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HUMOUR

Les mécanismes de défense expliqués à Tante Yvonne !

Publié le 05/02/2013
défense Jeux de neige personne agée

défense Jeux de neige personne agée

Conscient de l’image relativement austère de la psychanalyse, Didier Morisot, notre infirmier aux chroniques quelque peu décalées nous livre, de façon très personnelle, une explication très pédagogique et imagée de quelque 22 mécanismes de défense... Tante Yvonne si tu nous entends !

Bref, les mécanismes de défense... Je souhaite, pour une fois, aborder le sujet de manière plus décontractée, voire ludique, afin de rendre accessible au plus grand nombre cette clé de lecture qui décrypte si bien notre relation à l’autre. J’espère que ce modeste rappel sera utile à ceux qui ont du mal à se diriger dans l’étude du psychisme humain, endroit tortueux s’il en est. Notons que les (heureux) lecteurs d’Amour, Gloire et Bétadine - cette excellente rubrique ! - trouveront ainsi le prolongement naturel de l’abécédaire psycho(logique) mis en ligne ici...

Plus sérieusement pour démarrer, nous mettons donc en œuvre ces attitudes réflexes (souvent inconsciemment) pour nous protéger de l’angoisse, de la souffrance psychique. Chaque individu élabore ainsi un ensemble de stratégies complémentaires lui permettant d’affronter un monde extérieur intrusif qui vient faire écho à ses pulsions et ses contradictions intérieures. Afin de mieux comprendre les réponses subtiles du Moi tiraillé entre le réservoir pulsionnel du Ça et les instances sourcilleuses du Surmoi, nous allons illustrer notre propos à l’aide de dialogues, de situations tirées de la vie courante.

La sublimation - Mécanisme élaboré permettant de convertir des pulsions brut de décoffrage en actes socialement acceptables.

Exemple : Madame a la migraine ; monsieur quitte alors le lit conjugal et au lieu de s’énerver il dépense son énergie en allant ranger le garage.

Le refoulement - Un grand classique qui fait partie du top 5 en la matière ; le Surmoi et le Moi mettent au grenier les représentations gênantes.

Exemple : Le garage est rangé et monsieur tourne en rond. Il boit une bière et essaye de penser à autre chose.

L’isolation - Une des roues de secours du refoulement lorsque celui-ci s’avère inefficace ; l’affect est séparé de la représentation.

Exemple : Si monsieur continue à tourner en rond, ça n’a rien à voir avec madame ; il est agacé, point barre.

Le déplacement - L’affect libéré se fixe sur un autre support.

Exemple : Le garage n’est pas si bien rangé que ça, en fait ; il décide de déplacer l’ancienne machine à coudre de sa belle-mère, bêtement stockée chez lui depuis vingt ans. Une Schneider 1923, une véritable antiquité (la machine, pas la belle-mère). Bref, il déplace le monstre et se fait mal au dos. Seul bénéfice de l’opération, maintenant il sait pourquoi il est énervé.

L’idéalisation - Où l’on se réfugie dans une espérance illusoire, le fantasme d’un avenir idéal qui viendrait gommer toutes nos difficultés.

Exemple : « Je me suis torpillé le dos, mais c’est quand même mieux comme ça. Et ça sera encore mieux lorsque j’aurai repeint les tuyaux et bouché les fissures du plafond ! » Monsieur se met à rêver ; la vision de son garage ainsi réaménagé prend des allures de terre promise...

La régression - On assiste à une perte des acquis antérieurs ; le sujet abandonne son statut social, ses responsabilités, et vit sur un mode primaire qui sollicite très peu ses facultés cognitives.

Exemple : En attendant, ça bouffe de l’énergie de déplacer un monstre ; monsieur va chercher une autre bière dans le frigo, ouvre un sachet de cacahuètes salées et se met devant la télé ; ça tombe bien, y’a un match de foot.

L’introjection - Réflexe également très basique ; on s’approprie, on intègre à l’intérieur de soi ce qui est en dehors afin de combler son vide.

Exemple :... mais y’a aussi dix minutes de pub à la mi-temps. ppfff... quoique ; il voulait changer de chariote, et ce qu’il voit l’interpelle ; une blonde à forte poitrine (sans migraine) se frotte contre le modèle qu’il voulait acheter. Monsieur se prend soudain pour une voiture...

L’humour - Réaction très élaborée ; le sujet met à distance le côté dramatique d’une situation afin de canaliser l’angoisse inhérente et prévenir l’agressivité extérieure.

