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AUTRES METIERS

"Les gens ne veulent pas savoir ce qui se passe ici"

Publié le 08/07/2019
crédit photo sylvie legoupi

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Il y a des espaces qui sont interstitiels et primordiaux à la fois. Des antichambres connues et que l'on refuse de savoir. La chambre mortuaire est l'un de ces lieux, isolée de l'hôpital où l'on meurt plus souvent qu'à la maison. La photographe Sylvie Legoupi poursuit sa démarche débutée dans les couloirs et les chambres des services hospitaliers où l'on donne la vie mais aussi, dans ceux où l'on accompagne jusqu'à la fin les patients.

Toute la subtilité du travail d'un photographe réside dans ce qu'il nous montre et ce qu'il ne nous montre pas. La mort, tabou occidental contemporain indéniable, est alors le sujet par excellence pour mesurer l'intégrité de Sylvie Legoupi, éthique qui imprégnait déjà ses précédents reportages.

L'oeil humaniste de Sylvie Legoupi...

Rappelons-le, la photographe s'est en effet déjà interessée à ces unités hospitalières « sensibles » telles que la néonatologie, les soins palliatifs ou l'hématologie où le rapport à l’autre - ou plutôt le souci de l’autre qui est le propre de notre humanité - prend  tout son sens car aucune autre profession que celle de soignant n’impose une telle proximité quotidienne avec le corps souffrant de l’autre. Plus récemment, elle nous montrait ce qui nous est rarement donné à voir avec autant de justesse, et force de détails, la confrontation à la mort de l'autre , cet autre qui nous ressemble, cet autre qui vit ses derniers moments avec ses propres ressources, apaisé ou angoissé, accompagné des siens ou isolé socialement. B. Fabregas

Aujourd'hui, elle poursuit son travail en allant plus loin, en poussant la porte de la chambre mortuaire du CHU de Rennes, pour un hommage appuyé aux agents qui y évoluent. En effet, bien que souvent soignants, ils ont un rôle différent de ceux des services de soins dits classiques. Travaillant quotidiennement au contact de la mort, ils ne sont plus perçus dans le soin à proprement parler. Comme le souligne l'une des personnes qui travaillent en ce lieu, le regard que l'on porte sur eux oscille entre le dégoût et le voyeurisme.

Répondre à la curiosité ans brutaliser le spectateur, lui montrer ce qui est sans l'assaillir d'insoutenable. Un drap qui s'envole comme une voile, des êtres qui semblent dormir, des mains noueuses nouées sur un chapelet, des roses blanches, un enfant emmailloté, des yeux clos. Voilà ce que l'on aperçoit des morts autour desquels s'affairent les soignants. Les sons entre deux entretiens, nous immergent dans le concret des tâches.

Ce reportage audio/video/photo « Soins ultimes » participe pleinement à la juste revalorisation des agents hospitaliers travaillant en chambre mortuaire, montrant la toilette mortuaire non pas réduite à une série de gestes stéréotypés ou à un protocole, mais comme un prolongement des soins donnés antérieurement.

Mais ce sont surtout les gestes professionnels mêlés de technicité et de douceur que l'on retient. Notre anxiété est grande sur notre vulnérabilité après la mort. Ces images sont étonnamment rassurantes.  Des sourires sont échangés, des rires parfois fusent à la pause. Notre admiration est immense pour ces hommes qui évoquent pudiquement l'engagement dans leur travail. Ils n'éludent pas le fil du rasoir sur lequel ils oscillent entre affect et lucidité de praticien. Ils exercent un métier essentiel et ce n'est pas le salaire (et on s'en doutait) qui les a amenés là. Ils évoquent avec retenue qu'il y a des morts supportables et d'autres qui les bouleversent toujours autant malgré les années d'exercice. Mais ils expriment surtout leur engagement auprès des familles et leur vocation qui parfois est née lorsqu'ils étaient enfants.

« Oh qu'il est beau ! veut dire que j'ai réussi mon boulot » dit un aide-soignant . Cette phrase résume tout l'enjeu de leur travail : prendre soin une dernière fois d'un être et accueillir les proches qui entament le deuil par cette dernière rencontre. Nous souhaitons tous voir ceux que l'on a aimés avec un visage paisible et serein qui nous laisse imaginer le passage de l'autre côté sans heurts et sans douleur. Nous voulons penser qu'ils n'ont pas souffert. Et nous sommes inquiets pour nous aussi. Notre évitement de ces lieux est le refus d'affronter l'idée que nous ne ferons pas toujours partie des vivants.

« Oh qu'il est beau ! veut dire que j'ai réussi mon boulot » dit un aide-soignant.

Aucune image n'est violente, bien au contraire. Nous voyons que notre ultime toilette sera effectuée par ces mains respectueuses et délicates et sous ces regards altruistes. Alors l'apaisement naît.

Aurélia BECUWE

Découvrir le travail photographique de Sylvie Legoupi

Lire aussi cet article, très complémentaire, publié par le site theconversation "À l’hôpital, ces soignants qui préparent nos morts pour leur dernier voyage"



Source : infirmiers.com