La Société de réanimation de langue française (SRLF) a mis en ligne une réactualisation de ses recommandations sur la limitation et l'arrêt des traitements en réanimation adulte, à la lumière des évolutions législatives et des pratiques, donnant notamment plus de précisions quant aux modalités d'application de ces décisions.
Les premières recommandations de la SRLF sur le sujet, émises en 2002 peu après la promulgation de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, formalisaient une pratique médicale répandue. Une étude multicentrique française publiée l'année d'avant avait montré que la limitation ou l'arrêt des traitements concernait près de 10% des patients adultes admis en réanimation et était impliqué dans plus de la moitié des décès d'adultes en réanimation, rappelle la SRLF.
Depuis, la loi du 22 avril 2005 et ses décrets d'application du 6 février 2006 ont renforcé certains aspects de la loi du 4 mars 2002, et de nouveaux travaux sont venus enrichir la réflexion sur l'évolution des pratiques dans ce domaine, justifiant une actualisation des recommandations de 2002, explique la société savante.
La loi du 22 avril 2005 reconnaît ainsi désormais "l'obstination déraisonnable", autrement dit l'acharnement thérapeutique -contraire au code de déontologie médicale-, réaffirme le droit du malade de refuser le traitement proposé par le médecin et offre la possibilité au malade de faire reconnaître sa volonté s'il ne peut pas l'exprimer lui-même, impose des procédures médicales particulières en cas d'inaptitude du malade à consentir, confirme la nécessaire continuité des soins et rappelle enfin le droit aux soins palliatifs, souligne la SRLF.
La société savante insiste au préalable sur les considérations éthiques concernant l'actualisation.
Elle précise en outre que le champ de ces recommandations n'envisage que les limitations et arrêts des traitements chez des patients hospitalisés en réanimation adulte et pas les décisions prises en routine en amont de la réanimation. "Pour nombre de ces situations, la procédure préconisée en réanimation n'est pas applicable et il n'existe pas de guide d'aide à la décision. Il convient de reconnaître un réel besoin de mieux évaluer ces pratiques et, sans doute, de les améliorer", estime la SRLF.
Dans cette actualisation, la SRLF redéfinit notamment les notions de "limitation" et d'"arrêt" des traitements, précisant que dans ce dernier cas "il est essentiel que l'intention soit clairement exprimée dans l'argumentation", ce qui permet de "distinguer le 'laisser mourir' d'un malade en fin de vie du 'faire mourir', assimilé à un homicide et condamnable".
Elle précise les trois situations dans lesquelles la question de la limitation ou de l'arrêt des traitements peut être posée dans le cadre d'une réflexion quotidienne, situations qui sont "clairement à distinguer de la demande d'euthanasie ou de suicide assisté, définie par la demande explicite du patient qu'un tiers lui donne la mort ou lui facilite le suicide".
Il s'agit des cas suivants:
- "le patient en situation d'échec thérapeutique, malgré une stratégie bien conduite et une prise en charge optimale, pour lequel la décision d'une limitation ou d'un arrêt de traitement(s) a pour but de ne pas prolonger l'agonie par la poursuite de traitements de suppléance d'organe"
- "le patient dont l'évolution est très défavorable en termes de survie et/ou de qualité de vie et pour lequel la poursuite ou l'intensification de traitements de suppléance d'organe serait déraisonnable, disproportionnée au regard de l'objectif thérapeutique et de la situation réelle"
- "le patient témoignant directement ou indirectement de son refus d'introduction ou d'intensification des traitements de suppléance des défaillances d'organes, ce qui conduit à une stratégie de limitation ou d'arrêt de traitements".
Lorsque le patient est inapte à consentir, la société savante rappelle qu'"au regard de la loi du 22 avril 2005, la responsabilité de la décision de limitation ou d'arrêt des traitements et de son application incombe au médecin en charge du malade".
"La responsabilité du personnel infirmier est, par définition, également engagée lorsque celui-ci est associé à l'application de la prescription de limitation ou d'arrêt de traitements. La décision n'incombe donc pas aux proches ni à la personne de confiance ni au personnel infirmier", poursuit la SRLF.
Il y a obligation dans ce cas de respecter une procédure collégiale. En outre, l'application de la décision ne peut être déléguée, elle doit être effectuée en présence du médecin en charge du patient.
Concernant l'application de la décision, la SRLF réitère la primauté des mesures de confort et des soins palliatifs, ce qui peut justifier le maintien d'un support ventilatoire, voire de l'hydratation ou de la nutrition artificielle.
Approche multimodale
Pour la mise en oeuvre des décisions de limitation ou d'arrêt des traitements de suppléance vitale, dans les situations où le décès n'est pas prévu à court terme, elle préconise une approche multimodale, avec plusieurs médicaments, ceux administrés en intraveineux devant faire l'objet d'une titration pour s'adapter au mieux aux symptômes.
Les traitements possibles dans ces cas sont les morphiniques en intraveineux (fentanyl, sufentanil (Sufenta*, Janssen-Cilag), morphine), par administration contrôlée par le patient (PCA) ou en sous-cutané (morphine) ; les benzodiazépines comme le midazolam ; les anesthésiques intraveineux comme le propofol et la kétamine ; les anesthésiques locaux (sprays de lidocaïne) ; les antidépresseurs ; les anticonvulsivants.
Dans les cas d'arrêt des traitements de support vital et d'urgence de fin de vie, le midazolam ou le propofol associé aux morphiniques intraveineux sont privilégiés.
"Dans ces situations, la titration est inadaptée, l'objectif premier [qui] est que le patient ne souffre pas (principe de précaution) doit prédominer sur le risque que la sédation puisse être surdosée et provoquer un raccourcissement de l'agonie", souligne la SRLF.
"Ce type de sédation peut avoir comme effet secondaire une réduction de la durée de vie, notamment en raison des effets possibles sur le système respiratoire par diminution des mécanismes de protection des voies aériennes supérieures. Cet effet secondaire n'est pas l'effet recherché et constitue le risque à prendre pour soulager ou prévenir des symptômes intolérables. Il est éthiquement acceptable et ne pose pas de problème déontologique ou médico-légal", assure-t-elle.
Elle rappelle en revanche que "toute injection de produits avec intentionnalité de décès, comme l'injection de curares, de sédatifs en bolus à hautes doses chez un patient non ventilé ou l'injection de chlorure de potassium, est un acte d'euthanasie. Elle n'est jamais justifiable et est juridiquement qualifiable d'homicide volontaire (Art. 221-1 du Code pénal)".
Par ailleurs, dans les situations d'arrêt du support ventilatoire par extubation "première", la SRLF précise qu'il est indispensable de préparer l'extubation, en diminuant l'apport hydrique dans les 24 heures précédentes et en utilisant de la scopolamine en patches ou en intraveineux si cela n'a pas été prévu 24 heures plus tôt.
La scopolamine en patch ou en intraveineux est également recommandée pour diminuer l'encombrement bronchique.
Quant aux apports, il n'y a pas d'interdiction à l'arrêt ou à la réduction de l'hydratation, et la nutrition artificielle "doit être interrompue lors d'un arrêt des traitements s'inscrivant dans une fin de vie" mais "peut être poursuivie dans le cadre d'une stratégie de limitation des traitements, qui n'exclut pas la survie à l'issue du séjour en réanimation ou à l'hôpital".
"Limitation et arrêt des traitements en réanimation adulte", actualisation des recommandations de la SRLF, 24 pages
Paris, 21 octobre 2009 (APM)
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