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Le livre noir des hôpitaux

Publié le 27/03/2009

Philippe Houdart, François Malye et Jérôme Vincent, auteurs depuis 1998 des palmarès des hôpitaux, ont compilé des dizaines d'entretiens avec des patients et des professionnels du monde de la santé et des extraits de rapports, notamment des chambres régionales des comptes, de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de conseillers généraux des établissements de santé.

Dans ce livre qui sera disponible en librairie à partir de mardi 31 mars et dont APM a déjà eu un exemplaire, ils ont souhaité montrer "comment, dans un pays comme le nôtre, tant d'inégalités peuvent subsister, avec des coûts humains et financiers incalculables mais le plus souvent passés sous silence".

Plusieurs extraits de cet ouvrage sont publiés jeudi dans le Point, précise-t-on.

Parmi les sujets abordés figurent notamment le problème des logements de fonction des directeurs d'hôpital et le cas du directeur général du CHU de Caen, Joël Martinez, qui a démissionné le 10 mars et qui avait fait effectuer pour plus de 800.000 euros de travaux pour la rénovation de sa villa de fonction.

Dans le premier chapitre, les trois auteurs se penchent sur les pratiques de remplacement dans les hôpitaux, également appelé "mercenariat". Ils dénoncent certaines sociétés d'intérim médical, qui seraient peu regardantes sur l'âge limite des praticiens, sur leurs compétences et qui surtout enverraient des praticiens à diplômes étrangers non inscrits à l'Ordre des médecins faire des remplacements, alors qu'ils n'ont légalement pas le droit de pratiquer en France.

Les trois journalistes évoquent également plusieurs cas où une société aurait envoyé en remplacement dans un hôpital un médecin non inscrit en le faisant passer pour un autre, notamment durant l'été 2007 "période de fortes tension (...), où une vingtaine d'établissements, généralement de petites structures, auraient été victimes de ce genre de supercherie".

Ils rapportent qu'un gynécologue-obstétricien suspendu pendant cinq mois à partir de décembre 2008 aurait néanmoins effectué des remplacements. Ils relèvent par ailleurs que des praticiens hospitaliers à temps plein pratiquent illégalement des remplacements.

Dans un autre chapitre intitulé "Ces grands malades qui nous soignent", les auteurs dénoncent les problèmes d'addictions, d'alcoolisme ainsi que les troubles psychiatriques qui affectent certains médecins qui continuent néanmoins d'exercer. Ils rassemblent plusieurs témoignages de professionnels de santé sur des praticiens souffrant de ces problèmes qu'ils ont côtoyés au cours de leur carrière, notamment en anesthésie-réanimation.

Interrogé par les auteurs, le président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), François Aubart, souligne que ces problèmes touchent toutes les spécialités médicales et qu'il a également croisé des directeurs "très, très, très gravement atteints par l'alcoolisme".

Il estime que ces problèmes concerneraient une centaine de cas chez les médecins et chez les directeurs. Une étude de 2006 avait évalué à 300 le nombre de médecins susceptibles de faire appel à une unité d'addictologie, rappellent les auteurs.

"Dans pratiquement chaque hôpital, il y a un drogué ou un harceleur sexuel ou un incompétent notoire", selon le Pr Guy Vallancien, chef du service d'urologie à l'Institut mutualiste Montsouris (IMM) à Paris et secrétaire général du Conseil national de la chirurgie (CNC), cité dans le livre.

Dans un entretien avec les auteurs, le Pr Antoine Brézin, qui dirige le service d'ophtalmologie ambulatoire de l'hôpital Cochin à Paris, qui soigne des médecins, dont des chirurgiens, indique que "ceux qui présentent une maladie de l'oeil et qui continuent à travailler sont nombreux".

Les trois journalistes dénoncent l'absence de contrôle régulier de l'aptitude médicale et de mise à l'écart des fonctions à risques en cas d'inaptitude avec un réel suivi médical.

DES TAUX DE MORTALITES TRES VARIABLES

Un chapitre est consacré à la variabilité des taux de mortalité entre les établissements et au "secret bien gardé" entourant ces données.

