Le handicap est généralement associé à une déficience visible, de nature médicale. Mais de nombreux handicaps sont invisibles. Ils obligent les personnes qui en sont porteuses à d’importants efforts pour se faire accepter telles qu’elles sont, en particulier dans leur milieu de travail.
« L’homme bien portant est son corps, l’homme malade a un corps… » (Maine de Biran)
Handicap !
A l’évocation de ce mot, on pense tout de suite à un état médical. Cependant, derrière ce terme, c’est toute une arborescence de concepts qui se cache.., tant son domaine d’application est vaste, flou et malheureusement encore bien tabou :
- vaste, car la complexité des déficiences englobe aussi bien celles visibles que non visibles, et celles physiques, sensorielles, ou psychiques ;
- flou, car sémantiquement parlant, il y a tout un vocabulaire et diverses terminologies à employer ; les définitions, classifications, voire les termes, connotent bien souvent des sens péjoratifs, négatifs, pour ne pas dire stigmatisants ;
- tabou, car les diverses lois dites dissuasives, n’ont guère permis de faire évoluer ni de modifier les perceptions et représentations sociales ; bien au contraire, il y a comme une gêne à définir le handicap, comme si « mal parler du handicap », c'était déjà d'une certaine manière mal l'intégrer.
Sans pour autant psychologiser les personnes porteuses d’un handicap, on peut néanmoins reconnaître que quel que soit le milieu socioculturel, l’existence d’une déficience, quelle qu’en soit la nature –physique ou psychique - peut engendrer des conséquences tant sociales que psychologiques.
Des déficiences non spectaculaires
Pour notre société normée, ne rentrent dans les schémas du handicap que ceux qui sont visibles. Ainsi, une personne appareillée, cela est visible ; une personne sourde, on la distingue par son audioprothèse ; autrement dit, pour être considéré, il faut passer par les codes de notre société.
Or, contrairement aux idées reçues, les gênes "cachées" sont parfois plus « handicapantes » que celles qui sont visibles.
Qu’en est-il alors de ceux dont les difficultés ne sont pas apparentes ? De ceux et celles qui même s’ils arrivent à voir, entendre ou marcher « un peu », le font imparfaitement et au prix d’efforts importants, qui seraient bien mieux employés à combattre leurs maux ou pourraient être diminués grâce à des aménagements adaptés ? De ceux et celles dont le corps défaillant ou fragilisé vivent dans la crainte de voir ce dernier se dérober en majorant le sentiment de trahison à l’égard de soi-même ?
Ces handicaps, dits invisibles, sont plus fréquents qu’on ne l’imagine ; ce sont même les nombreux. Ils se définissent par la diminution de l’usage d’une ou plusieurs fonctions ou par une plus grande fatigabilité. On entend par fonctions le plus souvent les problèmes sensoriels, de locomotion, d’une maladie invalidante.
On pourrait croire que ce caractère d'invisibilité recèle des avantages, le plus notable étant que ceux qui en souffrent sont moins susceptibles de faire l'objet de discriminations a priori, de regards indiscrets. Il n’en demeure pas moins que la souffrance est belle et bien présente ; le sujet, atteint dans son corps, base de sa vie physique, doit se battre au quotidien avec lui.
Face au risque d’incompréhension de l’entourage, qui ne peut pas ou ne veut pas comprendre, au jugement désapprobateur des tiers, les personnes concernées sont contraintes de donner une image trompeuse d’elles-mêmes. Ils vont mal, mais ont l’air d’aller bien.
L’envie de s’isoler peut devenir alors irrésistible, tant la personne concernée par le problème se sent sans cesse obligée de se justifier. Tout cela n’engendre qu’angoisse, culpabilité, honte, souffrance majeure et sentiment d’infaillibilité. L’illusion de normalité s’en trouve alors balayeée.
