Les infirmières fatiguées... de n'être qu'aimées...

Vous avez été nombreux à regarder le 16 janvier 2012 le documentaire consacré, une fois encore, aux infirmières, sur direct8 et vos nombreux commentaires – parfois satisfaits, souvent ulcérés ou encore découragés - sur nos différentes zones de libres échanges en témoignent. Intitulé « Les infirmières, héroïnes du quotidien » - l'expression avait été consacrée par le chef de l’État en 2011 - le propos affichait clairement la couleur et allait défendre, à n'en pas douter, ce que le grand public, et plus précisément les usagers de soins, louent de façon permanente en parlant des infirmières : leur engagement, leur courage, leur abnégation, leur vocation... Ah quel beau métier ! Les infirmières ne sont-elles pas premières dans le cœur des Français ?

Alors oui, c'est une caméra plutôt bienveillante qui a suivi quatre de ces « héroïnes », ou en passe de le devenir : une jeune étudiante en soins infirmiers découvrant l'univers impitoyable de la gériatrie, une infirmière aguerrie - et heureuse - travaillant dans un service de soins palliatifs, une professionnelle libérale particulièrement investie, notamment sur ses plages horaires de travail, une « exilée » portugaise prête à sacrifier sa vie dans son pays pour exercer en France... Ce que l'on en retient rejoint effectivement bien ce que l'on voulait démontrer : engagement, courage, abnégation, vocation... Et alors, à quoi cela va-t-il servir finalement car qui regarde ce type d'émissions : les infirmières elles-mêmes, leurs proches, les malades, les personnes touchées de près par la maladie ? Et les représentants de nos institutions - ministres et autres décideurs du monde de la santé - s'y risquent-ils ? En ont-ils envie ? Pas si sûr, car cette réalité dont ils ont conscience est dérangeante. Oui, ils le savent bien, la santé des Français repose en grande partie sur des soignants, certes très engagés et très courageux, mais dont le niveau de saturation flirte dangereusement avec la zone rouge... Aimer les infirmières, louer à longueur d'année leurs qualités professionnelles, leur attrait de l'autre, leurs qualités humaines jamais démenties, et ne pas prendre soin d'elles et de leurs états d'âme en leur accordant le niveau de reconnaissance - y compris financier - qu'elles méritent n'est plus acceptable. Alors oui, osons dire que les infirmières en ont assez de n'être qu'aimées... au sens affectif du terme. Il faudra bien un jour aller plus loin et comme témoigne une internaute sur le forum d'infirmiers.com dédié à cette émission : « oui, une fois encore, cela nous ramène quand même au fait que notre bac +3 vaut 1.500 euros/mois, avec des week-end, des jours fériés, des journées entières debout, des décès... Footballeuses, on gagnerait plus d'argent à courir ! ».

Une idée de reconversion ? Peut-être mais les footballeuses, certes mieux reconnues financièrement, ne sont pas, elles, dans le cœur des Français... Pour finir sur une note humoristique, ne dit-on pas qu'il vaut mieux tenir que courir ? Oui, mais tenir jusqu'à quand ?

Si vous n'avez pas pu visionner ce reportage, cliquez sur ce lien qui vous permettra de le regarder maintenant.

Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Infirmiers.com
bernadette.fabregas@izeos.com