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LIVRE

A lire - « Bonjour, jeune beauté »

Publié le 06/08/2013
Bonjour jeune beauté

Bonjour jeune beauté

Bonjour jeune beauté couverture

Bonjour jeune beauté couverture

Un jour ou l’autre, les professionnels de santé prennent soin d’une personne déficiente intellectuelle. Comme tout un chacun, ils doivent se garder des stéréotypes et s’adresser d’abord à quelqu’un : chaque patient a ses particularités...

Jeanne Auber est médecin dans un service hospitalier de cancérologie pédiatrique. Tristan, son mari, est cadre supérieur dans une entreprise privée. Ils sont les parents de trois enfants, dont Julie, plurihandicapée de naissance. Bonjour, jeune beauté ! raconte leur long et difficile combat pour faire respecter Julie, la faire reconnaître comme une personne, préserver sa famille, palier le manque de coordination des professionnels et trouver des hébergements. Son titre est un hommage au médecin qui a su accueillir leur fille par ces mots simples, qui l'ont fait sourire et lui ont donné confiance. Construit comme une correspondance entre eux deux, leur livre se lit comme un roman qui, sans jamais verser dans le sentimentalisme, provoque émotion et désir d'en savoir plus. Nous avons demandé à Jeanne son avis sur la place des professionnels de santé dans la prise en charge de la déficience intellectuelle.

A propos des infirmières...

Les infirmières sont les pièces charnières de la chaîne de soins. Les médecins prescrivent, mais les infirmières, et les aides-soignantes, accueillent. Je leur demande de s'adresser d'abord à Julie parce que c'est elle la première concernée par les soins qu'elle va recevoir. Que Julie comprenne tout ou pas n'a aucune importance : l'infirmière peut lui expliquer qu'elle va demander à ses parents si elle-même a du mal à suivre. Mais Julie est une personne et c'est à elle qu'il faut d'abord parler, un peu comme on le fait avec les bébés : on leur explique ce qu'on va leur faire en sachant qu'ils ne comprennent pas nos mots ; pourtant tout va aller bien mieux que si on ne le faisait pas.

Mais Julie est une personne et c'est à elle qu'il faut d'abord parler...

A propos du temps qui manque...

Les professionnels de santé partagent très souvent les mêmes peurs et les mêmes préjugés que le reste de la population. Ils sont par exemple bloqués sur la notion d'âge mental, au sens d'âge cognitif, comme si la personne déficiente intellectuelle n'avait pas elle aussi une expérience des soins, des examens, des consultations, parfois depuis de nombreuses années. C'est vrai qu'elle a plus de mal à exprimer ce qu'elle ressent et ce qu'elle sait et que parfois elle le fait de façon déroutante, en restant silencieuse ou au contraire en hurlant pour montrer son désaccord ou sa crainte. Il faut sans doute plus de patience et de temps. On m'objecte parfois que justement, c'est le temps qui manque. Je sais que les conditions de travail peuvent être difficiles, mais cela ne doit pas faire oublier aux soignants qu'ils ont affaire à des personnes. J'ai l'exemple d'une infirmière dans mon service qui accueille des enfants atteints de cancer porteurs aussi de handicap parfois : elle sait toujours mettre de la bonne humeur et rassurer.

Il faut sans doute plus de patience et de temps. On m'objecte parfois que justement, c'est le temps qui manque.

A propos des bonnes pratiques de soins...

La déficience intellectuelle touche 1,5 millions de personnes en France. La situation ressemble à celle des soins palliatifs il y a une vingtaine d'années. Il a d'abord fallu que quelques soignants s'attachent au problème pour aboutir à des actions nationales bien longtemps après, sans que leurs préconisations soient encore aujourd'hui suivies d'effets partout. C'est pour cela que je suis en faveur de la labellisation des services qui ont de bonnes pratiques, avec à la clé des moyens supplémentaires et une reconnaissance pour les soignants. Beaucoup d'associations de parents de patients y sont opposés parce qu'ils craignent, à juste titre, la création de services spécialisés pour les soins aux personnes déficientes intellectuelles, une ghettoïsation. Je parie au contraire pour la diffusion des bonnes pratiques à partir de quelques services de référence qui accueillent le tout-venant des patients, y compris les personnes déficientes intellectuelles.

Je suis en faveur de la labellisation des services qui ont de bonnes pratiques, avec à la clé des moyens supplémentaires et une reconnaissance pour les soignants.

Nous ne sommes qu'au début de notre combat pour faire reconnaître la réalité de la déficience intellectuelle, qui n'est pas souvent celle des autistes géniaux ou des trisomiques sympathiques, comme les médias nous la présentent souvent. Il faut arrêter le silence, sur le non respect et l'ignorance des personne. Il faut dénoncer le manque de moyens. Nous devons cesser d’avoir le regard apitoyé ou d’ignorance que beaucoup portent sur ces personnes.

• Jeanne et Tristan Auber. Bonjour, jeune beauté ! Bayard, 2013. 200 pages, 17 €. 

• Lire aussi l’entretien avec Jeanne et Tristan Auber paru dans la Revue du Praticien Médecine Générale : http://www.bonjour-jeune-beaute.fr/176479080 ou http://www.carnetsdesante.fr/Auber-Jeanne-et-Tristan

Serge CANNASSE Journaliste, photographe serge.cannasse@mac.com


Source : infirmiers.com