Une étudiante en soins infirmiers (L1) à Saint-Etienne, a effectué un stage au sein d'un EHPAD à l'automne 2017. Alors qu'elle accompagne une infirmière lors d'une prise de sang sur un résident, un détail l'interpelle et la ramène à ses cours sur les accidents avec exposition au sang : pourquoi la soignante ne met-elle pas de gants ? Quid de la protection du patient mais aussi d'elle-même…
L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage
Formatrices et formateur dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Yamina Lefevre, Zohra Messaoudi et Christian Teyssier ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10) de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015 , textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016 , suivis de nouvelles publications en 2017 https://www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/etudiants-en-ifsi/protecti… , de nouveaux étonnements s'offrent à nous en 2018 . Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.
Je suis en première année d'étude de préparation au diplôme d’état infirmier. Lors du semestre 1 nous devons effectuer un stage de cinq semaines qui nous est attribué par l’école. Je débute donc mon stage le 09 octobre 2017 et et ce, jusqu'au 10 novembre 2017. Je suis affectée dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Etant donné que je n’ai jamais travaillé, ou effectué un stage dans le milieu hospitalier, je vais me servir de ma première semaine de stage pour comprendre le fonctionnement de cet établissement de soins composé de trois services distincts. Le premier service, au rez-de-chaussée, est une unité pour les personnes Alzheimer, le Cantou. 12 résidents y sont accueillis de façon permanente et deux peuvent y être admis de façon temporaire. Il y a ensuite le premier et le deuxième étage qui accueillent 39 résidents chacun.Cet établissement propose également un Pôle d’activités et de soins adaptés pour 14 résidents.
Lors de mes trois premières semaines de stage, je suis les aides-soignants. Ils m'apprennent à réaliser une toilette en respectant les normes d’hygiène, mais aussi à accompagner la personne âgée lors de la réalisation de ses tâches quotidiennes. Ils m'attribuent ainsi trois résidents dont je dois m’occuper au jour le jour. Lors de mes deux dernières semaines de stage, je continue de m’occuper des résidents, mais je vais aussi faire le tour des étages
avec les infirmiers pour voir comment ils effectuent les prises de sang, les réfections de pansement, les injections médicamenteuses, les mesures de glycémie capillaire, les injections d’insuline…
Je vais aussi "faire le tour des étages" avec les infirmiers pour voir comment ils effectuent les prises de sang...
Une situation interpellante...
Madame X , une femme âgée de 85 ans, est diabétique. En conséquence de son diabète, l’infirmier mesure sa glycémie capillaire à jeun tous les matins, puis le soir, suivi d’une injection d’insuline décidée en fonction du résultat effectué le matin même. La dose injectée suit un strict protocole établi par le médecin. Parallèlement à cela, cette résidente doit également bénéficier de prises de sang régulières afin de surveiller son hémoglobine glyquée (HbA1c). Pour rappel, l'hémoglobine glyquée est le reflet de la glycémie. Tandis que la glycémie capillaire et la glycémie à jeun sont des instantanés de l’état glycémique, l’HbA1c permet, par un dosage sanguin, d'évaluer l’équilibre glycémique sur une plus longue période (environ deux à trois mois).
La situation que j’ai donc choisi d’analyser s’est déroulée le 25 octobre, lors de ma troisième semaine de stage. Ce matin-là, l’infirmière doit effectuer deux prises de sang, des glycémies capillaires, des injections d’insuline et d'autres traitements. Parallèlement à cela, sa collègue effectue la distribution des médicaments. En fin de matinée, elles se répartissent les patients, et effectuent les réfections de pansements. Puis, l'une des deux donne les médicaments pour le midi. Après la relève, nous partons avec l’infirmière au 1er étage pour commencer notre tour. Etant donné que c'est mon premier stage, avec l’infirmière, nous avons convenu qu’elle effectuerait la première prise de sang et que ,si je me sentais prête, j’essayerai de faire la deuxième.
