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PUERICULTRICE

Le robot permet de "simplifier les émotions" pour les enfants autistes

Publié le 23/11/2018
Le robot permet de

Le robot permet de

Pour travailler auprès de patients, de personnes âgées ou encore d’enfants, certains établissements se munissent de plus en plus de robots. Agnès Desbiens, maître de conférences en psychologie de l’enfant et de l’adolescent en poste à l’ESPE Lille, enseignante chercheuse au laboratoire PSITEC (université de Lille), membre du Centre de Ressources Autismes Hauts de France, nous explique en quoi les robots présentent un intérêt auprès de jeunes patients autistes.

"On se rend compte qu’en présence de robots, l’attention des enfants autistes est davantage maintenue, l’attention conjointe améliorée, leur décrochage attentionnel est plus rare."

L’autisme est un trouble neurodéveloppemental qui touche 1 enfant sur 150 environ. La terminologie officielle est ‘trouble du spectre de l’autisme’ car il existe de nombreux degrés d’autisme, précise Agnès Desbiens. Certains enfants n’ont pas de langage, parfois l’autisme est associé à une déficience intellectuelle. A l’autre bout du spectre, les capacités intellectuelles peuvent être tout à fait préservées mais les enfants (comme les adultes autistes) présentent malgré tout ce qu’on appelle des "déficits de la théorie de l’esprit" ou du "sens social", qui se manifestent par des difficultés à se mettre à la place de l’autre, à donner du sens à une conversation ou encore à lire les émotions de l’autre. La participation à des jeux sociaux, la compréhension des conventions sociales peuvent ainsi poser problème. Un exemple : jouer au loup pour un enfant autiste, et se voir toucher par un autre joueur pour devenir "le loup" peut n’avoir aucun sens, justement à cause de cette absence de sens social commun à tous les autistes et qui empêche une certaine adaptation de ces personnes, de ces enfants, au milieu social. Il faut ajouter à cela que 74 à 92 % des personnes autistes présentent aussi des particularités sensorielles, des hyper ou des hyposensibilités (olfactives, auditives, visuelles…) qui rendent leur environnement immédiatement difficile à appréhender voire à supporter. Enfin, pour les enfants autistes, et plus généralement pour les personnes autistes, l’inconnu (personne, lieu ou situation) génère énormément de stress. Il est donc souvent nécessaire de les aider à planifier ou à cadrer les choses, leur emploi du temps, les séquences d’activités…

 74 à 92 % des personnes autistes présentent aussi des particularités sensorielles, des hyper ou des hyposensibilités (olfactives, auditives, visuelles…) qui rendent leur environnement immédiatement difficile à appréhender voire à supporter.

Une fois posé ce tableau clinique, on comprend mieux en quoi l’utilisation du robot peut avoir une utilité pour ces enfants. En effet, on a cherché à simplifier les émotions des humains par des machines afin de pouvoir les lire plus facilement sur leurs visages et pour ainsi, faciliter les interactions avec le robot, puis l’humain. Beaucoup de programmes travaillent les émotions de base : la joie, la colère, le dégoût ou la peur, pour commencer à aider les enfants autistes à prendre des repères », souligne l’enseignante chercheure. Exit par exemple le second degré, très difficile à appréhender pour eux. Le message peut donc est plus clair grâce à la machine, à condition de l’avoir paramétré au plus juste des besoins de l’enfant, évalués préalablement. « On a aussi cherché à modéliser des séquences reproductibles, des scénarii sociaux tout comme certaines tâches d’apprentissage, qui sont autant de repères, d’invariants rassurants pour un enfant autiste.

 Avec un programme ajusté aux besoins de chaque enfant, on observe qu’en présence des robots, on a une diminution des stéréotypies et des comportements inadaptés.

Le robot, un outil entre les mains des thérapeutes

Le robot social constitue essentiellement un outil, un support prédictible et plus accessible que l’être humain en termes d’interactions sociales, toujours sous réserve d’être bien paramétré en fonction du niveau de compétence de l’enfant, explique Agnès Desbiens. Les résultats sont visibles surtout au niveau des apprentissages élémentaires. On se rend compte qu’en présence de robots, l’attention des enfants autistes est davantage maintenue, l’attention conjointe améliorée, leur décrochage attentionnel est plus rare (certaines recherches rapportent notamment 80% du temps de présence avec le robot utilisé de manière active). Les séquences programmées permettent aussi de constater des progrès dans l’apprentissage de l’hygiène, et de manière générale, dans tous les apprentissages de base qui comportent une séquence reproductible. Le robot "Leka" ("jouer" en suédois), sorte de boule lumineuse conçue par une équipe française pour aider les enfants qui souffrent de troubles du développement, en est un bel exemple. Les robots ont aussi l’avantage de ne pas se lasser et de reproduire une séquence avec la même énergie devant un enfant qui en manifesterait le besoin.

Ainsi, avec un programme ajusté aux besoins de chaque enfant, on observe qu’en présence des robots, on a une diminution des stéréotypies et des comportements inadaptés, une plus grande attention et une réduction du stress ainsi qu’une meilleure reconnaissance des états émotionnels de base, résume Agnès Desbiens. Pour améliorer la gestion du stress, certains robots permettent par exemple de visualiser à distance des lieux (des musées par exemple), une fonction très intéressante pour favoriser le repérage anticipé d’un lieu et donc pour diminuer l’anxiété.

 On se rend compte qu’en présence de robots, l’attention des enfants autistes est davantage maintenue, l’attention conjointe améliorée, leur décrochage attentionnel est plus rare.

Le robot améliore les interactions y compris de l’enfant avec le thérapeute

Les interactions des enfants avec les robots se trouvent améliorées par la présence de ces machines, mais autre résultat intéressant : on remarque également que le volume des échanges augmente avec l’humain (le thérapeute, le chercheur, l’adulte), en présence de robots. Autrement dit, le robot permet aussi l’amélioration des interactions indirectes, note Agnès Desbiens. Ce que les robots apportent, ce n’est ni plus ni moins que l’adaptation d’une tâche pour la rendre plus claire. Le robot, en cela, n’est rien de plus qu’un outil, et c’est déjà ça !. L’objectif est de rendre les personnes autistes un peu plus autonomes au niveau de l’apprentissage. Malgré tout, aucun robot aujourd’hui n’est suffisamment autonome pour identifier le niveau de l’enfant. L’adulte reste donc toujours indispensable.  

Il est probable qu’avec le temps et l’amélioration de l’ergonomie cognitive des robots, leur utilisation se développe encore. Ils vont sans doute gagner en souplesse et nous pourrions ainsi assister à une généralisation de leur utilisation, estime Agnès Desbiens.

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com