Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

Lettre à un(e) ami(e) – Chère Séverine...

Publié le 18/07/2013
couloir hôpital soignants

couloir hôpital soignants

Nous vous avons sollicité à l’occasion de la Journée internationale de l’infirmière, le 12 mai, et vous nous avez répondu ... Vos plumes se sont envolées... Votre imagination s’est déliée... Vos états d’âme se sont exprimés... Entre beaux et bons mots ou tristes maux, vos contributions toucheront ceux qui les recevront... Merci !

 

Entre le 10 et le 12 mai, nous avons publié les trois lettres qui nous ont le plus enthousiasmés à la rédaction. L'ensemble des lettres est désormais disponible sur un espace dédié . Voici l'une d'entre elles. Merci à tous pour vos contributions.

Lettre à un(e) ami(e) qui voudrait devenir infirmier(e)...

Malgré les contraintes, je reste infirmière...

12 mai 2013 : journée internationale de l’infirmière

Chère Séverine,

Toi qui veux devenir infirmière, laisse moi te raconter la réalité du métier... Certes, je n'ai que trois ans et demi d'expérience mais j'ai très vite cerné le métier d'infirmière (enfin je pense...)

Tu es quelqu'un de matinal ? Tant mieux car ton réveil sonnera à cinq heures du matin quand tu auras poste de matin.

Tu aimes dormir longtemps le matin ? Tant mieux car tu commenceras tes postes d’après-midi à 13h45 donc tu pourras dormir toute la matinée si tu en as envie.

Tu es de « la nuit » ? Tant mieux car quand tu auras poste de nuit, tu devras tenir éveillée et être opérationnelle de 21h30 à 6h30 du matin.

Tu veux chambouler tout ton organisme ? Alors tu as choisi le bon métier car tu vas tourner sur ces trois postes, sans aucun rythme, aucune logique, aucune continuité. Tu vas finir (comme moi) par avoir faim à 3h du matin chez toi parce que la veille tu auras eu poste de nuit et que ton corps croit que tu as encore poste de nuit... Avec ces horaires, essaie d'avoir une vie comme tes amis, d'organiser des soirées etc... plutôt difficile pour ma part...

Après tous ces points pas très réjouissant, je vais te parler des autres points...

Tu es tactile ? Tu n'a pas peur du contact physique avec l'Autre ? Tant mieux parce que si tu n'es pas à l'aise avec ça... je ne sais pas comment tu vas pouvoir devenir infirmière. Bien évidemment, ça s'apprend, ne t'inquiète pas. Le sens du toucher est quelque chose de primordial dans les soins. En « touchant » l'autre tu peux : le rassurer et le réconforter (caresses, main sur le front, main dans la main, main sur l'épaule), effectuer tes soins (toilette, prise de sang, pansements, perfusions...), diagnostiquer des symptômes importants (fièvres, sueurs, froideur,...). Malheureusement le toucher sert aussi à contenir physiquement un patient violent, dément, dangereux envers lui ou les autres...

Tu aimes parler ? Tant mieux, il faut avoir la « tchatche ». La parole sert également à rassurer, accompagner, faire un soin, distraire, expliquer. Parle même avec les gens qui ne peuvent te répondre, pars du principe qu'ils t'entendent (c'est très souvent le cas d'ailleurs). Au début, j'avais du mal mais au fur et à mesure j'ai appris à parler même avec des gens dans le coma ou qui ne peuvent plus parler pour diverses raisons. Je me rappelle d'une formatrice à l’institut de formation qui nous disait : « si vous ne savez pas quoi dire, dites simplement ce que vous faites ou aller lui faire » . Alors effectivement j'explique : « bonjour, je vais vous faire une prise de sang... je prends le bras et je mets le garrot... ». Pour moi, il est impossible d'entrer dans une chambre et d'effectuer un soin sans parler avec le patient. Alors souvent je parle « seule » mais c'est pas grave, ça ne me dérange pas (ou plus).

Que serait la parole sans l'écoute ? Qualité si importante dans ce métier. Les gens qui parlent beaucoup, c'est simple de les écouter. Effectivement. Mais ceux qui ne parlent pas beaucoup ou qui ne parlent plus ? Ne t'inquiète pas, tu apprendras à les écouter d'une autre manière avec l'expérience et les techniques d'écoute qu'on t'apprendra à l’institut de formation. Le non-verbal est également une sorte de langage : grimaces, mimiques, gestes... Mais tout ça, je te l'expliquerai un autre jour parce qu'il y a de quoi dire, crois moi.

Je me rends compte en relisant cette lettre que sans faire attention, je viens de parler de trois des cinq sens de l'être humain... alors je continue...

L'odorat. Oh oui, l'odorat. Très important aussi pour diagnostiquer certains signes cliniques. J'espère que tu n'es pas trop sensible (tu vas vite t'y faire de toute façon). Il y a toute sorte d'odeurs à l'hôpital : bonnes et mauvaises. Chaque patient a « son odeur ». Les produits qu'on utilise lors des soins ont une odeur différente et bien particulière : forte, mauvaise, bonne, âpre, piquante... et puis c'est bien connu : l’hôpital a une « odeur ». Combien de fois on m'a dit : « oulala, tu sens l’hôpital » (je n'ai toujours pas compris si c'était une bonne ou une mauvaise odeur). Je te passe les détails de l'odorat car tu auras tout le temps de le découvrir une fois en stage.