Devoir donner le change
En effet, seule frappe la singularité du handicap,comme si toute la personnalité se trouvait déterminée par la déficience. Mais voilà ! dans le cas des handicaps dits invisibles, le problème est autre, puisqu’il n'y pas de caractéristiques corporelles évidentes. L'Autre s'interroge, se questionne, constate le trouble qui s'installe en lui. En étiquetant et en ramenant la personne à son handicap, ne l'englobons nous pas de manière plus générale dans un processus de stigmatisation culturellement associée à sa déficience?
Cacher son handicap, devoir donner le change, vivre dans cet entre-deux continu – dans le même temps, cacher malgré tout et faire « comme si » - ne fait qu’accroître la douleur, tout en affectant la combativité. Le sujet est donc pris entre le désir d’être et l’impossibilité d’être. Tout cela lui demande de nombreux efforts pour paraître, trouver de nouvelles astuces, tricher pour être accepté des autres, et surtout ne pas voir son identité ramenée et réduite à son handicap, plutôt qu'aux caractéristiques qui font pour lui la spécificité de son être, comme sujet humain à part entière.
Des souffrances réelles mal perçues par les autres
Dans ce monde construit visiblement par mais aussi pour des gens valides et performants, où l'esthétique prévaut, l’individu affecté devra se construire un véritable système de défense pour se protéger des découragements, du jugement des autres et d’une éventuelle dépression.
Dans cette difficulté de faire le deuil du manque, de sa perte, il lui faudra sans cesse tenter de convaincre qu’il ne joue pas la comédie et que ses souffrances sont bien réelles, même si elles ne se voient pas. L’image qu’il renvoie sur lui et qu’il a de lui devient impliquée et affectée dans son émergence :
- la déficience dérange puisqu’elle révèle à l’autre ce qu’il ne voulait pas voir, ennuie car elle suscite de la souffrance, du rejet, voire fait peur, car cela peut nous arriver par un accident de la vie ;
- le handicap renvoie une image narcissique abîmée, susceptible d’aggraver l’inadaptation sociale, affective et environnementale. En miroir de la personne handicapée, c'est la question du corps réel et du désir qui se trouve posée. Dès lors les risques éventuels pour l’intéressé peuvent être de dépenser une énergie considérable pour masquer son désordre intérieur, voire de présenter des comportements déviants, ou encore d’être sous l’emprise d’un traitement fort qui ralentirait leur vitesse de perception et de compréhension.
Dans le monde du travail, même si pour les recruteurs, le handicap n’est ni un frein à l’embauche, ni un frein à l’évolution professionnelle, il reste qu’accepter l’autre avec sa différence est une chose ; mais accepter l’autre dans sa ressemblance en est une autre, beaucoup plus ardue, car plus menaçante d’une part, plus compliquée d’autre part : on ne connaît pas forcément la nature du handicap de la personne embauchée.
La relation avec la personne déficiente en est dissonante. La personne non-handicapée pose son regard tel un aimant pour lever le voile sur ce qui l'intrigue depuis le début : que peut il bien avoir pour prétendre à une reconnaissance de travailleurs handicapés en situation professionnelle ?
Comment aborder alors la différence ? C'est parfois difficile d'accepter le handicap, car cela a un effet miroir, cela dérange, nous renvoie vers notre propre handicap. C'est donc un travail à faire sur soi, que d’accepter la différence y compris dans ce qu’il y a d’inacceptable pour celui qui le subit. C’est aussi l’accepter dans ses capacités et ses ressemblances. Enrichir sa vie, n’est-ce pas aussi rencontrer toutes sortes de personnes ?
Bibliographie
- Les handicaps invisibles, Dr Henri Rubenstein, Seuil 2008
- Déficiences motrices et handicaps, Le Handicap à vivre, APF, Juin 1996
- Mes yeux s’en sont allés, Maudy Piot, L’Harmattan, Oct.2005
Roland NARFIN
Psychologue (GRETA)
rnarfin@yahoo.fr
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