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IDEL

Le sort de la patientèle en cas de divorce

Publié le 16/09/2015
certificat de mariage

certificat de mariage

Après quelques années dans les liens du mariage, vient parfois le temps du divorce. Si le divorce est souvent l’occasion de comprendre qu’il ou elle n’a pas choisi le bon ou la bonne partenaire, il peut être aussi l’occasion de réaliser que le travail d’infirmier a un prix. Si l'infirmier(e) en doute encore parfois, il/elle s'en rendra compte au moment du divorce quand la valeur de la patientèle sera intégrée à la communauté et qu'il faudra la partager avec son ex-conjoint(e). Explications.

La patientèle constitue un bien commun qui tombe dans la communauté et implique un partage...

Le mariage est un bien dont seuls les conjoints ont conscience. Citation de Ralph Waldo Emerson ; Journal intime (1803-1882).

En effet, en cas de divorce le/la conjoint(e) va souvent revendiquer des droits et une indemnisation pour le cabinet acquis ou créé au cours du mariage. Une telle demande peut elle aboutir ? Tout dépend au départ du régime matrimonial choisi par les époux.

  • La réponse est NON si les époux ont opté pour un régime de séparation de biens, le fonds libéral (= la clientèle) sera toujours considéré comme un bien propre à l’époux qui exerce la profession. En conséquence, en cas de divorce l’infirmier(e) garde le fonds libéral.
  • La réponse est OUI si rien n’a été prévu au moment du mariage ; si aucun contrat de mariage n’a été conclu, cela signifie que les époux relèvent par défaut du régime de la communauté réduite aux acquêts.

Le régime de la communauté réduite aux acquêts signifie que :

  • ce que chacun possède avant le mariage reste la propriété personnelle ainsi que les biens qu’il reçoit par donation ou succession pendant le mariage (= les biens propres) ;
  • et les biens acquis par les époux pendant le mariage ainsi que les revenus (notamment ceux résultant du travail) sont communs (= les biens communs).
    Par conséquent, la patientèle constitue un bien commun qui tombe dans la communauté et implique un partage.  Mais un partage de quoi dans la mesure ou seul le titulaire du diplôme d’infirmier peut exercer la profession !

Distinguer le titre de la finance...  

Longtemps l'infirmier(e) dépossédé(e) a tenté d’invoquer le fait que la patientèle civile était un bien propre puisqu’il dépendait de l’obtention d’un diplôme (médecin, pharmacien ou infirmier) et que sans ce diplôme, la patientèle n’existerait pas mais les juges ont établit une distinction entre le titre (le diplôme) et la valeur de la patientèle. Ainsi dans le cas du divorce d’un pharmacien, il a été décidé que si, aux termes des dispositions du Code de la santé publique, la propriété des officines de pharmacie est réservée aux personnes titulaires du diplôme de pharmacien, la valeur du fonds de commerce acquis par des époux communs en biens tombe en communauté  (Cass. 1ère civ. 18 octobre 2005, n° 02-20.329).

Il convient dès lors de distinguer le titre de la finance. Le titre d'exploitation (le diplôme) est propre à l'époux qualifié, alors que le fonds d'exploitation et d'abord la patientèle, fait partie de la communauté, avec les conséquences qui doivent en découler, à savoir que les patientèles civiles créés ou acquises au cours de l'application du régime de communauté légale ne sont pas des biens propres par nature au sens de l'article 1404 du Code Civil.

En conséquence, l’époux non-infirmier a droit à la moitié de la valeur patrimoniale de la clientèle.

En cas de difficultés sur le partage de la communauté, le juge peut nommer un expert chargé d’évaluer la valeur de la clientèle.

Questions/Réponses

- Question : que se passe-t-il si j’ai créé ou acquis ma clientèle avant le mariage ?

- Réponse : Si la clientèle a été créée ou acquise avant le mariage, elle reste un bien propre à l'infirmière.

Cour d'appel de Douai 11 mars 2013 RG 12/01547: le fonds libéral de l'épouse infirmière créé cinq mois avant le mariage n'entre pas en communauté. En l'espèce, l'ex-mari soutient qu'elle n'a pas pu dans ce délai de cinq mois se constituer une clientèle. Cependant l'infirmière libérale qui a cédé la clientèle indique avoir été la première infirmière installée après des religieuses. La clientèle existait donc et il importe peu qu'elle ait été cédée à la femme à titre gratuit dès lors que cette cession est intervenue avant le mariage. Il importe peu que la femme n'ait disposé d'un local professionnel que plusieurs années après dès lors que cette obligation n'a été instituée qu'en 1993.

Attention, le simple fait de s’installer quelques mois avant le mariage ne sera pas suffisant dès lors que la clientèle se créera pendant le mariage.

- Question : Que se passe-t-il si je cède ma patientèle à titre gratuit peu de temps avant le divorce ?

- Réponse : Si la patientèle a été cédée à titre gracieux avant le divorce (alors qu'elle aurait pu être cédé à titre onéreux), la valeur de la patientèle peut être réintégré dans la communauté.

La valeur peut même être intégralement acquise à l'époux non infirmier s'il est démontré le « recel de communauté » sur le fondement de l'article  1477 du code civil qui dispose que « celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets ».

En d'autres termes, l'époux infirmier qui a cédé à titre gratuit sa patientèle peut se voir condamner à verser à son ex conjoint l'intégralité de la somme qu'il aurait perçu s'il avait cédé sa patientèle à titre onéreux, à condition cependant qu’il soit démontré que la volonté de l'infirmier était de détourner de l'argent lors de la cession gratuite de patientèle en fraude des droits de la communauté et de porter atteinte à l'égalité du partage.

C'est l'expérience vécue par une infirmière ayant exercé pendant 7 ans en libéral dont les premiers juges ont fixé la valeur de la patientèle à la somme de 38 856,24 euros représentant une année de bénéfice imposable alors même que la patientèle avait été cédée à titre gracieux quelque mois avant le divorce. En appel la valeur de la patientèle sera ramenée à la somme de 16483,29 euros et la sanction du recel (retenue par les premiers juges) ne sera pas finalement pas maintenue (cour d'appel de Douai 12 mai 2011. RG 10/04341

Que faut-il retenir ?

Un régime de séparation peut vous prémunir de la revendication par votre conjoint du produit de votre travail et vous permettre de prendre toutes les décisions qui vous semblent pertinentes dans l'exercice de votre profession sans avoir à en référer à votre conjoint. Il est préférable dans cette hypothèse de choisir ce régime au moment du mariage.

Une patientèle a de la valeur et ne doit pas être forcément cédée à titre gracieux. Si vous n'y croyez pas d'autres y croiront pour vous et vous pourriez être condamné à verser de l'argent à votre ex-conjoint sans même avoir perçu le produit de votre travail.

Maître Christelle CHOLLET   Avocat au Barreau de Melun  http://www.cchollet-avocat.com


Source : infirmiers.com