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L'apithérapie : le miel, allié dans la cicatrisation des plaies

Publié le 02/12/2015
pot de miel

pot de miel

Allié depuis des millénaires de l'aide à la cicatrisation des plaies en raison de ces très belles vertus, le miel fait son retour aujourd'hui dans certains services hospitaliers. Zoom sur ce qu'il faut savoir sur l'apithérapie...

Quelle usage du miel dans la prise en charge des plaies chroniques ?

L’apithérapie tire son nom d’Apis mellifera, l’abeille domestique. Le miel est connu depuis des millénaires dans la cicatrisation des plaies. Abandonné depuis la seconde guerre mondiale au profit de produits dit « modernes », il a fait son retour depuis 25 ans dans certains centres hospitaliers, en particulier à Limoges, dans le service de chirurgie viscérale du Pr Descottes, pour cicatriser des plaies complexes. En revanche, en soins de plaies à domicile, son absence de remboursement par les organismes d’assurance maladie limite son utilisation. Ses propriétés anti-bactériennes et anti- inflammatoires, ainsi que son action dans la vitesse de cicatrisation ont déjà fait l’objet d’études concluantes. Cependant, à ce jour, son usage reste plus proche de la légende urbaine, voire du « remède de grand-mères » que de la validation scientifique. Tentons d’y voir plus clair… 

Le miel : quelques rappels historiques…

Le miel est connu depuis l’antiquité1. Déjà les Égyptiens (-2600 JC) l’utilisaient comme offrandes aux Dieux, cosmétiques, base de médicaments. Associé à la cire et la propolis il servait à embaumer les corps. Le “Papyrus d’Edwin Smith” (-1500 JC) rapportait 48 cas cliniques de plaies et leurs traitements. Le miel y figurait en bonne place, associé à de la graisse.  Chez les Sumériens, en Mésopotamie, il était appliqué à l’aide de « pansements occlusifs ». Les grecs ont récupéré les mêmes rites funéraires et cultuels que les égyptiens, et les romains (eux-mêmes inspirés par les grecs), appliquaient le miel sur la peau pour ses vertus adoucissantes et hydratantes.

Hippocrate (460-377 av. J.-C) le cite comme « médicament » et le recommande en cas de fièvre, ulcères et plaies purulentes. Plus proche de nous, il a été utilisé durant la première et la deuxième guerre mondiale pour accélérer la cicatrisation des plaies des soldats. Dès les années 30, des études objectivent son intérêt sur des brûlures ou plaies aiguës, y compris sans désinfection préalable. Toutes les observations corroborent une vitesse de cicatrisation multipliée par deux sous l’influence du miel. C’est depuis 1984 que des études scientifiques sont menées, par le Pr Descottes, au CHU de Limoges. Ce chef de service, passionné par les abeilles, avait lancé une étude randomisée2 pour comparer les effets du miel versus la biogaze® et le débrisan®. Les plaies concernées (issues de la chirurgie viscérale) étaient complexes, résistantes à tout traitement et en retard de cicatrisation. Elles présentaient de plus des risques infectieux. C‘est ainsi 3000 plaies qui ont été traitées au miel dans ce service, celui-ci réduisant le temps de cicatrisation et limitant le risque d’infection.

Le miel : de multiples propriétés…

Le miel possède des propriétés physico-chimiques intéressantes dans le cadre de la cicatrisation3 :

  • une forte concentration en sucre (glucose-fructose et saccharose, 75 à 80%) et ses 17% d’eau : Cette forte osmolarité extrait l’eau des cellules vivantes, rendant le lit de la plaie moins favorable à la survie des bactéries et germes. Il draine de ce fait les exsudats, créant un flux de lymphe vers l’extérieur, qui entraîne avec lui les germes et tissus morts (nécrose, fibrine). Le miel agit ainsi comme une solution hypertonique ;
  • son hygroscopicité, c’est-à-dire qu’il absorbe l’humidité contenue dans l’air et permet une régulation du milieu humide de la plaie, propice à l’épithélialisation ;
  • son PH acide, compris entre 3,2 et 5,4 (celui de la peau se situe aux alentours des 4,7)4. Certains micro-organismes nécessitant un milieu plus alcalin pour se développer (7,4), ce ph acide aura les vertus d’une solution antiseptique ;
  • ses enzymes, saccharase et diastase qui accélèrent la réaction biochimique ;
  • ses propriétés anti-bactériennes : lors de la fabrication du miel, le glucose, l'eau et le dioxygène sont transformés en acide gluconique et en peroxyde d'hydrogène par une enzyme, la gluco-oxydase. Cette enzyme n'est pas active dans le miel pur. En revanche, elle est activée par la présence d'eau, comme sur la peau ou sur une plaie. (Gluco-oxydase) + Glucose + eau + dioxygène ---> acide gluconique + peroxyde d'hydrogène
    Le peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) est un oxydant qui dénature les protéines des micro-organismes. Ce peroxyde, inoffensif pour les cellules humaines est à grand pouvoir antiseptique.