Avant de rentrer dans la chambre, l’infirmière m’explique les règles d’asepsie et de sécurité à respecter avant d’effectuer une prise de sang. Il faut tout d’abord me dit-elle commencer par se laver les mains à l'eau et au savon, puis les frictionner avec une solution hydro-alcoolique. (SHA). Ensuite, pour effectuer le geste technique que constitue un prélèvement sanguin, il faut porter des gants en latex, enfilés au lit du patient. L’infirmière m’explique aussi de quoi doit être constitué le plateau de soins. Préalablement désinfecté, on doit y trouver les tubes pour le prélèvement (avec une étiquette collée sur laquelle sont indiqués le nom du patient, son prénom et sa date de naissance), un garrot, une aiguille à prélèvement, un coton imbibé d’alcool, un coton propre et du sparadrap. En ce qui concerne le bon d’analyses du laboratoire, il est préalablement rempli et laissé sur le chariot dans le couloir.
Après ces explications préalables, nous nous désinfectons les mains et l’infirmière frappe à la porte de la chambre de la résidente. Une fois à l'intérieur, l’infirmière explique à Madame X quel soin elle va lui prodiguer. Pour qu'il soit confortable pour la résidente et l’infirmière, je monte le lit de Madame X. Suite à cela, l’infirmière installe le garrot vers le poignet de la patiente. En effet, l’infirmière m’explique que cette résidente est difficile à piquer et que, pour faciliter le soin, elle va ponctionner une veine de la main avec une aiguille épicrânienne. L’infirmière demande alors à la résidente de serrer son poing, et tapote la veine pour pouvoir bien la sentir
et éviter notamment que la veine roule
.
L’infirmière désinfecte la zone où elle va piquer en utilisant la méthode escargot
. Puis elle pique la veine de la patiente mais, à ma surprise, sans mettre de gants. Une fois, les tubes remplis, l’infirmière retire l’aiguille épicrânienne et la dépose dans le plateau. Elle demande ensuite à Madame X de compresser le point de ponction quelques secondes à l'aide du coton propre, puis, pour finaliser le soin, un sparadrap est appliqué sur la zone. Nous pouvons alors quitter la chambre de Madame X en luis souhaitant une bonne journée.
L’infirmière désinfecte la zone où elle va piquer en utilisant la méthode "escargot". Puis elle pique la veine de la patiente mais, à ma surprise, sans mettre de gants.
L'analyse de la situation autour du port des gants
Une fois sortie de la chambre, je m'interroge sur la pratique de cette infirmière. Plusieurs questions m'assaillent :
- pourquoi l’infirmière n’a-t-elle pas mis de gants pour réaliser ce soin ?;
- est-ce volontaire ou a-t-elle oublié de les mettre ?;
- quel(s) types de gants peut-on – doit-on - porter pour faire une prise de sang ?;
- quelle(s) règle(s) d’hygiène doit-on respecter lorsque l’on porte des gants ?
En effet, elle avait tout mis en œuvre pour protéger la patiente en respectant les normes d’hygiène et en veillant aussi à son confort, mais elle en a oublié l’essentiel, se protéger elle-même.
Lors des cours dispensés par nos formateurs dans l’UE 2.10 S1 – Hygiène et infectiologie -, j’ai pu comprendre l’enjeu essentiel du port des gants; gants à usage unique apparus en 1965. Ensuite, avec l’arrivée du Sida entre 1980 et 1987, beaucoup de choses ont changé au sein de l’hôpital.
Rappelons que les gants servent tout d’abord à protéger le patient du risque infectieux. Ils évitent de mettre en contact la flore microbienne du personnel avec le patient, et ils préviennent également la transmission manu portée de micro-organismes d’un patient à un autre. Mais, les gants servent aussi de protection pour le personnel. Ils leur évitent aussi un risque infectieux, barrière étanche aux micro-organismes aux propriétés mécaniques d’essuyage en cas de piqûre et de coupure. Ainsi, le port de gants lors d’une prise de sang réduit les risques de contamination et prévient les accidents d’exposition au sang (AES). Les accidents d’exposition au sang regroupent tout contact percutané avec du sang ou liquide biologique après une effraction cutanée causée par une piqûre ou coupure avec un instrument souillé. Chaque année, en Europe, on recense plus d’1 million de blessures par piqûres d’aiguille . Les infirmiers en sont les premières victimes , impliqués dans 48% des accidents.
