Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

L'hôpital d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) porte plainte contre un reportage mettant en cause un de ses services de psychiatrie

Publié le 18/05/2010

L'hôpital Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a porté plainte contre France Télévisions et Capa pour un reportage filmé en caméra cachée mettant en cause le fonctionnement d'un service de psychiatrie de l'établissement, a-t-on appris auprès de son directeur.

Le reportage de 50 minutes, suivi d'un débat d'une heure, sera diffusé mardi soir sur France 2 dans le cadre de l'émission "Les infiltrés", présentée par David Pujadas, sous le titre "Hôpital psychiatrique : les abandonnés". L'émission, qu'APM a pu visionner, a été enregistrée le 24 avril.

Un conseil d'administration extraordinaire a lieu lundi matin et le directeur, Jean-Michel Toulouse, tient une conférence de presse lundi en début d'après-midi pour "rétablir l'exactitude des faits".

Le reportage a été réalisé en novembre 2009, en partie en caméra cachée, par un journaliste se faisant passer pour un étudiant aide soignant et qui a obtenu un stage de trois semaines dans le service de psychiatrie C de l'hôpital. Une autre partie du reportage est réalisée par une autre équipe de journalistes de Capa, qui avait obtenu l'autorisation de filmer par la direction de l'établissement et s'est entretenu avec le directeur et deux chefs de service.

Le reportage met en cause le service de psychiatrie C pour des "pratiques de contention abusive" et de mises en isolement abusives, effectuées sans avis médical, de "surcharge médicamenteuse" et critique l'absence d'activités thérapeutiques pour les patients, qui "s'ennuient".

A plusieurs reprises, le manque de personnel dans le service est la raison avancée pour expliquer des manques: impossibilité d'accompagner un patient à la cafétéria, chez le coiffeur, consultation médicale de "quatre minutes", absence d'écoute des demandes des patients, médicaments distribués sans sécurité par un élève infirmier non habilité.

Le cas d'une patiente hospitalisée, atteinte d'une péritonite, qui est transférée aux urgences une nuit, est évoqué pour dénoncer un manque d'attention aux problèmes somatiques des patients car elle se plaignait de mal au ventre depuis plusieurs jours.

La partie du reportage en caméra visible place le chef du service concerné, le Dr Fabrice Pécot, et les personnels infirmiers en contradiction par rapport aux pratiques filmées sur la contention, l'isolement, les activités thérapeutiques et le suivi médical des patients.

Le journaliste estime que l'équipe médicale est "dépassée" et évoque "un système délirant", mêlant médicaments et recherche de "productivité". "A peine stabilisés, les patients sortent puis cessent pour la plupart de prendre leur traitement. C'est la rechute, le retour à l'hôpital. Et là, la machine se remet en route avec de nouveaux traitements, encore plus radicaux", conclut le journaliste en voix off.

Le reportage évoque aussi un meurtre commis par un patient sur une patiente, intervenu en février 2008, dans un autre service de psychiatrie de l'hôpital, pour conclure que les responsables du service n'avaient pas pris de précaution suffisante compte tenu de l'état du patient.

"Réquisitoire à charge"

Interrogé par APM, Jean-Michel Toulouse estime que les journalistes ont mené "un réquisitoire à charge" contre le service, qui, à l'époque du tournage, était "en reconstruction" après le changement du chef de service en octobre 2008, intervenu à l'initiative de la direction.

Le directeur s'élève contre les conditions dans lesquelles il a pris connaissance du film, qui ne lui ont pas permis de rétablir la vérité lors du débat.

"J'ai découvert lors de l'enregistrement, sur le plateau, que le film avait été tourné en caméra cachée dans un service. Or, j'avais été contacté par le journaliste qui était venu filmer sur l'affaire du meurtre pour un débat général sur la psychiatrie, les patients en sortie d'essai et le projet de loi sur les hospitalisations sous contrainte. Je n'étais au courant de rien. Mais j'ai répondu à chaud aux questions", a-t-il déclaré à APM.