Exemple : Le lendemain matin, madame annonce à monsieur la visite de belle-maman. Monsieur compare la voiture, la blonde 90-60-90, et la machine à coudre. Il répond en grimaçant ; « Chouette, tu sais bien que j’adore ta mère, Simone. »

L’annulation rétroactive - Tentative d’effacer ce qui a eu lieu ; mécanisme proche de la conjuration où l’on réécrit le passé.

Exemple : Maurice (c’est le prénom de monsieur) réalise qu’il a mis la Schneider 1923 dans l’endroit le plus exposé du garage ; Simone peut l’abimer en garant la voiture et risque alors de crier à la machination. Dans ce cas, l’harmonie conjugale – ce bien fragile et précieux – n’en sortira pas indemne ; Maurice décide de déplacer le monstre pour le mettre à l’abri.

Le retournement sur soi - L’affect est toujours actif malgré les tentatives pour l’ignorer ou le désactiver ; la pulsion se retourne alors contre le sujet, dans un mécanisme flou où l’on se punit plus ou moins consciemment.

Exemple : Maurice comprend qu’il va devoir supporter la machine à coudre de belle-maman pendant encore deux ou trois décennies. Il s’assoit et se prend la tête dans les mains ; « Quel crétin, je me mettrais des baffes... »

La formation réactionnelle - On modifie son attitude, ce qui permet de camoufler ses pulsions dévastatrices et d’adopter un comportement acceptable. Pour peu que l’on dépense une certaine énergie dans l’exercice, on flirte à nouveau avec la sublimation tout en faisant l’économie du refoulement. Mais sachant que, malgré tout, ça te reviendra dans la figure d’une manière ou d’une autre (un jour, je vous parlerai du retour du refoulé ; redoutable…)

Exemple : Pour se consoler, Maurice revient à ses rêves de terre promise ; il intègre la Schneider 1923 dans un espace nettoyé et plus rationnel. Le monstre est presque mis en valeur dans ce nouvel environnement, ce qui arrache un sourire à Simone venue vérifier ce que son "foutu" mari pouvait bien trafiquer dans son "foutu" garage...

Le renversement en son contraire - Ce mécanisme est une autre forme de destin pulsionnel, tout comme la sublimation, le refoulement ou le retournement sur soi dont il n’est pas très éloigné. Mis au pied du mur, le sujet concerné retourne sa veste et change son échelle de valeur, l’ancienne ne lui ayant apporté que des ennuis.

Exemple : Afin de consolider l’harmonie conjugale sus-évoquée, Maurice en rajoute et aide Simone à accueillir belle-maman. Il verse dans l’auto- persuasion tout en mettant la table ; « C’est une excellente idée d’avoir invité ta mère. Je l’aime bien, en fait... »
Et là, ce n’est plus de l’humour mais une question de survie.

La formation substitutive - Un des modes du retour du refoulé ; on a beau faire des efforts (plus ou moins conscients), le naturel revient au galop. Mets-le sur un cheval, il te gagne le Prix d’Amérique…

Exemple : Maurice – tendu - sent confusément qu’il ne peut donc s’en prendre ni à belle-maman, ni à la Schneider 1923. Reste le chat qui a le malheur de traverser le salon au moment où lui-même se lève de table ; il shoote la bête qui s’éclate sur le canapé. Simone proteste car elle tient autant au matou qu’à la machine à coudre ; l’harmonie conjugale vacille...

La rationnalisation - Devant une situation (gênante), le sujet essaye de se dédouaner car l’évidence de sa responsabilité lui est insupportable. Il trouve alors des raisons (farfelues) à l’origine du problème.

Exemple : « Mais enfin, Simone, c’est pour l’éduquer. Rappelle-toi ; il a déjà failli te faire tomber l’autre jour... »

La formation de compromis - Une manière plus diffuse de gagner le Prix d’Amérique ; l’inconscient autorise la satisfaction du désir mais sous une forme méconnaissable. Pour cela, il s’appuie sur des supports divers qui permettent à l’angoisse de s’exprimer de manière détournée ; rêves, objets contra-phobique (porte-bonheur), expression artistique…

Exemple : « Tu vas rire, Simone ; hier, j’ai rêvé que ta mère nageait dans un lagon et que les requins se baignaient en même temps qu’elle. » (Mais Simone ne rit pas, en fait...)

L’identification - Se reconnaître en quelqu’un. Mécanisme plus élaboré que l’introjection où l’on intègre une partie de l’autre. Dans le cas présent l’individu adhère à l’autre, à ses valeurs qu’il juge supérieures aux siennes et abandonne ainsi tout ou partie de sa propre personnalité. Un classique de l’identification à l’agresseur est le syndrome de Stockholm, un endroit où, lors d’un braquage, les gens pris en otages ont fait alliance avec leurs agresseurs afin de se protéger des forces de police jugées menaçantes.

