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GRANDS DOSSIERS

L'infirmier en équipe mobile de soins palliatifs : quelles compétences pour quelles missions ?

Publié le 15/01/2016

Delphine Doré-Pautonnier, responsable de l'information des publics et de la communication au Centre National de Ressources Soin Palliatif a rencontré pour nous Brigitte Hérisson, infirmière exerçant au sein de l'équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) de l’hôpital Emile Roux, à Limeil-Brévannes (AP-HP, Essonne). Elle nous livre son parcours et ses formations qui lui permettent aujourd'hui de mener ses missions de façon exigeante au bénéfice de la personne en fin de vie.

Bonjour Brigitte Hérisson. Nous vous remercions de cet entretien pour infirmiers.com. Vous exercez en équipe mobile de soins palliatifs. Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux soins palliatifs ? Quel a été votre parcours ?

Brigitte Hérisson est infirmière au sein de l'équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) de l’hôpital Emile Roux, à Limeil-Brévannes (AP-HP, Essonne).

Brigitte Hérisson - Diplômée en 1977, j’ai travaillé dans différents secteurs hospitaliers : au bloc opératoire, en chirurgie, toutes spécialités adulte et enfant, de nuit, en pédiatrie, néonatalogie, médecine, pneumologie, cardiologie et pour finir en gériatrie. Cette expérience, riche, a été confortée par des formations universitaires : Diplôme Universitaire (DU) douleur, DU soins palliatifs, DU gérontologie et certificat d’aptitude à la démarche clinique infirmière. En qualité d’infirmière dite « experte »1 ma carrière professionnelle a été riche et jalonnée de rencontres qui m’ont interpellées. La prise en soin nécessite en effet des compétences techniques, que nous finissons par maîtriser parfaitement, en synergie avec des compétences relationnelles. Accompagner le patient, quel que soit son état, sa pathologie, son devenir, c’est s’arrêter avec lui pour organiser un projet de soin et de vie qui lui correspondent. Le patient, en soins palliatifs, hospitalisé dans un service ayant pour objectif la mise en place de soins curatifs aura souvent un parcours de soin complexe. La démarche palliative facilite ce soin réalisé en équipe inter et pluridisciplinaire. Toujours en éveil et motivée, les formations m’ont permis d’envisager de travailler dans une équipe mobile transversale. Comment répondre aux demandes de ses pairs si nous n’avons pas un savoir supplémentaire associé à un savoir agir et transmettre avec pédagogie et humilité.

Pour Brigitte Hérisson,

Le patient, en soins palliatifs, hospitalisé dans un service ayant pour objectif la mise en place de soins curatifs aura souvent un parcours de soin complexe. La démarche palliative facilite ce soin réalisé en équipe inter et pluridisciplinaire.

Pourriez-vous décrire le rôle d’une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) ?

Brigitte Hérisson - Cette équipe transversale a pour mission de diffuser une démarche palliative aux soignants des unités. Elle répond aux demandes des professionnels et ne se substitue pas à eux. Si l’équipe mobile bénéficie d’une « expertise » dans le domaine des soins palliatifs, l’équipe référente bénéficie elle d’une expertise de la prise en charge du patient. C’est en s’associant que nous améliorons la qualité des soins donnés à la personne en fin de vie. Cette équipe intervient en premier lieu pour soutenir et aider le soignant. Une consultation de deuxième ligne est débutée avec un projet et une alliance temporaire pour répondre à une demande. L’équipe mobile doit savoir s’adapter et se retirer doucement pour laisser les soignants poursuivre leurs soins. Elle reste cependant disponible et se remet en question si les soins proposés ne sont pas effectués.

Quel est le rôle en particulier d’un infirmier au sein d’une EMSP ?

Brigitte Hérisson - Un infirmier au sein d’une EMSP n’a pas de rôle sur prescription puisqu’il ne remplace pas les soignants des services. Il en développe deux autres : autonome et en collaboration. Le rôle autonome constitue une grande richesse. Il permet de répondre aux différents besoins des équipes de soins : quel soin prescrit sera utile ? Faut-il continuer à mobiliser un patient ? L’alimentation est-elle adaptée ?

