Le modèle hospitalier privé à but non lucratif associe service public, gestion rigoureuse et qualité. La réforme de la FEHAP risque de le fragiliser.
Depuis quelques années, les autorités de santé ont mis en œuvre une politique de convergence pour le financement du système hospitalier. Les différences de rémunération entre les secteurs public et privé sont en effet importantes et les tutelles cherchent la bonne formule afin de réduire les écarts.
Parmi les dispositions récentes, on peut citer les GHS (Groupes Homogènes de Séjour), pour uniformiser les coûts d’hospitalisation, ou la T2A (Tarification à l’Activité), destinée à instaurer des notions de productivité à l’hôpital.
Un système efficient alliant conditions de travail favorables et productivité
La plupart des établissements hospitaliers privés à but non lucratif (PNL), majoritairement affiliés à la FEHAP (Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne) ont depuis longtemps intégré ces contraintes : leur caractère privé les oblige à réaliser leur équilibre budgétaire chaque année. Le plus souvent, celui-ci est porté par une forte activité chirurgicale et un plateau technique très développé. Il est aussi favorisé par une GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences) très précise qui tend à tirer parti au maximum des personnels hospitaliers. Ceci peut d’ailleurs entrainer des phénomènes ponctuels de « surchauffe » chez certains soignants sur des postes de travail particuliers.
Mais ce sont aussi des structures à but non lucratif. A ce titre, les bénéfices éventuels qu’elles réalisent sont en grande partie réinvestis pour l’amélioration de l’outil de travail. On y trouve ainsi des matériels très modernes favorisant les techniques soignantes de pointe. Les personnels trouvent un intérêt certain à évoluer dans un tel contexte, notamment en participant à des programmes de recherche clinique.
Ce modèle a d’autres atouts pour les salariés. Dans la convention collective CCN 51 appliquée par la FEHAP, les salaires, quoiqu’indexés sur les grilles du secteur public, sont agrémentés de primes. La plus attrayante est la prime décentralisée, généralement versée pour récompenser l’assiduité et équivalente à un mois de salaire. La CCN 51 recèle également quelques avantages en rapport, par exemple, avec la reprise de l’ancienneté ou les conditions de départ en retraite.
L’ensemble de ces dispositifs et des conditions de travail en général satisfaisantes en font un modèle attractif et motivant pour les soignants, facilitant ainsi le management pour les cadres. Un salarié motivé étant le plus souvent un salarié productif, les taux d’utilisation des matériels ou des blocs opératoires sont significatifs. Dès lors, la pérennité de tels hôpitaux semble assurée.
Une réforme nécessaire mais redoutée des personnels
Le modèle PNL français n’est pas un cas isolé. Il est très développé en Allemagne et en Belgique, et majoritaire aux Etats-Unis (60%) et aux Pays-Bas (86%). Partout, il allie le service public à une gestion privée. La récente loi HPST (Hôpital, Patient, Santé et Territoire) sollicite les établissements privés français pour qu’ils évoluent en ESPIC (Etablissement de Santé Privé d’Intérêt Collectif) et participent au service public. Ces nouvelles dispositions contraignent les hôpitaux concernés à quelques réorganisations. Dans un contexte économique tendu, les coûts ainsi engendrés rendent les décideurs fébriles.
C’est ainsi que la FEHAP a décrété, en 2010, une réforme de la convention collective pour, dit-elle, donner plus de marge financière aux établissements de soins en faveur des salariés. En fait, elle a annoncé une série de mesures visant à réduire leurs avantages. Le réforme vise à toucher, par exemple, les récupérations de jours fériés ou les majorations pour la rémunération des heures supplémentaires de nuits et fériés. La fameuse prime décentralisée sera aussi révisée, puisqu’elle sera versée au bon vouloir de chaque établissement. Elle se transformera, de plus, en une prime au mérite qui, selon les syndicats, sera distribuée « à la tête du client » !
Il n’en fallait pas plus pour voir réagir ces mêmes syndicats, qui ont initié une grève au mois d’octobre dernier. Dès lors, plusieurs réunions de négociations se sont déroulées, sans véritable évolution du texte par rapport aux dispositions initiales. Aussi, un certain malaise s’est installé chez les personnels et la confiance se dilue. L’attente risque d’être longue, d’ici au 30 mars 2011, date de la prochaine assemblée générale de la FEHAP, où la CCN51 « new look » devrait être votée. D’autres actions syndicales sont d’ailleurs à prévoir avant cette date butoir.
Le modèle privé à but non lucratif a fait ses preuves. Il est un de ceux qui peut le mieux concilier un service public efficace avec des coûts d’exploitation maitrisés des établissements sanitaires, voire pour certains le meilleur (c’est, par exemple, l’avis de la Fondation Montaigne). Un système où les personnels soignants, bien que très sollicités, puisent de la motivation dans des conditions de travail adaptées à l’accomplissement de leurs tâches. Mais il ne faudrait pas que la FEHAP casse un bel outil à trop vouloir réduire les atouts qui en font l’originalité.
Bruno BENQUE
Rédacteur Infirmiers.com
bruno.benque@gmail.com
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