Exemple : Malgré sa belle-mère, malgré les migraines de sa femme, Maurice n’ose pas trop ruer dans les brancards car il est coincé. Il cuisine en effet comme une brêle et ne sait pas faire tourner la machine à laver. Quant à repasser une chemise, cela relève de la science-fiction ; il sourit donc à Simone et lui achète même des fleurs pour son anniversaire.

La dénégation - A ne pas confondre avec le déni qui est un mécanisme frontal. La dénégation puise, elle, dans l’inconscient et nous fait dire les choses « en creux », à notre insu. Aïe…

Exemple : Simone n’est toutefois pas complètement idiote et apprécie modérément la baignade parmi les requins ; « Je te vois venir avec tes fleurs ; c’est pour te faire pardonner tes commentaires sur maman ? » Maurice se retrouve dos au mur ; « Mais tu dis n’importe quoi, Simone, je n’ai pas de problème avec ta mère ! Ou en tout cas beaucoup moins depuis son AVC et son extinction de voix. »

La projection - Une façon de se dédouaner à bon compte ; le sujet « projette » sur l’autre ses propres sentiments. C’est toi qui déconne, pas moi…

Exemple : « C’est plutôt toi qui a un problème, Simone ; tu as vu comment tu fais la tronche quand il s’agit de la mienne, de mère ? »

Le déni - Mécanisme de défense basique ressemblant au compteur qui disjoncte ; le sujet, pris au dépourvu, ne supporte pas la violence de la réalité et nie l’évidence dans un (pathétique) réflexe de survie.

Exemple : « ...allo, Simone ? Comment ? Tu as trouvé un mot dans ma veste... une certaine Béatrice m’embrasse partout et espère que ma pouffiasse sera bien absente vendredi 15 ? ...non, vraiment, je ne vois pas d’où vient ce bout de papier. Je te promets, ma chérie ; je ne connais aucune Béatrice ! »

Le clivage - Un autre mécanisme très primaire, très fréquent dans la psychose. Pas d’accès à l’ambivalence ; les choses sont blanches ou noires et totalement étanches les unes aux autres. On ne va quand même pas se prendre la tête pour des détails. Nanméo.

Exemple : « Ecoute, je te dis que je ne sais pas d’où vient ce bout de papier... tiens, au fait, puisque je t’ai au téléphone ; est-ce que je dois ramener du pain pour ce soir ? »

L’évitement - La meilleure façon de ne pas être angoissé ; éviter les situations à problèmes.

Exemple : Suite à sa conversation téléphonique avec Simone, Maurice anticipe toutefois un accueil peu chaleureux. Il rentre donc tard et investit le canapé, en évitant soigneusement le lit conjugal devenu zone à risques.

Le mépris de l’objet - Comme son nom l’indique, nous déprécions « l’objet » que l’on aimait jusqu’alors et qui ne correspond plus à nos attentes, ou qui nous échappe. Brûler aujourd’hui ce que l’on adorait hier est le meilleur moyen de faire son deuil rapidement.

Exemple : Maurice a évité la confrontation hier soir, mais ne peut y échapper à son réveil. La technique de l’évitement a en effet ses limites. Simone apprécie donc modérément d’être assimilée à une pouffiasse et décide de retourner chez ses parents (mécanisme de défense n°6, la régression). Maurice appréhende alors le triste avenir qui l’attend ; il ne peut compter à présent que sur lui-même pour se nourrir et laver ses vêtements. Il apostrophe Simone en train de claquer la porte.
« ...eh bien vas-y chez ta mère, puisque tu rêves tant de lui ressembler ! »
Le plaisir de voir s’en aller une personne que l’on n’aime plus console ainsi Maurice de ses futures difficultés ménagères.

…Voilà, j’espère avoir été clair dans ma démonstration. Et rigoureux ! Je tiens en effet à souligner le caractère extrêmement sérieux de ma démarche. Si l’exercice vous convient, je suis prêt à le renouveler dans le domaine qu’il vous plaira d’étudier ; les mécanismes du transfert et du contre-transfert, les limites du refoulement dans les chaudières à fuel, les dangers de la projection chez le cracheur de feu, ces pathologies mentales mal connues et pourtant si redoutables (l’angoisse de morcellement chez le fabricant de puzzle, la dépression océanique du présentateur météo, le baby-blouse de l’infirmière qui vient d’accoucher…)... bref, je reste à votre écoute, n’hésitez pas à me solliciter… On s’appelle et on se fait des quenelles ?

Didier MORISOT
Infirmier en Saône-et-Loire
didier.morisot@laposte.net
Avec l’aimable supervision de Cyril JOANNES, psychologue clinicien
cyril.joannes@izeos.com


Source : infirmiers.com