Ont notamment participé au débat le Dr Daniel Zagury (Etablissement public de santé mentale de Ville-Evrard, Seine-Saint-Denis), la présidente de la Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie (Fnapsy), Claude Finkelstein, le Dr Jean-Luc Senninger, chef de l'unité pour malades difficiles (UMD) du CHS de Sarreguemines (Moselle), le député UMP Bernard Debré (Paris) et Marcel Rodriguez, le gardien d'une résidence de Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes) grièvement blessé par un homme qui a tué un autre résident en janvier.

Le débat aborde l'état général des services de psychiatrie, les mesures à prendre pour éviter que des patients en crise commettent des actes criminels et la création de nouvelles UMD.

Tentative d'obtenir un droit de réponse

Après l'enregistrement, Jean-Michel Toulouse a intenté une action judiciaire en référé pour obtenir une copie du reportage, des modifications de séquences et un droit de réponse le jour de diffusion de l'émission.

L'hôpital a été débouté le 6 mai notamment au nom de la liberté d'expression, du fait de l'absence de "dommages irréversibles" et parce que la direction a eu l'occasion de se défendre lors du débat, a indiqué Jean-Michel Toulouse.

Estimant les arguments infondés, Jean-Michel Toulouse a décidé de porter plainte. "Le film porte atteinte à la réputation du service et de l'établissement", estime-t-il.

Le Dr Pécot, qui n'a pas vu le film, indique que le personnel est "dans l'attente du film et de ses conséquences", a-t-il déclaré à l'APM.

Jean-Michel Toulouse a relevé une dizaine de séquences donnant des impressions erronées. Sur les contentions, le directeur indique que le patient incriminé est visé par une fiche de sécurité qui autorise sa contention en urgence en cas d'état agressif.

Il souligne d'ailleurs que le film focalise l'attention sur trois patients, dont deux sont des cas difficiles de psychose infantile hospitalisés l'un depuis 36 ans, l'autre depuis 22 ans. Ces patients "ne reflètent en aucun cas l'ensemble de l'activité du service qui accueille 27 patients".

Sur le cas de la patiente hospitalisée en urgence, le Dr Pécot estime qu'il n'y a eu aucun retard dans la prise en charge, et soutient que la patiente a été vue par un médecin à quatre reprises dans la journée, avant son transfert au service d'accueil des urgences (SAU) en raison de l'aggravation de son état. Ce transfert a permis d'identifier la pathologie et de la prendre en charge.

Le suivi somatique des patients a été fortement amélioré par la nomination, en janvier, à la demande du Dr Pécot, d'un médecin somaticien à temps plein pour les trois services adultes de psychiatrie, ajoute-t-il.

Le directeur dément le commentaire en voix off sur une absence de prise en charge somatique d'une patiente qui s'est automutilée. De même, la consultation de quatre minutes était un entretien pour "un réajustement thérapeutique" et pas une consultation.

Jean-Michel Toulouse souligne que les journalistes ont filmé un service en cours de réorganisation, qui a "beaucoup évolué entre novembre 2009 et mai 2010". Il indique que huit activités sont désormais organisées et que les patients du service vont régulièrement à l'hôpital de jour voisin.

Le Dr Pécot souligne de son côté que le service était sans direction médicale depuis plusieurs mois quand il a pris la chefferie et qu'il a renouvelé et renforcé l'équipe médicale, l'équipe infirmière, les psychologues et les assistantes sociales.

La distribution des médicaments est particulièrement sécurisée dans l'établissement avec une armoire à pharmacie avec ouverture sur empreintes biométriques des infirmières, indique par ailleurs le directeur. La distribution par un élève infirmier de troisième année est autorisée.

Jean-Michel Toulouse souligne par ailleurs que les services de psychiatrie de l'établissement a reçu début avril la visite d'une équipe du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et que le rapport qu'il reçu ne relève "aucun dysfonctionnement grave". La seule demande de changement porte sur l'emplacement d'un téléphone destiné aux patients qui ne garantit pas la confidentialité des conversations.

 


Source : infirmiers.com