    Par ailleurs, une étude néerlandaise de 2010 a mis en évidence l’existence et le rôle de la « défensine-1 »5, petite protéine retrouvée chez les insectes, les animaux et chez l’homme. Ces protéines sont impliquées dans la défense immunitaire et servent à combattre les infections. Le miel est ainsi actif sur Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa et Enterococcus faecium. L'activité antibactérienne prononcée du miel serait due également à la méthylglyoxal réactive (MG).

    Cependant selon les bactéries et le type de miel utilisé, l’efficacité du miel est variable sur les plaies chroniques.6

  • Sa viscosité permettrait grâce à un effet « barrière », de limiter la constitution du biofilm (agrégat d’espèces bactériennes), souvent à l’origine de retard de cicatrisation des plaies chroniques. De plus, son coté visqueux permet un retrait atraumatique du pansement.
  • Le miel a également des propriétés nutritives, immunostimulantes et désodorisantes.

Le miel : les principales indications...

Le miel est fréquemment utilisé sur des plaies chroniques, résistantes à tout autre traitement, et donc en seconde intention.

Aide à la détersion

Nous avons vu qu’une des propriétés du miel est sa capacité de détersion. Par effet osmotique, il y a un appel d’eau qui déterge, ne provoque pas d’adhérence, reste confortable pour le patient (action antalgique rapide).

  • Une étude prospective de 2008 évalue le pouvoir de détersion du miel, comparé à un hydrogel. À 4 semaines de traitement, la réduction de taille de la plaie  était de 34% avec le miel de Manuka contre 19% avec l’hydrogel (p=0,001)7
  • Une étude de 2011 a analysé les résultats cliniques et la relation coût/bénéfice de l’utilisation de miel dans le traitement de la déhiscence de plaies opératoires chez des patients avec tumeurs « tête et cou ». Compte tenu de la comorbidité de ces patients et de leur fragilité, le miel semblait moins toxique que des traitements antibiotiques et des pansements quotidiens prolongés. Alors que les plaies n’évoluaient pas sous traitement classique, le miel a permis une cicatrisation en moins de 3 mois, pour un coût moindre.8
  • Une revue de littérature de 2015 établit que si la détersion par le miel s’avère plus lente que la larvothérapie (cf article infirmiers.com) ou le curage mécanique, elle reste  supérieure aux hydrogels, hydrocolloides ou agents enzymatiques9

Aide à lutter contre les infections

Grâce aux propriétés anti-inflammatoires de l’eau oxygénée et des béta-défensines, on trouvera dans les indications d’apithérapie les plaies infectées au staphylocoque doré (MRSA), entérocoques, bactéries résistantes. Le miel aide en effet à réduire les œdèmes et la charge bactérienne en absorbant l’humidité de la plaie.  Il permet une hygrométrie stable, favorisant la phase de bourgeonnement.

L'apport sur les plaies aiguës

Le miel a des effets bénéfiques sur les plaies aiguës, qu'elles soient franches (dermabrasions, coupures) ou chirurgicales (kystes sacrococcygiens, fermetures de stomie)2. Les patients atteints de brûlures du 1er ou 2eme degré seront rapidement soulagés par une application de miel. Le même effet apaisant est constaté sur les lésions cutanées, gerçures, crevasses.

L'apport sur les plaies chroniques

Parmi elles, on retrouve des escarres10, des ulcères de jambe d’étiologie veineuse, des plaies en retard de cicatrisation, complexes, résistantes à tout autre traitement. Les moignons d’amputation sont également des plaies sur lesquelles le miel sera très efficace.

L'apport sur la phase d’épidermisation

La réépithélialisation se faisant à partir des berges, l’oxygène contenu dans le miel améliore le débit sanguin et stimule les facteurs de croissances. 