L’infirmier, en compagnonnage avec l’infirmier référent, peut aider à évaluer un patient douloureux, ou encore mieux comprendre un refus de soin. Il peut aussi soutenir le soignant en difficulté avec une famille. Le rôle en collaboration se fera tout simplement avec le soignant, quelle que soit sa fonction :

  • le cadre de santé pour aider à réorganiser une démarche de soin ;
  • le médecin pour participer au projet de soin ;
  • le psychologue, le diététicien, le kiné, le pharmacien par rapport aux traitements en cours...

L’infirmier de l’EMSP travaille en binôme ou en trinôme avec le médecin, le psychologue de l’équipe mobile. Chacun respectant ses limites pour ensemble améliorer la prise en soin bio psycho sociale et spirituelle.

Comment concrètement les professionnels de différents services peuvent-ils faire appel à une EMSP ? Pouvez-vous nous donner des exemples de collaboration entre EMSP et différents services ?

Brigitte Hérisson - Faire appel à l’équipe mobile ne va pas de soi. Cela reste pour certain une démarche difficile avec des peurs et des freins. Une plaquette réalisée par un collectif de professionnels travaillant en équipe mobile et coordonnée par la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs a été mise en place pour faciliter l’appel à l’équipe mobile : le « Pallia 10 ». Une liste de dix questions facilite la réflexion.  Tout mode de communication peut être utilisé : le téléphone, le fax, le mail, en passant par l’EMSP. Pour elle, il est en effet important de savoir se rendre visible, disponible et discret. La demande faite par un soignant à l’infirmier peut, par la suite, nécessiter des modifications de prise en charge. C’est pourquoi le médecin référent du patient apprécie d’être informé de l’appel pour mieux travailler en collaboration. Se parler représente une base pour améliorer la prise en soin. Une équipe extérieure ne sera jamais là pour juger et critiquer ce qui a été fait. Par exemple, lors d’une toilette chez un patient en fin de vie, ne communiquant plus, l’aide-soignant peut faire appel à l’EMSP pour une aide à l’évaluation et à la prise en charge de la douleur. Ce sera plutôt l’infirmier qui interviendra. Autre problématique, de plus en plus souvent, nous sommes confrontés à des refus de soins. L’équipe référente ayant tout essayé se sent démunie et peut faire appel à l’EMSP pour éclairer le patient sur son choix et, peut être, avoir des arguments différents.

L’infirmier de l’EMSP travaille en binôme ou en trinôme avec le médecin, le psychologue de l’équipe mobile. Chacun respectant ses limites pour ensemble améliorer la prise en soin bio psycho sociale et spirituelle.

Comment se passent, plus spécifiquement, la collaboration de l’EMSP gériatrique dont vous faites partie avec les différents services de l’hôpital Emile Roux ?

Brigitte Hérisson - La collaboration à Emile Roux s’est construite au fil du temps. Etre disponible et accompagner les soignants au quotidien dans leur travail auprès des personnes âgées, c’est aussi savoir reconnaître leurs difficultés et chercher avec eux la moins mauvaise solution pour soigner des patients vulnérables. Vulnérables par leur grand âge, souvent par leur comportement troublé, par la complexité des soins pour ces personnes porteuses de pathologies multiples et neuro-dégénératives. Ces patients sont trop souvent isolés, en rupture sociale, dyscommunicants ou non communicants et souvent en fin de vie. Les soignants des services sont ouverts à la collaboration et au compagnonnage. Ce travail représente une très grande richesse et reste à construire et à améliorer pour que la personne âgée, arrivée au terme de sa vie, puisse vivre réellement le mieux possible ce temps qui lui appartient.

Note

  1. From Novice to Expert : Excellence and Power in Clinical Nursing Practice, Commemorative Edition, Patricia Benner, Prentice Hall, octobre 2000

Références bibliographiques

  • Soins de confort et de bien-être relationnels, palliatifs et de fin de vie, Laurence Pitard et Elisabeth Peruzza, Elsevier Masson, 2010.
  • Intégration des savoirs et postures professionnelles infirmières, Laurence Pitard et David Naudin, Elsevier Masson, 2012.
  • La consultation infirmière, sous la direction de Chantal Neves, Brigitte Lecointre et Evelyne Malaquin Pavan, Editions Lamarre, 2014.

Propos recueillis par Delphine DORÉ-PAUTONNIER  Responsable de l'information des publics et de la communicationCentre National de Ressources Soin Palliatif (CNDR) http://www.soin-palliatif.org/


Source : infirmiers.com