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PSYCHIATRIE

Le somatique "trop souvent négligé" par les soignants en psychiatrie

Publié le 06/07/2016

Chez les patients atteints de troubles mentaux, le suivi somatique est "trop souvent négligé", a dénoncé mardi Béatrice Borrel, présidente de l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), lors du congrès "soins somatiques et douleur en santé mentale" organisé à Paris par l'Association nationale pour la promotion des soins somatiques en santé mentale (ANP3SM).

Rappeler que les patients atteints de troubles mentaux ne meurent pas en premier lieu de suicide, mais de maladies somatiques, cardiovasculaires en particulier... et qu'il ne faut donc pas négliger l'aspect somatique.

Béatrice Borrel intervenait dans le cadre d'une table ronde sur le ressenti des usagers sur la prise en charge globale en 2016, qui réunissait également le Dr Djéa Saravane, président de l'ANP3SM, praticien hospitalier et responsable du centre régional soins somatiques et douleur en santé mentale et autisme de l'établissement public de santé (EPS) Barthélémy-Durand à Etampes (Essonne), le Dr Nabil Hallouche, praticien hospitalier de l'hôpital Maison-Blanche à Paris et le Pr Emmanuelle Corruble, psychiatre au centre hospitalier universitaire (CHU) du Kremlin Bicêtre (AP-HP) à Bicêtre (Val-de-Marne). Les psychiatres, souvent, ne se préoccupent pas du suivi somatique de leurs patients ; ils ne sont pas coordonnés avec les médecins généralistes, et prennent très peu en compte les comorbidités addictives, a pointé la présidente de l'Unafam.

Elle a rappelé que les malades psychiques avaient un recours aux soins somatiques moins fréquent, ce qui s'explique aussi par une image d'eux-mêmes négative. Ils ne sont pas dans la demande de soins, et souvent n'expriment pas leur douleur physique, a-t-elle souligné. Leur accès aux soins est également compliqué du fait de leur précarité sociale, leur méconnaissance du dispositif de soin, les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous et enfin le manque de prise en compte de leur anxiété lors de ceux-ci. Dès lors, c'est soit la famille ou l'entourage qui doit rappeler au malade psychique la nécessité des analyses, examens ou rendez-vous dentaires, soit il n'y a aucun dépistage, ce qui signe l'apparition de nouvelles maladies chroniques et peut conduire à une mort prématurée, a expliqué Béatrice Borrel. Nous demandons que la prise en charge somatique des personnes souffrant de pathologies psychiques chroniques sévères soit reconnue comme une priorité de santé publique, a-t-elle martelé. Cette prise en charge doit être organisée en définissant des règles de collaboration, notamment pour ce qui est de la transmission réciproque d'informations sur l'état de santé de la personne, avec son accord, a-t-elle poursuivi. Elle a demandé que la formation initiale et continue des médecins, psychiatres ou généralistes, prenne mieux en compte les problèmes somatiques des personnes souffrant de maladies psychiques, que le rôle des acteurs des secteurs paramédical et médico-social ainsi que de l'entourage soit explicité et valorisé, et enfin que l'éducation thérapeutique de ces personnes et de leurs proches soit développée.

Nous demandons que la prise en charge somatique des personnes souffrant de pathologies psychiques chroniques sévères soit reconnue comme une priorité de santé publique.

Les malades de troubles mentaux ne meurent pas en premier lieu de suicide, mais de maladies somatiques, cardiovasculaires en particulier, a souligné le Pr Emmanuelle Corruble, qui a également indiqué que cette population mourait en moyenne 20 ans plus tôt. Si les psychiatres veulent faire évoluer la psychiatrie, ils ne peuvent pas s'enfermer dans des prises en charge purement psychiatriques, a-t-elle expliqué, insistant sur le fait qu'un bon psychiatre est d'abord un bon médecin. Elle a également cité une étude publiée dans la revue Lancet, qui démontre que quand on est un patient facile et souriant, on a un bien meilleur diagnostic que quand on est un patient complexe, ce qui pose évidemment problème pour les patients psychiatriques. Si seuls 20% des patients en psychiatrie qui doivent l'être sont hospitalisés, quid des 80% qui restent ? a enchéri le Dr Djéa Saravane. Nos patients font peur, parfois les autres médecins ne veulent pas les prendre en charge : il faut déstigmatiser, a-t-il expliqué, avant d'annoncer qu'il travaillait actuellement à la rédaction d'un guide de bonnes pratiques dans les établissements sanitaires, qui devrait être publié "avant la fin de l'année".

Nos patients font peur, parfois les autres médecins ne veulent pas les prendre en charge : il faut déstigmatiser

Ces patients sont discriminés non seulement par la société en général, mais aussi par les soignants que nous sommes, a pointé le Pr Corruble. Elle a signalé l'existence d'une unité expérimentale mixte aiguë au CHU du Kremlin-Bicêtre, à même de prendre en charge patients en psychiatrie et consultations somatiques dans les mêmes locaux. Il faut installer une culture du soin somatique en milieu psychiatrique, et du psychiatrique en somatique, a confirmé le Dr Hallouche, qui a évoqué des tentatives de création d'un espace d'échanges à l'hôpital Maison-Blanche. De nombreux soignants présents dans l'assistance ont également participé au débat, faisant part de leurs expériences. La piste de la formation a été évoquée à de nombreuses reprises pour améliorer la situation. Globalement, les choses vont plutôt dans le bon sens, mais il reste de grosses zones d'ignorance, a conclu le Dr Hallouche.

L'Unafam lance une enquête en ligne sur la représentation des usagers en psychiatrie

L’une des missions sociales de l’Unafam consiste à défendre les intérêts communs des familles et des malades à travers notamment des mandats de représentation dans les instances des établissements psychiatriques. Afin d’assurer au mieux ces mandats de représentation, l’Unafam a décidé de faire le point sur le vécu des personnes vivant avec des troubles psychiques et de leurs proches, pour être au plus près de leurs attentes. Une enquête en ligne, destinée aux personnes vivant avec des troubles psychiques et à leurs proches, est lancée.


Source : infirmiers.com