Un article de Libération dénonce le « côté corporatiste bien marqué » du conflit récent des IADE avec le ministère de la santé et leur prétention à « l’exclusivité » de certains actes.
Les réactions ne se sont pas faites attendre, aussi bien dans les commentaires du journal que de la part de la présidente du SNIA.
Pour Éric Favereau, le journaliste « santé » de Libération, les infirmiers anesthésistes « se sont toujours battus pour avoir une place à part. » Faisant remarquer qu’ils sont en majorité des hommes (alors que la profession infirmière est très majoritairement féminine), il interprète leur demande de reconnaissance au niveau master comme la manifestation de leur exigence de différence avec les autres infirmières, de niveau licence : ils ne « supporteraient » pas d’être placées au même niveau qu’elles. Revendication allant de pair, ils défendraient « l’exclusivité » de certains actes infirmiers, même simples.
Pour parvenir à leurs fins, ils pourraient aller jusqu’à agir « aux limites de la légalité », en profitant du fait qu’ils sont indispensables dans les blocs opératoires. Ce qui marcherait, puisque la ministre aurait « fléchi » le mois dernier en leur accordant le niveau master et en allant même jusqu’à leur accorder une prime.
Or, cerise sur le gâteau, leurs salaires avoisineraient les 3 500 euros nets mensuels (« on ne peut pas dire que dans le monde de la santé, ils soient les plus à plaindre »), ce qui n’empêcherait pas la majorité des IADE travaillant dans le public d’avoir recours à la pratique illégale de faire « des heures supplémentaires dans le privé, réussissant parfois à doubler leur salaire. »
Présidente du SNIA (Syndicat national des infirmiers anesthésistes), Marie-Ange Saget répond d’abord que la formation des IADE est « actuellement la plus longue », 24 mois, versus 18 mois pour les infirmiers de bloc opératoire et 12 mois pour les infirmiers en puériculture. Elle n’est accessible qu’après deux années d’exercice infirmier « simple ».
Elle soutient que « l’exclusivité d'exercice a été un combat de la profession pour la sécurité des patients et pour que l'anesthésie soit pratiquée uniquement par des professionnels obligatoirement formés à la discipline. Cette mesure mise en place par décret depuis 1988 a largement prouvé son efficacité en matière de sécurité. » Quant à la revendication du niveau master pour les spécialités, dont les IADE, elle « coule de source, pour valoriser mais surtout favoriser l'attractivité pour une profession qui reste malgré vous très contraignante, ne vous en déplaise ! »
Elle conteste le fait que la majorité des IADE du public arrondisse ses salaires dans le privé, ainsi que le niveau de ceux-ci. Enfin, elle fait remarquer que le passage en catégorie A réduit le différentiel de rémunération entre infirmiers spécialisés et non spécialisés.
Elle oublie d’ajouter que la reconnaissance du niveau master ne date pas des dernières manifestations des IADE, mais que celles-ci ont sans doute contribué à accélérer sa mise en œuvre effective, de même qu’elles ont abouti à une revalorisation de la fameuse prime, et non à sa création, d’un niveau que l’ensemble de organisations syndicales a jugé insatisfaisant.
Reste la question du « mépris » qu’afficheraient les IADE à l’égard des autres infirmières. Il est difficile de juger de l’attitude de tout un groupe professionnel et du ressenti des autres groupes par rapport à celui-ci en l’absence d’une enquête d’opinion solide. Disons que les avis sont pour le moins partagés … et que sans doute l’essentiel n’est pas là.
Il faut d’abord faire remarquer que les IADE semblent constituer un groupe professionnel soudé, sur le mode du « métier », ce qui est loin d’être le cas de la profession infirmière prise dans son ensemble, dont on connaît la fragmentation.
De nombreux sociologues font remarquer que la disparition de ce sentiment d’appartenance à un corps professionnel et de la fierté qui l’accompagne est une des raisons de la fameuse « souffrance au travail ».
Mais d’autres insistent sur le côté exacerbé de cette fierté en France, où perdure le sentiment aristocratique de l’honneur, chatouilleux et rapidement susceptible comme chacun sait et où il s’agit toujours de se faire valoir en invoquant l’intérêt général. Dans notre pays, les intérêts particuliers sont toujours suspects. Il faut les avancer en invoquant leur utilité pour tous.
Cela impose au journaliste de rendre compte avec prudence, en évitant de froisser les sensibilités (sauf si l’on tient à poser au briseur de préjugés) et en étant finement exact dans ce qu’on avance. Cela implique pour tous les autres d’examiner si par hasard, il ne faudrait pas balayer un peu devant leur porte.
Note de la rédaction
L'article publié le 3 novembre indiquait une formation de 9 mois pour les infirmiers en puériculture ; l'erreur, relevée par Marie-Ange Saget, a été corrigée le 5. (note de la rédaction d'Infirmiers.com)
Webographie
- Éric Favereau. Le personnel anesthésiste fait bloc pour rester à part. Libération, le 28 octobre 2010.
- SNIA. http://www.snia.net/
Serge CANNASSE
Rédacteur en chef IZEOS
serge.cannasse@izeos.com
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