Le dernier des cinq sens est la vue. Très important de voir le patient, l'observer, être attentif aux moindres signes : pâleur, rougeur... Détecter une plaie qui apparaît ou qui n'évolue pas bien ou au contraire, qui évolue bien. Voir que le patient a mal, que le patient ne va pas bien. Pour les patients qui ne parlent pas, le regard peut parler à leur place. Un regard signifie beaucoup. Tu peux déceler beaucoup de choses en échangeant un regard avec quelqu’un : tristesse, bonheur, douleur, soulagement, angoisse... Tu peux échanger beaucoup de tendresse avec un patient. Tu peux communiquer avec un regard, si si je t'assure. Je me rappelle d'un patient, pendant mon poste de nuit, qui n'allait pas bien du tout. Après avoir fait tout ce qu'il fallait niveau soins et médicaments, je suis passée plusieurs fois dans sa chambre. Il ne parlait pas, me regardait fixement, moi de même. Je souriais. J'essayais de faire dire à mon regard : « je vous comprends, je suis avec vous, courage » (oui c'est bête dit comme ça). J'ai dû y arriver (je pense) car il m'a regardé encore quelques secondes puis s'est endormi paisiblement jusqu'au lendemain matin.

Je rebondis sur ça en parlant d'une autre faculté qu'il faut avoir : la connaissance de la personne que tu soignes. En effet, ce patient là, le lendemain, aurait dû partir en maison de retraite (jusqu'à son hospitalisation chez nous, il vivait encore chez lui, mais là, le retour à domicile aurait été impossible alors ses enfants ont décidé de le placer). Il était chez nous depuis longtemps et la veille de son départ il a eu un gros souci de santé (durant mon poste de nuit donc). Coïncidence ? Moi je ne pense pas... Mes collègues m'ont dit que les jours précédent, ils avaient parlé avec sa famille, et ils avaient dit que ce monsieur était veuf depuis plusieurs années et qu'il avait malgré tout continué à vouloir se débrouiller seul à la maison : bricolage, repas... il n'a jamais voulu d'aide. Sa maison, c'était tout pour lui... il ne voulait pas la quitter... il voulait mourir dans sa maison. J'ai très vite fait le lien de tout... C'est là que je me suis dit : l'être humain est et restera un mystère... Le doute reste encore aujourd'hui : coïncidence ou pas, je ne le saurai jamais.

Tu te poses des questions sur le corps humain et l'être humain... La connaissance de la personne que tu soignes est aussi importante car tu peux vite voir si elle est mieux que d'habitude, moins bien etc... sinon pour ça, les familles peuvent beaucoup t'aiguiller car elles, elles savent, elles connaissent la personne mieux que toi.

Tu devras aussi être capable de gérer un décès, la famille lors d'un décès... C'était difficile pour moi, tant pour gérer la famille que le corps de la personne décédée. Tes collègues seront là pour t'aider. En tout cas pour moi, elles m'ont été d'une grande aide, car même une fois le diplôme d'infirmière en poche, c'est pas pour autant que tu sais tout gérer, loin de là... Demande des conseils à toutes tes collègues, anciennes, nouvelles, aide-soignant, infirmière... Moi, elles m'ont chacune donné de précieux conseils.

Voilà pourquoi malgré les contraintes horaires que je t'ai énumérées au début de ma lettre, je reste infirmière. Toutes ces contraintes sont oubliées lorsque j'enfile ma blouse et que je me retrouve face aux patients. Ils m'apportent tellement de choses, tu ne te rends même pas compte. En trois ans, j'ai appris un tas de choses sur l'être humain, les pathologies, les soins techniques... waouh !

J'aime être là pour rassurer les gens, leur parler, les écouter, les comprendre. J'aime tout ça et je ne pourrais pas expliquer pourquoi.

J'essaie d'être respectueuse, douce, adroite (pour les soins), compréhensive. J'essaie de me mettre à leur place tout en restant à la mienne. J'essaie d'être là sans être envahissante. J'essaie de les assister dans les soins quotidiens sans faire à leurs place, etc... Toujours rester dans ce juste milieu.

En débutant dans ce métier en tant qu'étudiante infirmière, du haut de mes 18 ans, j'ai pu voir ce qu'est vraiment la vie. J'ai dû faire face à la réalité : le corps humain, la douleur, la déchéance, la mort... c'étaient des choses très difficiles pour moi... j'ai souvent pleuré seule dans mon coin, souvent je me suis dit « mais comment je vais réussir à gérer tout ça ? », puis on arrive à passer à autre chose avec les bons moments : le sourire d'une personne âgée, un remerciement, un rire... Je dis souvent : à chaque chambre son patient. Pourquoi ? Parce que tu passes d'une chambre à l'autre et dans les trente chambres, tu peux vivre trente émotions différentes : rires, pleurs, douleurs, bonheur, mort, vie...

Les bons moments me font recharger mes batteries, me font reprendre un nouveau souffle, atténuent toutes mes peines et mes douleurs... me font prendre conscience qu'infirmière est le métier que je veux continuer à faire plus que tout au monde. Chaque jour a son lot de surprises dans ce métier : émotions, adrénaline...


S'occuper des gens, les soigner, les rassurer, les aider... je ne me vois absolument pas faire autre chose, j'aime tellement ça...

Je t'embrasse fort,

Audréna

 Elevez la voix, prenez de la hauteur, faites-vous connaître - et reconnaître - partagez et profitez de cette journée internationale des infirmières du 12 mai 2013 qui vous est dédiée pour exister plus encore.

Bernadette FABREGAS Rédactrice en chef Infirmiers.com bernadette.fabregas@infirmiers.com


Source : infirmiers.com