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LEGISLATION

Législation - Interruption des soins par l'infirmier/infirmière : est-ce fautif ?

Publié le 07/03/2012

Il est souvent fait état du refus de soin du patient et plus rarement du droit pour les soignants de refuser d'effectuer des soins ou de les interrompre. Pourtant cette faculté existe, notamment pour les infirmiers ou infirmières. Elle est prévue, et encadrée à l'article R 4312-41 du code de la santé publique.  La MACSF, partenaire d'infirmiers.com, partage un article très complet sur le sujet écrit par la juriste Delphine Roussel, paru le 5 octobre 2011 sur son site internet. Nous la remercions pour cet échange productif.

Le cadre réglementaire

Si cette faculté existe, il n'en demeure pas moins que le patient ne doit pas en pâtir. Il ne serait pas admissible, pour un magistrat, qu'un patient affaibli se retrouve livré à lui-même. Ce droit offert aux infirmiers trouve ainsi sa limite dans ce même article lequel énonce, comme un préambule, que « l'infirmier ne doit pas nuire au patient ». Cette précision vient ainsi renforcer le principe selon lequel « l'infirmier ou l'infirmière agit en toute circonstance dans l'intérêt du patient ». En cas de litige, les juges ne manqueront pas d'analyser les intentions du professionnel de santé.

C'est pourquoi, avant de refuser de prodiguer des soins ou d'interrompre la prise en charge d'un patient, l'infirmier s'assure de la bonne continuité des soins du patient.

Pour cela, il doit :

  • expliquer au patient les motifs de la cessation des soins. Il ne suffit pas, de l'informer de la décision mais réellement de lui en donner les raisons. Si un écrit n'est pas exigé par les textes, il est toutefois fortement recommandé. Ainsi en cas de litige, il sera plus aisé de démontrer que - - le patient a eu toutes les explications nécessaires ;
  • remettre au patient, la liste départementale des infirmiers et infirmières. Bien que le texte précise que cette remise à lieu « à la demande du patient ou de ses proches », il est plus prudent d'en prendre l'initiative même en l'absence de demande. Le patient pouvant, contrairement à l'infirmier, ignorer l'existence de cette liste ;
  • remettre au médecin prescripteur les indications nécessaires à la continuité des soins ;
  • le cas échéant, remettre au médecin désigné par le patient ou ses proches, avec leur accord, la fiche de synthèse du dossier de soins infirmiers.

A défaut, il pourrait voir sa responsabilité retenue.

Une récente décision de justice

L'infirmière n'a commis aucune faute. C'est en ce sens que s'est prononcé le Tribunal de Grande Instance de S. le 1er février 2011.
A la suite d'un accident du travail, un patient, devenu tétraplégique, bénéficie quotidiennement à son domicile des soins de deux infirmières. 7 ans plus tard, la relation de confiance se dégrade en raison de critiques sur la qualité des soins prodigués. Les deux infirmières adressent à leur patient un courrier l'informant de la cessation de la prise en charge un mois plus tard. Le patient les assigne devant le tribunal aux fins d'indemnisation, pour manquement à leurs obligations professionnelles. Il fait notamment valoir, qu'en acceptant de prendre en charge une prescription de soins établie par le médecin traitant renouvelée pour six mois, elles acceptaient de mener à terme cet engagement.
Le tribunal déboute le patient de l'ensemble de ses demandes, car :

  • les infirmières lui ont expliqué par courrier les raisons de la cessation de leur intervention ;
  • il a bénéficié d'un délai de prévenance suffisant d'un mois pour trouver un remplaçant ;
  • le médecin traitant a été prévenu ;
  • la liste départementale des infirmiers lui a été remise.

Le tribunal considère, en conséquence, que les dispositions de l'article R 4312-41 du code de la santé publique ont été respectées : l'interruption n'a pas été brutale.
Il précise, d'autre part, que « la continuation des soins en application de la dernière prescription de 6 mois, ne signifiait pas pour autant que les infirmières avaient renoncé à leur décision d'interrompre la relation contractuelle. En effet, il ne peut y avoir de concordance parfaite entre la durée d'une prescription médicale, et la date de cessation de la collaboration d'une infirmière chargée de la mettre en œuvre. Ce faisant, elles ont simplement exécuté leurs obligations professionnelles, la prescription devant être assurée postérieurement par le remplaçant choisi par le malade ».

Delphine ROUSSEL
Juriste, MACSF
http://www.macsf.fr

 


Source : infirmiers.com