Les auteurs ont calculé un indice de mortalité, tenant compte de l'âge des opérés, pour une intervention en chirurgie digestive. "Si l'on compare les 343 centres hospitaliers généraux entre eux, la mortalité pour les interventions majeures sur le côlon y varie de 0 à 2,73" (quand l'indice dépasse 1, cela correspond à une surmortalité), de 0 à 1,63 dans les CHU, de 0 à 3,29 dans les centres de lutte contre le cancer et de 0 à 5,79 dans les cliniques.

Dans ce chapitre, ils reviennent également sur le cas de l'hôpital de Carhaix (Finistère) où une surmortalité avait été relevée dans le service de chirurgie digestive.

Les auteurs consacrent un chapitre aux bavures médicales et aux réticences du monde médical à signaler et analyser les accidents. La Haute autorité de santé (HAS) a recensé 7.000 signalements de "presque accidents" depuis la mise en place du recueil au printemps 2008 qui concerne uniquement 7.800 médecins soit un quart des praticiens exerçant une spécialité à risque dans un établissement de santé, indiquent-ils.

Le livre liste des erreurs d'administration de soignants, des erreurs chirurgicales causées notamment par des internes, des erreurs de diagnostic médical ainsi que des problèmes d'infections nosocomiales, liées à des conditions de stérilisation pas toujours optimales. Les trois journalistes reviennent sur les accidents qui ont eu lieu dans les établissements de santé lors de fêtes de fin d'année 2008 et sur l'affaire d'Epinal (Vosges) avec la surirradiation de 5.500 patients de 1987 à 2006.

Ils détaillent les circonstances entourant le décès de Frédéric Pradier en mars 1999 suite à une infection nosocomiale et la mise en cause de plusieurs praticiens hospitaliers de la Pitié-Salpêtrière.

Le sujet des petits hôpitaux de proximité est également abordé. Les auteurs dénoncent la volonté des élus de conserver ces petits hôpitaux et publient les conclusions de plusieurs rapports établis dans le cadre de la mission du Pr Henri Guidicelli, missionné en 2006 par le ministère de la santé pour visiter chacune des structures en crise.

"A la lecture de ces comptes rendus de 'visites sur site', il est maintenant possible d'affirmer, autrement que par des chiffres ou quelques rapports épars (...) qu'on a laissé perdurer durant de longues années un danger pour les patients: incompétence de certains praticiens, équipes en nombre insuffisant pour assurer la sécurité, accidents à répétition, querelles internes, fuite des patients, mais malgré tout volonté de conserver ces services qui, en réalité, les paralysent et les empêchent de développer l'offre de soins dont les populations ont réellement besoin", observent les auteurs.

Les auteurs évoquent les cas de l'hôpital et de la clinique de Bagnols-sur-Cèze (Gard), des hôpitaux de Redon (Ille-et-Vilaine), Pertuis (Vaucluse), Lannemezan (Hautes-Pyrénées), Altkirch (Haut-Rhin), Tonnerre (Yonne), Clamecy (Nièvre), Barbezieux (Charente), Tarare (Rhône), Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Gourdon (Lot) et Saint-Affrique (Aveyron).

Le livre détaille également les conditions de travail difficiles des soignants et les problèmes de gestion des hôpitaux, notamment à l'hôpital d'Ajaccio qui, en plus de déficits importants, aurait contracté des emprunts toxiques.

DEMENTI DU PR VALLANCIEN

Dans un communiqué diffusé jeudi, le Pr Vallancien a tenu à préciser que "les propos qui lui ont été prêtés" dans le Livre noir des hôpitaux "ne sont en rien de lui" et "qu'il n'a jamais répondu à une interview par les auteurs sur ce sujet".

Il ajoute qu'"il n'accepte d'être interrogé par les journalistes qu'à la condition express d'une relecture du texte avant publication afin d'éviter toute imprécision scientifique ou tout malentendu sémantique".

(Le livre noir des hôpitaux, François Malye, Philippe Houdart, Jérôme Vincent, Calmann-Lévy, 262 pages, 18 euros)

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Source : infirmiers.com