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Le Conseil constitutionnel censure une partie de la procédure d'hospitalisation à la demande d'un tiers

Publié le 01/12/2010

Le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la procédure de maintien en l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT - décision du 26 novembre 2010).

Le Conseil constitutionnel a été saisi en septembre par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur huit articles du Code de la santé publique (CSP) résultant de la loi du 27 juin 1990 sur l'HDT. L'article L.3212-7 du CSP (ex-L.337), qui est annulé, prévoit qu'au-delà des 15 premiers jours d'HDT, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois, renouvelable, au vu d'un certificat médical circonstancié indiquant que les conditions de l'hospitalisation sont toujours réunies.

Le Conseil constitutionnel estime qu'un juge devrait confirmer l'HDT en vertu "des exigences découlant de l'article 66 de la Constitution selon lesquelles la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible", indique-t-il.

"Les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui conditionnent la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai. Mais, en prévoyant que l'hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de 15 jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions de l'article L.337 méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution". Le Conseil constitutionnel a donc déclaré "l'article L. 337 contraire à la Constitution". L'annulation de l'article sera effective au 1er août 2011 "afin de permettre au législateur d'y remédier". Le gouvernement a donc jusqu'à cette date pour le modifier.

Or le gouvernement a déposé en mai un projet de loi "relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge" qui réforme la loi du 27 juin 1990 et qui modifie cet article. La décision du Conseil constitutionnel pourrait donc l'obliger à le discuter au Parlement au premier semestre 2011 en vue d'une promulgation avant cette date.

Le Conseil constitutionnel a aussi émis une réserve sur l'article L.3222-1 du CSP sur la saisine du tribunal de grande instance (TGI) par une personne hospitalisée à tout moment de son hospitalisation. Le juge judiciaire est "tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments d'information complémentaires sur l'état de santé de la personne hospitalisée", souligne le Conseil constitutionnel.

En revanche, le Conseil déclare conformes à la Constitution les articles du CSP sur les conditions d'admission en HDT (L.3212-1, L.3212-2, L.3212-3 et L.3212-4 du CSP). Ces conditions "assurent que l'hospitalisation sans le consentement du malade, à la demande d'un tiers, ne soit mise en oeuvre que dans les cas où elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade. Par ailleurs, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté".

Les droits des personnes hospitalisés, qui sont identiques pour les personnes en HDT et hospitalisées d'office (HO), précisés à l'article L 3211-3 du CSP, "n'apparaissent pas, par eux-mêmes, contraires à la dignité de la personne".

"Il appartient aux professionnels de santé ainsi qu'aux autorités administratives et judiciaires de veiller, dans l'accomplissement de leurs missions et dans l'exercice de leurs compétences respectives, à ce que la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée en toutes circonstances".

Les dispositions de l'article L.3211-3 (restrictions à l'exercice des libertés "limitées à celles nécessitées par l'état de santé de l'intéressé et la mise en oeuvre de son traitement") "ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'exercice de droits constitutionnellement garantis". "Si une personne en HDT ou en HO ne peut s'opposer aux soins médicaux que ses troubles requièrent, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait ici opéré une conciliation non inconstitutionnelle entre les exigences de protection de la santé et de protection de l'ordre public, d'une part, et la liberté personnelle, d'autre part. En tout état de cause, les garanties encadrant l'hospitalisation sans consentement permettent que l'avis de la personne sur son traitement soit pris en considération", indique le Conseil constitutionnel.

Décision consultable ici

Note de la rédaction : De nombreux professionnels ont estimé que la décision du Conseil constitutionnel rend urgente la réforme de la loi du 27 juin 1990, inscrite en Conseil des ministres depuis mai, mais toujours pas à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Le président du Syndicat des psychiatres hôpitaux (SPH), Jean-Claude Pénochet, a déclaré sa "satisfaction complète" de la reconnaissance de "l'intervention systématique du juge au delà de 15 jours. (...) Le Conseil constitutionnel place l'autorité judiciaire comme gardien des libertés individuelles. Nous espérons l'extension dans le futur de sa décision aux hospitalisations d'office [HO]. (...) Notre cheval de bataille est de revenir à une seule modalité d'hospitalisation avec la disparition du motif de risque de troubles à l'ordre public", rappelle-t-il. "Il est possible de penser que les décisions de sortie de HO ne soient plus placées dans les mains du préfet et deviennent du ressort du juge car la décision porte sur les garanties des libertés et pas sur le risque de troubles à l'ordre public."

Me Corinne Vaillant (Groupe information asiles) se félicite que "l'essentiel" ait été "retenu", mais se dit déçue que le Conseil constitutionnel n'ait émis qu'une réserve sur le délai dans lequel le juge statue. "Le recours au juge existe mais il n'est pas vraiment effectif". Cependant, ajoute-t-elle, la réserve va "obliger les juges à évoluer".

Enfin, André Bitton, ancien président du GIA, juge la décision "très décevante" car "minimaliste". "Elle laisse la porte ouverte au débat politique sur la judiciarisation, mais elle laisse la personne ballotée entre justice administrative et justice judiciaire, ce qui ne facilite pas les recours". La position sur le délai de réponse du juge "confirme le contenu du décret du 20 mai sur les délais d'examen de demandes de sortie de HO et de HDT" - que le GIA conteste devant le Conseil d'Etat - mais la mesure devient "d'ordre législatif et non plus réglementaire".


Source : infirmiers.com