L'apport sur les plaies malodorantes et douloureuses

Les germes anaérobies étant écartés (grâce à l’eau oxygénée), les odeurs caractéristiques de ces colonisations, seront réduites. De même les vertus apaisantes du miel permettent de réduire significativement la douleur des plaies en particulier dans les ulcères veineux non cicatrisés.11

Le miel : quelles limites d’utilisation ?

Bien que multifonction, l’utilisation du miel a tout de même des limites. On évitera ainsi de le déposer sur des plaies sèches (artérielles) car une douleur intense peut survenir, n’oublions pas sa capacité à absorber l’eau. De même, sur des plaies très exsudatives, ses capacités absorbantes ne seront pas suffisantes. Peut-on utiliser le miel chez des patients diabétiques ? Oui ! Des études ont prouvé que la consommation de miel peut contribuer à équilibrer le taux de glycémie d’un patient diabétique. Sur les plaies, il n’y a pas de passage du miel dans le sang.  Il n’y a donc aucune contre-indication à son utilisation sur les plaies des patients diabétiques, les ulcères de plaies diabétiques cicatrisant plus rapidement grâce à l’effet du miel, il est au contraire tout indiqué.  On le réservera cependant aux plaies exsudatives et non aux plaies présentant une nécrose sèche d’origine ischémique (majoration de la douleur). Une étude randomisée menée entre 2006 et 2010 démontre que le miel est un agent efficace dans la cicatrisation des plaies de pied diabétique12. Il faut également prendre en compte la composante économique du miel, car alternative peu coûteuse au regard des pansements modernes, et permettant une diminution des temps de soins.

Le miel : quelles précautions d’emploi ?

Les abeilles sont les sentinelles de notre environnement. Elles butinent (jusqu’à 3 km de la ruche) et absorbent les produits phytosanitaires, s’abreuvent dans les plans d’eaux qui contiennent des métaux lourds, et substances chimiques. Le miel est ainsi contaminé et peut devenir toxique pour l’homme, en particulier s’il est apposé sur des plaies, portées par des personnes fragilisées par ailleurs. Si les abeilles ont pouvoir de tuer les bactéries, certaines spores résistent, comme les spores du clostridium (botulisme). Alors, bien entendu, ce n’est pas du miel alimentaire qui sera utilisé sur les plaies. Dans le commerce, on retrouve du miel industriel (qui parfois n’est même pas du « vrai » miel) qui est un produit dégradé contrairement au miel « bio ». Outre la garantie d’une production biologique et contrôlée, le miel utilisé dans les soins de plaie sera stérilisé, par rayons gamma et à basse température. Un professionnel de santé se doit de garantir la provenance des produits qu’il prescrit ou applique.

Autre précision, tous les miels n’ont pas les mêmes propriétés :

  • le miel de thym, dont la plante est reconnue pour ses propriétés antiseptiques, est intéressant du point de vue de l’activité antimicrobienne ;
  • le miel de lavande serait également bon bactéricide et particulièrement indiqué pour les applications externes en cas de brûlures, piqûres d’insectes, plaies infectées ;
  • mais c’est le miel de Manuka qui est le plus utilisé et recommandé. Issu du Manuka (Leptospermum scoparium), un arbrisseau poussant uniquement en Nouvelle Zélande, il contient du péroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) en grande quantité, qui est un antiseptique reconnu. Il est efficace sur les bactéries multi résistantes, a des propriétés anti-inflammatoires et cicatrisantes13 : la concentration de méthylglyoxal dans le miel de manuka est jusqu'à 100 fois plus élevé que dans les miels classiques.

Ces miels recommandés pour une utilisation sur les plaies se trouvent dans les pharmacies d’officine, sur des sites spécialisé dans les produits de santé, les magasins bio… Ils se présentent généralement sous forme de gel en tube, de pommade, de compresses imprégnées, de fibres (à haut pouvoir absorbant). Pour ne pas perdre ses propriétés il devra être conservé entre 14 et 20 degrés, et ne pas être chauffé. Il faudra veiller à respecter la date limite d’utilisation.  Il n’est à ce jour pas remboursé.

Le miel : quelle utilisation sur des pansements ?

Le miel peut être appliqué directement sur la plaie, après nettoyage à l’eau (ou sérum physiologique) et au savon doux. La détersion mécanique reste un geste indispensable pour favoriser le processus de cicatrisation. Si le miel n’est pas assez fluide réchauffez-le légèrement entre les mains, en le gardant tiède. Vous pouvez utiliser un tampon de gaze pour l’étaler.  Il sera recouvert d’une compresse, puis d’un film semi perméable. On évitera les hydrocolloïdes, occlusifs et qui ne permettent pas les échanges gazeux. La fréquence des réfections dépendra de la quantité d’exsudats et de la saturation du pansement. Tous les jours à tous les deux jours sont suffisants, car le miel est antibactérien.14

Pour conclure...

Bien qu’encore peu utilisé, le miel a démontré ses vertus cicatrisantes et anti bactériennes sur des plaies chroniques ou aiguës. À condition de respecter sa provenance d’origine bio et stérilisée, il représente une alternative efficace et écologique pour les soins de plaies. Son remboursement au titre de dispositif médical pour les soins de ville permettrait sans doute une utilisation moins marginale, lui redonnant ses lettres de noblesse.

You know what ? I’m « API » !

Notes

  1. Lechaux D. LE MIEL ET LA CICATRISATION DES PLAIES [Internet]. Available from www.abcd-chirurgie.fr
  2. Descottes B. Cicatrisation par le miel, l’expérience de 25 années. Phytothérapie. 2009 Apr;7(2):112–6.
  3. Desmoulière A. Le miel, de remarquables propriétés cicatrisantes. Actual Pharm. 2013 Dec;52(531):17.
  4. Lambers H, Piessens S, Bloem A, Pronk H, Finkel P. Natural skin surface pH is on average below 5, which is beneficial for its resident flora. Int J Cosmet Sci. 2006 Oct;28(5):359–70.
  5. Kwakman PHS, te Velde AA, de Boer L, Speijer D, Vandenbroucke-Grauls CMJE, Zaat SAJ. How honey kills bacteria. FASEB J. 2010 Jul 1;24(7):2576–82.
  6. Lu J, Carter DA, Turnbull L, Rosendale D, Hedderley D, Stephens J, et al. The Effect of New Zealand Kanuka, Manuka and Clover Honeys on Bacterial Growth Dynamics and Cellular Morphology Varies According to the Species. Manganelli R, editor. PLoS ONE. 2013 Feb 13;8(2):e55898.
  7. Gethin G, Cowman S. Retracted: Manuka honey vs. hydrogel - a prospective, open label, multicentre, randomised controlled trial to compare desloughing efficacy and healing outcomes in venous ulcers: An open label, multicentre, prospective study. J Clin Nurs. 2009 Feb;18(3):466–74.
  8. Pereira S, Ferreira L, Magalhães M. Utilisation de miel dans le traitement de plaies compliquées chez patients avec tumeurs «â€¯tête et cou ». Ann Fr Oto-Rhino-Laryngol Pathol Cervico-Faciale. 2013 Oct;130(4):A164.
  9. Molan  peter, Rhodes. Honey: A Biologic Wound Dressing. Wounds. 2015;27(6):141–51.
  10. Arzt H, Fromantin I, Ribinik P, Barrois B, Colin D, Michel J-M, et al. Which medical device and/or which local treatment are to be used, as of 2012, in patients with infected pressure sore? Developing French guidelines for clinical practice. Ann Phys Rehabil Med. 2012 Oct;55(7):498–507.
  11. Dunford CE, Hanano R. Acceptability to patients of a honey dressing for non-healing venous leg ulcers. J Wound Care. 2004 May;13(5):193–7.
  12. Imran M, Hussain MB, Baig M. A Randomized, Controlled Clinical Trial of Honey-Impregnated Dressing for Treating Diabetic Foot Ulcer. J Coll Physicians Surg--Pak JCPSP. 2015 Oct;25(10):721–5.
  13. Maddocks SE, Lopez MS, Rowlands RS, Cooper RA. Manuka honey inhibits the development of Streptococcus pyogenes biofilms and causes reduced expression of two fibronectin binding proteins. Microbiology. 2012 Mar 1;158(Pt_3):781–90.
  14. Service de chirurgie digestive. Peau de miel. CH de Limoges; 2013.    

Florence AMBROSINO, Inf MScN    Formatrice en cicatrisationfambrosino13@gmail.com  @fambrosino13


Source : infirmiers.com