Ainsi, si l’infirmière se piquait avec l’aiguille épicrânienne utilisée lors de la prise de sang, elle s’exposait à ce risque d'AES et, dans un autre contexte, à celui d’être contaminée par le VIH ou l’hépatite C par exemple.
Après m’être questionnée et après avoir relu mes cours, je me suis renseignée auprès de l’infirmière pour comprendre pourquoi elle n’avait pas porté de gants. Je voulais savoir si c’était un oubli ou si elle ne les avait pas mis volontairement. Lorsque je lui posais la question, elle me répondit qu’elle n’avait pas mis de gants volontairement, qu’elle arrivait mieux à piquer sans
. Mais elle rajouta que lorsque j’effectuerai les prises de sang, je devrai impérativement les mettre. Cette réponse fit avancer mon questionnement, me poussant à me pencher un peu plus sur cette question et plus particulièrement sur quel(s) type(s) de gants on pouvait utiliser lorsque l’on effectuait un soin technique comme une prise de sang.
Dans les cours de nos formateurs de l’UE 2.10, on peut voir qu’il existe un panel de gants aux indications précises :
- gants soudés en polyéthylène qui sont des gants de protection non stériles;
- gants d’examen en latex (qui peuvent être stériles ou non);
- gants d’examen en vinyle (ou en nitrile);
- gants d’examen stériles en latex ou vinyle.
Pour réaliser des prises de sang, il faut utiliser des gants d’examen en latex . Ce sont des gants à usage unique réservés aux soins nécessitant une barrière de protection. Lors de sa prise de sang, l’infirmière aurait donc dû utiliser ce type de gants. Toutefois, certaines personnes présentent des intolérances au latex. Les soignants qui sont allergiques au latex peuvent utiliser les gants d’examen en vinyle ou en nitrite, mais il faut faire attention car ils se déchirent plus facilement. Enfin, je me suis également interrogée sur les règles d’hygiène à respecter lorsque l’on porte des gants. J’ai pu trouver les réponses à mes questions dans les cours de mes formateurs de l’UE 2.10, mais aussi dans ceux que le Docteur Isabelle Martin nous a dispensés. Ainsi, lorsque l’on porte des gants, il faut :
- se laver les mains avant de les enfiler et après les avoir retirés;
- enfiler les gants sur des mains propres et sèches;
- faire attention au type de gants que l’on prend et adapter la bonne taille;
- mettre les gants au moment du soin;
- respecter la chronologie du plus propre au plus sale;
- retirer les gants immédiatement après le soin, sans se contaminer les mains et les éliminer dans la filière DASRI;
- - utiliser une paire de gants pour un seul soin et un seul patient.
Je pense que l’infirmière avait peu de risque d’être contaminée puisque j’étais en stage dans un lieu de vie, mais il vaut mieux être prudent et porter des gants lors des soins techniques comme les prises de sang.
Ce que l'on peut conclure...
En conclusion, lors de mon stage en EHPAD, j’ai découvert pendant cinq semaines les règles d’hygiène, de sécurité, de confort et de bien-être envers le patient. J’ai choisi cette situation d’infectiologie/hygiène car c’est la seule situation qui m’a interpellée. Je pense toutefois que l’infirmière avait peu de risque d’être contaminée puisque j’étais en stage dans un lieu de vie, mais il vaut mieux être prudent et porter des gants lors des soins techniques comme les prises de sang. Cette situation m’a aussi permis de me questionner et d’approfondir mes connaissances. J'ai pu prendre conscience des risques du métier infirmier et devoir me rappeler tout au long de ma formation qu’il faut toujours veiller à protéger le patient, mais aussi à se protéger soi-même.
Une étudiante en soins infirmiers (L1 2017/2020) Croix-Rouge Formation Rhônes-Alpes, Saint-Etienne.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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