L’expérience patient… si la terminologie paraît d’emblée évidente, il est nécessaire néanmoins d’en rappeler le sens précis. On peut définir l’expérience patient (EP) comme l’ensemble des interactions et des situations vécues par une personne ou son entourage au cours de son parcours de santé. Ces interactions sont façonnées à la fois par l’organisation de ce parcours mais aussi par l’histoire de vie de la personne concernée. Il s’agit donc, comme le rappelle l’Institut français de l’Expérience Patient (1), d’une prise en compte globale, au-delà de l’acte médical, du vécu et du ressenti des personnes lorsqu’elles sont confrontées à un problème de santé.
En effet, l’expérience d’une hospitalisation, propre à chaque personne malade, est souvent stressante, parfois traumatisante. C’est au moment même où le patient est en situation de vulnérabilité qu’il a le plus besoin que les conditions de qualité et de confort soient pleinement assurées. Le patient doit pouvoir compter non seulement sur une prise en charge médicale optimale du point de vue de la qualité et de la sécurité mais aussi sur une prise en compte attentive de ses besoins tout au long de son parcours.
Le patient au centre de la réflexion : il est grand temps
Une autre perspective : celle du patient ! Par la considération apportée à la perspective du patient, les professionnels peuvent saisir une réelle opportunité de faire évoluer leurs propres pratiques. L’expérience patient ne se limite pas à la relation entre le patient et l’équipe médicale mais concerne aussi les interactions en amont d’une consultation ou d’une hospitalisation tout comme l’organisation du retour au domicile. L’expérience patient invite à considérer le patient non pas seulement par rapport à la pathologie dont il souffre mais comme une personne à part entière avec sa personnalité, ses préoccupations, ses attentes.
Dans le questionnaire, le terme "expérience patient" est utilisé pour désigner les interactions et le vécu/ressenti des personnes lorsqu’elles sont confrontées à un problème de santé.
Un constat encourageant amis une réalité nuancée…
Le 23 janvier dernier, au ministère des Solidarités et de la Santé, à Paris, l’Institut français de l’expérience patient présentait les résultats de son Baromètre annuel en présence de la ministre Agnès Buzyn, mais aussi de nombreuses personnalités du monde de la santé (2) ; des résultats riches d’enseignements grâce notamment à la combinaison inédite de 2 enquêtes (3) réalisées par l’Institut BVA auprès de plus de 1400 professionnels d’une part et d’un échantillon représentatif de 2400 citoyens d’autre part. Le Baromètre s’est intéressé à plusieurs items et parmi eux : les patients se sentent-ils écoutés ? Les professionnels mettent-ils suffisamment à profit l’expérience des usagers ? Quels sont les freins rencontrés par les équipes ? Quels sont les secrets de ceux qui réussissent ?
Première constatation : plus de la moitié des professionnels de santé déclare avoir déjà entendu l’expression expérience patient
. Un résultat supérieur de 43 points par rapport à celui des Français. Du côté des établissements de santé, le Baromètre relève une maturité inégale en matière d’appropriation d’expérience patient. Seuls 40 % d’entre eux ont vraiment commencé à travailler sur ce sujet et parmi eux, 50% ont désigné un référent de l’EP. En pratique, il ressort que si des actions sont menées en la matière, elles se limitent souvent à une annonce officielle et au simple recueil de l’EP. Cependant, les professionnels expriment très largement l’idée que la direction de leur établissement semble aujourd’hui prête à s’engager dans une stratégie d’amélioration de l’expérience patient (85 % en établissements publics/, 86 % en médico-social) bien que les priorités stratégiques s’intéressent davantage à la politique de recrutement et de fidélisation des équipes plutôt qu’au développement de l’EP.
Du côté des patients, 91% des personnes ayant consulté un professionnel de santé en ville déclarent avoir eu une bonne expérience lors de leur dernière consultation (vs 87% des personnes hospitalisés). Cette différence entre la ville et l’hôpital est encore plus nette sur les réponses très bonne expérience
: 7pts de plus pour les personnes ayant consulté un professionnel de santé en ville.
