Tous les patients patientent, comme il se doit. […] Enfin on m’appelle. On me fait une radio des poumons et un scanner précédé d’une injection de produit iodé. On m’avertit que je ne pourrai plus allaiter pendant 3 jours, le temps que ce produit, toxique, soit éliminé de mon lait et de mon corps. Ma fille devra s’habituer coûte que coûte à un autre lait que le mien. Puis on me dit d’attendre les résultats des examens sur un lit dans le couloir, juste derrière les portes battantes, du côté des privilégiés. L’attente est longue. […] Je n’ai pas d’embolie pulmonaire. Ma douleur intercostale est bénigne et devrait s’en aller au bout de quelques jours. Par contre, le scanner a permis de découvrir fortuitement un petit nodule de 1 cm de diamètre dans mon poumon droit. Ce doit être la trace d’une infection bactérienne passée. Après un traitement aux antibiotiques d’un mois et demi, le nodule devrait disparaître.

Quand c'est fini… ça recommence

Après un mois et demi d’antibiotiques, le nodule n’a pas disparu. Il a la même taille et la même forme caractéristique – en étoile – que sur le scanner précédent. Je suis prise en charge à l’hôpital H. La pneumologue me parle d’une voix douce. Elle a l’air fatiguée. Elle pense que mon nodule est bénin mais qu’il faut quand même le vérifier sérieusement. Elle évoque vaguement une cicatrice fibreuse sans m’expliquer vraiment ce dont il s’agit. Commence alors toute une série d’examens. […] En ma présence, pas une fois les mots « cancer » et « tumeur » n’ont été mentionnés par la pneumologue ou le personnel médical. Ce sont des mots tabous. Après chaque examen, j’ai droit à une explication par un médecin. Mais jamais les mots ne sont assez clairs pour que je comprenne vraiment. Jamais mon état d’esprit n’est suffisamment détaché de ce qui m’arrive pour pouvoir saisir pleinement la portée des phrases que j’entends. Je me laisse porter au gré des examens. De toute façon, on ne me demande ni ce que j’en pense, ni ce que je ressens. […] Respirer. Arrêter sa respiration. Ne plus bouger. Respirer. Arrêter à nouveau sa respiration. Ne plus bouger. Juste après l’examen, le radiologue est heureux de m’annoncer que l’IRM est tout-à-fait normal, que je n’ai aucun souci à me faire de ce côté-là.

L'escalade…

Fibroscopie. Un tube va être introduit dans mon œsophage jusqu’aux poumons pour aller y prélever un petit morceau de tissu pulmonaire. […] On retire le tuyau. Je me sens soulagée mais blessée. Ma gorge et mes bronches sont irritées et me brûlent. Je me mets à pleurer sans savoir pourquoi. Peut-être la fatigue des premiers mois avec un nouveau-né. Ou bien l’impression violente qu’on vient de pénétrer dans une partie intime de mon corps. On me fait asseoir dans une petite pièce adjacente, où je peux pleurer tranquillement. On m’apporte des mouchoirs. […] Comme on pouvait s’y attendre, la fibroscopie n’a rien donné. La pneumologue veut que j’en fasse une deuxième. Je me rends à l’examen d’un pas résigné. […] La fibroscopie est normale. La prochaine étape est une ponction sous scanner, afin de prélever un morceau du nodule lui-même. […]

À 4 heures du matin, un infirmier me remet une bouteille de Bétadine et une blouse en papier-tissu jetable. Il m’invite à aller me nettoyer de fond en comble sous la douche avec la Bétadine, et à me vêtir uniquement de la blouse bleue et d’une culotte. Puis on viendra me chercher pour la ponction. Je lui demande si je dois aussi me laver les cheveux avec la Bétadine. Il me répond que non, mais que tout le reste du corps doit y passer. 

Être un patient, c’est avant tout attendre...

À 8 heures, 2 personnes entrent enfin dans la chambre. Ils vont déplacer mon lit jusqu’à la salle d’opération. […] On me dépose dans un couloir à côté de la salle d’opération.

J’attends. C’est à l’hôpital que le mot « patient » prend tout son sens. Être un patient, c’est avant tout attendre. Attendre d’être examiné et soigné, et attendre que le mal soit guéri. [...] Le médecin retire l’aiguille de ponction. C’est terminé. Pour éviter tout risque de décollement de la plèvre, il me recommande de rester allongée pendant 3 heures et d’éviter de bouger. On ramène mon lit dans la chambre. J’ai une envie pressante de faire pipi. La dernière fois que je suis allée aux toilettes, c’était à 4 heures du matin. Ils auraient quand même pu m’avertir qu’il fallait rester allongé après l’opération, je serais allée aux toilettes en prévention. J’ai très envie, ça me brûle, mais je résiste car je ne veux pas m’avilir au point de faire dans mon lit.

Tout ça pour ça…

Samedi matin. Ma voisine tousse toujours autant. Je viens de passer une deuxième nuit blanche à l’hôpital. Je quitte l’hôpital. […] J’attends le coup de téléphone de l’hôpital.

Rien. J’essaie de les appeler. Sans succès. Plusieurs jours passent sans que je réussisse à obtenir quelque information que ce soit. Je ne peux pas oublier les phrases de la deuxième pneumologue. Si jamais je n’avais rien, ils m’auraient appelée, ils ne m’auraient quand même pas laissé dans un état pareil ! […] Le téléphone sonne. Je reconnais la voix de la pneumologue qui est en charge de mon dossier. Mon cœur bat très vite, j’ai du mal à parler. Elle est rentrée de son congé maladie. Le nodule est bénin. C’est une cicatrice fibreuse. Tout le stress s’écroule d’un seul coup. La vie, qui s’était suspendue jusqu’à cet instant, reprend son cours. […] Comment l’hôpital a-t-il pu avoir un effet aussi dévastateur sur moi ? Peut-être l’accumulation de petites choses : l’attente, la peur de l’inconnu, l’absence d’information, les changements de décision intempestifs, la fatigue, les atteintes physiques portées à mon corps, le fait qu’on ne me demande jamais rien, l’impression d’être uniquement un numéro… Je crois que je commence à comprendre pourquoi certaines personnes âgées de mon village refusent catégoriquement d’aller se faire soigner à l’hôpital : elles veulent garder leur dignité jusqu’au bout. […] Dans les rouages intangibles de la machine hospitalière, de cet état de soumission.  

Raconter la vie : la communauté de ceux qui s’intéressent à la vie des autres

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Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com