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GRANDS DOSSIERS

Les escarres, une plaie pour les dépenses de santé

Publié le 11/08/2016
patient lit infirmière

patient lit infirmière

Les escarres sont une pathologie qui pèse non seulement par le nombre de personnes qu’elle atteint et qu’elle est susceptible de toucher mais aussi par les moyens financiers qu’elle mobilise pour sa prise en charge. Suffisant pour en faire un véritable problème de santé publique. Merci à Avenir et Santé, revue de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), de partager cet article avec la communauté d'Infirmiers.com.

On recense entre 70 000 et 112 000 nouveaux cas d'escarres à domicile par an.

En 2009, la prévalence des escarres à domicile était estimée par la Haute autorité de santé (HAS) entre 70 000 et 112 000 nouveaux cas par an. De son côté, l’Assurance maladie évaluait, en 2013, à 130 000 le nombre de patients souffrant d’escarres à domicile. Ce sont majoritairement (59,6 %) les femmes qui sont les plus touchées. Par ailleurs, précisait la HAS, « au total, (…) la population cible des patients à risque d’escarre peut être estimée dans une fourchette large comprise entre 470 000 et 1 220 000 patients vivant à domicile en France ». Les escarres concernent principalement les personnes âgées : en effet, l’âge moyen des personnes qui en sont victimes est de 78 ans tandis que 60 % ont plus de 80 ans et 80 % plus de 70 ans.

Le vieillissement de la population étant une tendance lourde et exponentielle dans notre pays (24,5 millions de personnes âgés de plus 60 ans en 2060 contre 15 millions en 2011) de même que l’augmentation constante du nombre de personnes dépendantes (pour atteindre 1,55 million en 2030), les escarres vont inéluctablement affecter davantage de patients. Les prévisions font en effet état d’une hausse de 29 % d’ici 2030 (soit 170 000 cas) et d’une population à risque avoisinant les 2,3 millions de personnes en 2060.

Une image extrêmement peu flatteuse

Paradoxalement, le poids des maux ne va pas de pair avec celui des mots : contrairement à d’autres grandes causes de santé publique que sont le cancer, le diabète ou encore les Maladies sexuellement transmissibles (MST), les escarres ne sont pas l’objet de campagnes de sensibilisation de grande envergure, regrette Vincent Genet, en charge des activités santé au sein du cabinet Alcimed, intervenant lors du rendez-vous Escarres organisé par le SNITEM le 5 novembre dernier1. Au point que nombre de ceux qui sont susceptibles d’en être affectés ignorent l’existence de ce type de lésion. Comme si les escarres pâtissaient de leur image extrêmement peu flatteuse puisque intimement liée à l’irrémédiable déchéance physique à l’approche de la mort.

Or, outre la souffrance physique qu’elles provoquent et l’altération de l’état de santé qu’elles induisent, les escarres coûtent très cher à la société et grèvent les finances de notre système de santé. Tout d’abord en raison de leurs caractéristiques. En effet, cette lésion cutanée d’origine ischémique liée à une compression des tissus mous entre un plan dur et les saillies osseuses, selon la définition du National pressure ulcer advisory panel, présente la particularité de survenir parfois en l’espace de quelques heures d’immobilisation mais de nécessiter une très longue cicatrisation s’étalant de quatre à douze mois. C’est pourquoi, elle est responsable d’une consommation accrue de soins et de ressources, comme l’a reconnu la HAS, en 2001, lors de Conférence de consensus intitulée « Prévention et traitement des escarres de l’adulte et du sujet âgé ».

