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L’infirmière est malade...

Publié le 11/11/2016
oeil tristesse

oeil tristesse

Elle garde ses symptômes, comme une infirmière garde sa blouse. Celle où il y a son nom, son métier d’inscrit, sa taille aussi qui n’est pas là sans lui rappeler qu’elle devrait moins manger de chocolats quand les patients lui en donnent pour la remercier. Mais ça fait du bien un peu de plaisir, un peu de reconnaissance… Tout est donc là, bien écrit, avec quelques tâches propres de stylo bille 4 couleurs. Et cette blouse, elle lui colle à la peau. Et l’air de rien, ça l’étouffe…

L'infirmière est en fuite et submergée de tout...

Elle a mal. Quelques fois c’est dans le dos, et quelques fois on dirait qu’elle n’a mal nulle part. En tout cas si ça ne se voit pas, c’est parce que c’est dans son cœur. Ce cœur qui ne reçoit pas assez de reconnaissance. Quelques fois, ce sont les bras parce qu’à force de porter les autres, ça pèse lourd… Et elle se demande si un jour, si elle baissait les siens, s’il y aurait quelqu’un pour la porter, la réconforter ou tout simplement l’aider à avancer. Parfois, tous ces sentiments, cette fatigue, ça lui casse la tête. Comme la barre du lit de la chambre 204, qu’on ne peut pas réparer faute de budget. On ne pas changer le lit non plus, y a Mme La Restriction Budgétaire qui n’est pas d’accord.

Mais comme on dit dans le métier quand t’as pas de tête, t’as des jambes. Et elle court de maison en maison, de campagnes en villes et de villes en campagnes, de chambres en chambres, d’étages en étages. Dans sa voiture ou à pied, en trottinette ou à bicyclette, l’infirmière court toujours ! Un peu comme les Dalton, toujours en fuite. Mais elle n’a volé personne, elle ? Elle en fait tellement des soins gratuits ?!

Comme on dit dans le métier "quand t’as pas de tête, t’as des jambes" !

Non, si l’infirmière malade est en fuite, c’est parce qu’elle est submergée de tout… Elle se fuit un peu elle-même. En fuite de toutes ces questions, du manque de temps face à tout ce qu’il y a à faire. En cavale face à l’absence de soutien et à toute la présence de la violence quotidienne. Et en fuite de toutes ses souffrances qu’elle cache au fond de ses sabots de plomb. Oui elle les cache… Parce que qui pourrait comprendre ce qu’elle même ne comprend pas toujours, qui l’écouterait ? Qui la croirait ? Ce qu’elle vit n’est pas palpable… Et puis quand est-ce qu’elle pourrait en parler ? L’emploi du temps change tous les jours, tout le temps… Les réunions ne sont jamais là pour écouter et les dirigeants ont des budgets à boucler. D’ailleurs, on attend d’elle qu’elle la boucle aussi, sinon… Le pire est à craindre. Alors elle sourit et elle oublie… Après tout, ce n’est pas si grave…

Et tout cas, ça finit par faire mal au derrière. Elle a le cul entre deux chaises, et finit par voir les choses un peu comme dans un miroir déformant : « s’occuper de moi au détriment des autres, de mes collègues, de mes patients ? Ça ne va pas la tête ! » Et non, ça ne va pas, ni la tête, ni le corps, ni le cœur. L’infirmière malade n’est pas au petit soin de tous, puisqu’elle a oublié son propre patient, sa propre souffrance, anesthésiée par la violence de l’entreprise inhospitalière. Alors elle a mal partout, comme ça, tout le temps… L’infirmière malade est au bout.

S’occuper de moi au détriment des autres, de mes collègues, de mes patients ? Ça ne va pas la tête !

Cette infirmière malade au milieu de tant d’autres soignants en souffrance. J’aurais voulu qu’on me dise de m’arrêter, qu’on me dise de prendre du repos au lieu de me demander de revenir sur mes repos, qu’on me dise que non, ça ne vaut pas le coup de faire des heures supplémentaires non payées, non comptabilisées ou tout juste compensées quand y a pas trop d’absents dans l’équipe… On ne vous dira rien, et les seuls remerciements que vous aurez ce ne ne sont pas les dirigeants qui vous les donneront. Vous les trouverez auprès de vos patients et en tout premier lieu en vous-même. Nous sommes de belles personnes, vraiment ! Aujourd’hui, je sais qu’il ne sert à rien de se servir de sa blouse blanche et de sa conscience professionnelle pour boucler des budgets et soigner dans l’indignité profonde et en silence…

Alors, dès aujourd’hui, prenons soin de nous ! Unissons nous ! Il y a des choses qui doivent changer… Et le silence doit être rompu. S’aimer soi-même c’est prendre soin de soi. Et prendre soin de soi, c’est prendre soin des autres !

Rayon de soleil

Ce billet a été publié sur lavoixdusoignant.wordpress.com le 8 novembre 2016 par Rayon de Soleil que nous remercions de cet échange.


Source : infirmiers.com