Les patients se sentent insuffisamment parties prenantes
partenaireou
experte,
recueillir l’expérience patient c’est bien, mais cela ne suffit pas. Il faut réfléchir à des modèles pour pouvoir la recueillir et savoir quoi en faire. Que faire face à l’expérience patient négative ? Comment déconstruire ? Comme construire avec le patient ou l’usager ? De plus, on constate un grand décalage entre le ressenti du professionnel de santé sur l’expérience patient qu’il estime recueillir et le ressenti patient qui reste mitigé. Est-ce recueilli au bon moment ? Est-ce que les professionnels de santé sont en capacité d’accueillir dans un contexte de plus en plus tendu ? Il faut penser aussi à l’échange d’expériences communes hors les murs. Et enfin, l’expérience patient qui a une dimension collective multi-directionelle de partages d'expériences ne se présume pas. Elle s’organise et se prépare. Au final, il nous faut réellement évoluer vers une relation "d’équipiers", travailler tous ensemble en intégrant le patient dans la production des soins. Pour ce faire, la montée en puissance des patients experts et des associations de patients s’avère indispensable. De même, il faut former les professionnels de santé à la démarche d’ET. Humaniser les pratiques n’est pas un vain mot. Trop de patients, notamment dans des parcours de soins complexes et longs, se sentent encore trop souvent mal pris en charge.
Une faible prise en compte du vécu des patients liée au manque de ressources humaines et aux autres priorités des établissements.
Les professionnels de santé placent spontanément l’organisation du parcours de santé au même niveau d’importance que les relations soignants/soignés. Cependant, écouter, recueillir oui, mais… alors qu’ils ne doutent pas de leurs compétences techniques, les professionnels de santé reconnaissent que leur capacité d’écoute et surtout leur disponibilité sont aujourd’hui moins évidentes au sein des établissements.
Pour les professionnels de santé, si la prise en charge des patients est jugée de qualité, une gestion en amont de cette dernière, que ce soit en termes de délais et de rapidité, reste à optimiser. De plus, la formation des équipes soignantes en matière d’expérience patient est perçue comme un frein. En effet, la mise en place de l’EP nécessite du temps et des ressources financières pas toujours disponibles au sein des établissements.
Autre enseignement plutôt positif, les établissements médico-sociaux valorisent mieux le vécu des résidents et des familles. Cependant, d’autres établissements concentrent leurs efforts sur d’autres priorités que le développement de l’expérience patient. L’une des raisons demeure dans un manque de ressources humaines qui complexifie la mise en place d’actions d’écoute en faveur de l’expérience patient. En matière de perspectives, plus de la moitié des professionnels de santé interrogés se déclarent tout à fait prêts à contribuer aux projets d’amélioration de l’EP au sein de leur établissement car ils en perçoivent les bénéfices. C’est déjà une bonne chose, mais il faut vraiment la travailler.
"La relation entre le patient et le soignant a longtemps été celle de l’ignorant face au sachant."
43 % des Français, 46 % des patients et 61 % des aidants se sont déjà sentis insuffisamment écoutés par le médecin
selon une autre enquête FNIM/BVA dont les résultats ont été dévoilés en décembre dernier lors d’un colloque dédié. Comment rendre la relation patient-soignant plus efficace ?
Vaste sujet en effet. Pour amorcer la réflexion, Gérard Raymond, président de France Assos Santé, rappellait que cette relation
a évolué au fil des décennies : on a commencé à parler d’éducation thérapeutique
dans les années 1990, puis d’accompagnement
dans les années 2000, de parcours de soins
dans les années 2010 et, aujourd’hui, on parle d’expérience patient
. Dans cette expérience
, Gérard Raymond part du principe que le gros du travail doit être fait par le soignant, qui a choisi son métier, alors que le patient, lui, n’a pas choisi d’être patient
. Derrière le mot travail
, le président de France Assos Santé met les mots humanisme
et bienveillance
, sans oublier la notion de temps
. Une relation de confiance s’impose donc entre soigné et soignant, et celle-ci ne se décrète pas, elle se gagne
.
• Au chevet de la relation patient/soignant
, 10 décembre 2019, résultats d’une enquête FNIM-BVA.
Notes
- L’institut de l’expérience patient est une organisation à but non-lucratif dont la mission est de promouvoir le concept d’expérience patient en France afin d’en faire un levier d’évolution de la prise en charge de la population au sein du système de santé : créer et diffuser les connaissances et les savoirs relatifs à l’expérience patient ; développer les méthodes et outils pour agir efficacement ; accompagner et valoriser les initiatives ; développer et renforcer les compétences des professionnels.
- Un questionnaire administré entre le 16 septembre et le 4 octobre 2019. 2401 Français âgés de 18 ans et plus (échantillon principal de 2000 Français âgés de 18 ans + en complément un sur-échantillon de 400 personnes en ALD). Un questionnaire administré entre le 3 octobre et le 12 novembre 2019. (Echantillon constitué à partir des contacts de l’Institut français de l’expérience patient et de ses relais (1405 professionnels de santé travaillant dans des établissements de santé et des établissements médico-sociaux).
- Dirigeants de fédérations hospitalières, doyens d’université de médecine, représentants des institutions, directeurs d’établissements, représentants des associations de patients...
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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