Un coût global de traitement estimé à 3,35 Mds€

Ainsi, le coût global du traitement des escarres à l’hôpital et au domicile en 2011 était-il estimé à 3,35 Mds€, soit environ 2 % de la consommation de soins et de biens médicaux. Toujours en 2011, le coût de la prise en charge des escarres en soins de ville s’élevait à 693 M€. La croissance démographique et surtout le vieillissement de la population augurent une majoration importante de ce montant. Selon les projections établies par le cabinet Alcimed, il devrait atteindre 894 millions d’euros en 2030 (+29 %) et 1 323 M€ (+48 %) en 2060. Sans compter des surcoûts liés précisément au traitement des escarres. En 2011, une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a révélé que les escarres sont, par exemple, responsables d’une augmentation de 11,2 jours de la durée moyenne d’hospitalisation, soit une majoration de 5 612 € par patients.

En somme, il est urgent de faire mieux et pas forcément avec plus. De tels progrès assure, la CnamTS, auraient un impact sur la santé et la qualité de vie de nombreuses personnes avec, en corollaire, une diminution des coûts des traitement.

La prévention, cette grande oubliée

Alors qu’elle serait le meilleur des remèdes, la prévention est loin de constituer une priorité pour les tutelles. Comme le rappelait déjà en 2013 l’Assurance maladie, il existe très probablement des marges d’amélioration importantes concernant les durées de cicatrisation, la prévalence et les taux de récidive de escarres. (…) Pour les personnes vulnérables à risque élevé, les prescriptions de dispositifs peuvent réduire le taux d’incidence des escarres et améliorer leur prise en charge. Ce qui implique une évaluation en amont des risques de survenance d’escarres tant au domicile que dans le cadre d’un suivi consécutif à une sortie d’hospitalisation. La prévention est d’abord le fait de la ville, l’hôpital étant, quant à lui, mobilisé une fois que le mal est fait. Avec, à la clef, des enveloppes distinctes et non fongibles, ce qui ne facilite guère les transferts de financement pour allouer davantage de moyens à la prévention. A noter que cette dernière ne se limite pas à l’usage des Dispositifs médicaux (DM). Elle comporte également les soins de base (nursing, surveillance des points de pression, effleurage, planification des changements de position) ainsi que la prise en charge nutritionnelle (aliments enrichis, surveillance régulière etc.). Deux dimensions de la prise en charge que pourraient développer les IDEL puisqu’elles sont en théorie de leur ressort et de leur compétence.

Surcoûts conséquents et morbidité accrue

Inversement, la non-application de bonnes pratiques de prévention est génératrice de surcoûts conséquents pour le système de santé et s’accompagne d’une morbidité accrue. En clair, la prévention coûte notoirement moins cher. L’Assurance maladie estime ainsi qu’une réduction de 5 % de la prévalence des escarres se traduirait par une économie de 50 M€ sur les soins de ville. Et pour ce qui est de l’utilisation des DM, le traitement d’une escarre à un stade avancé représente un supplément de 14,35 € par patient et par jour par rapport au coût de la prévention. Or, les dépenses liées aux DM d’aide à la prévention des escarres à domicile (matelas, surmatelas, coussins…) ne représentent que 6,5 % du coût total de la prise en charge, par l’Assurance maladie, des escarres en ville. Pourtant, insiste Vincent Genet1, associé en charge des activités santé au sein du cabinet Alcimed, ces dispositifs représentent une source d’efficience et participent à limiter le recours à des prises en charge institutionnelles plus coûteuses.

Enfin, l’Assurance maladie soulignait, en 2013, dans ses propositions pour améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses de santé, la difficulté, pour les prescripteurs, de bien connaître la liste de ce type de dispositifs, ce qui constitue un frein à leur prescriptions adéquate. Faute de bien maîtriser dans le détail les Supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres (Sapte), les médecins de ville y font donc insuffisamment appel alors que, comme le souligne Vincent Genet1, il existe un consensus autour de l’intérêt médico-économique d’une approche préventive de l’escarre.

Cet article est paru dans la revue de la FNI "Avenir et Santé", n° 445.

Note

  1. « Rendez-vous avec les supports d’aide au traitement des escarres », conférence organisée par le SNITEM le 5 novembre 2015 à la Maison de la Chimie (Paris).

Alexandre TERRINI


Source : infirmiers.com