L’importance croissante des maladies chroniques fait de l’éducation thérapeutique des patients (ETP) un enjeu majeur. Inscrite pour la première fois dans une loi (HPST), elle a jusqu’ici était expérimentée par des acteurs multiples et variés, surtout hospitaliers. Dans le but de comprendre quels sont les meilleurs moyens pour la développer de manière « rapide et pérenne », le Premier ministre a demandé un rapport au député Denis Jacquat.
Une approche régionale par territoires de santé
Le rapport insiste sur la définition d’une politique nationale avec adaptations régionales, pilotées par les ARS (Agences régionales de santé), qui devraient obtenir « l’entière maîtrise des financements publics de l’ETP », ce qui est conforme à l’esprit de la nouvelle loi HPST. Les professionnels et les structures seraient rémunérés au forfait, par des fonds fournis par l’assurance maladie et non par des financements prévus pour la prévention, afin de ne pas léser celle-ci. Plus loin, le rapport soutient « l’approche par territoires de santé, voire de territoires de premier recours » (dont on sait qu’ils restent à préciser…).
Il préconise la création d’un centre régional de ressources, aussi bien pour les patients que pour les professionnels, ce qui est une idée proche de ce que la SFSP avance pour la promotion de la santé.
Partir de l’existant
Il privilégie l’existant comme point de départ, ce qui signifie en pratique la pérennisation des financements des projets en cours, et leur sécurisation, point crucial de toutes les expérimentations en santé publique actuelles. Cette préconisation est conforme aux souhaits de la SFSP, qui s’inquiétait de l’éventuelle mise en priorité de certaines pathologies chroniques décrétées « par le haut », au détriment de l’expérience acquise, et qui insistait sur la nécessité de laisser du temps aux acteurs. Cependant, le rapport souligne, légitimement, la nécessité de cette priorisation.
Une « infirmière-pivot » à l’hôpital.
Il insiste sur la formation des professionnels de santé, aussi bien initiale (qui n’existe que pour les infirmières) que continue, en suivant les recommandations de l’OMS. A l’hôpital, il propose entre autres de suivre le modèle canadien pour « les malades souffrant de pathologies cancéreuses » avec la création d’un poste « d’infirmière-pivot ».
En ambulatoire, maisons et pôles de santé comme référents.
Toujours dans l’esprit de la loi HPST, le rapport donne un rôle central au médecin traitant « dans l’orientation des patients vers un programme d’ETP » et, suivant une tendance majeure de la politique de santé actuelle, « positionne les maisons et pôles pluridisciplinaires de santé comme des structures et lieux de référence de l’ETP. » En somme, il lie le développement de l’ETP à celui de ces organisations. Il est bien possible que ce soit là son talon d’Achille en ce qui concerne l’ambulatoire, même si plusieurs propositions intéressantes visent à « améliorer la coordination ville-hôpital ».
De même, on ne peut que souscrire à la recommandation d’associer les représentants des patients à la création et l’animation des programmes, qui ne peut cependant être réaliste qu’à la conditon qu’ils soient plus nombreux et mieux accompagnés.
Les sous de l’industrie
Reste ce qui fera grincer : le rôle de l’industrie pharmaceutique. On sait que la loi HPST a écarté la possibilité pour celle-ci de participer à l’élaboration et à la promotion directe auprès des patients des programmes qu’elle finance. Mais la loi n’exclut pas son soutien monétaire. Le rapport se prononce pour que les industriels puissent prodiguer celui-ci « sur la base du libre choix (des projets) et du volontariat ». Il va ainsi à l’encontre d’une proposition de création d’un fond réservé à l’ETP, recevant des financements sans distinction d’origine et ne permettant pas aux acteurs privés de décider des attributions de l’argent qu’ils apportent.
Motif : « gestion administrative lourde », « pas attractif pour l’industrie ». L’abondement de ce fond par une taxe sur les médicaments (préconisée entre autres par le CISS – regroupement de plusieurs associations de patients) est également écarté : « contraire aux engagements du président de la République », selon les représentants de cette industrie. Le problème est compliqué : un industriel peut aussi bien soutenir des projets passionnants qui n’existeraient pas sans lui, comme beaucoup l’ont déjà fait, que faire du marketing indirect en privilégiant certaines structures au détriment d’autres, comme beaucoup l’ont déjà fait aussi.
Intention et réalisation.
Pour conclure, le projet de loi qui devrait suivre montrera ce qui est retenu par les autorités de santé. Mais le rapport montre une nouvelle fois qu’il est difficile d’innover sur un aspect du système de santé sans s’attaquer à de nombreux autres, même avec les meilleures intentions du monde.
Références
Serge CANNASSE
Rédacteur en chef Izeos
serge.cannasse@wanadoo.fr
IDEL
Vidéo - "Avec un enfant, il faut savoir être enveloppant"
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse