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Laissons le harcèlement moral au juge !

Publié le 03/08/2015

Le harcèlement moral est un sujet souvent abordé quand on évoque les risques psychosociaux. Nadine Maudinas, psychologue du travail que nous vous avons déjà présentée dans nos colonnes, nous fait part de son analyse d’une telle situation et de ses conseils pour remédier à ses répercussions sur la santé au travail.

Parler de harcèlement moral au travail renvoie à deux réalités : celle de la justice et celle de l’entreprise au sens large.

Réalité juridique ou organisationnelle

Faire face au harcèlement moral...

Juridiquement, le simple fait de se sentir victime de harcèlement ne suffit pas à le constituer. Seul le juge, après avoir analysé les agissements de l’auteur et les conséquences subies par la victime, est en mesure de caractériser le harcèlement moral. Aujourd’hui, même si la jurisprudence évolue, nombreuses sont les affaires classées sans suite, par manque de preuves suffisantes. Et puis, certains salariés ne veulent pas aller jusque-là, faute de temps, d’argent et surtout faute de « foi ». En effet, ils estiment le combat perdu d’avance dans cette lutte du pot de terre contre le pot de fer. Enfin, les personnes qui signent une rupture conventionnelle ne saisissent pas la justice.

Sur le terrain de l’entreprise, les situations de violence se banalisent, qu’il s’agisse ou non de harcèlement moral. Pour lutter efficacement, il convient d’aborder la question sous l’angle du travail, sans chercher à caractériser les agissements en cause et donc à parler de harcèlement moral.

Le premier conseil aux salariés victimes de harcèlement

Il m’est arrivé de rencontrer des salariés - et non des patients - estimant être « victimes de harcèlement moral ». Après les avoir écoutés me parler des violences qu’ils subissent et des répercussions qu’ils observent sur leur travail et, le cas échéant, sur leur santé, j’étudie avec eux les actions qu’ils peuvent mettre en œuvre pour faire face. Devant les troubles du sommeil, de l’alimentation, de l’humeur, de la concentration… il peut être urgent de se faire aider par un traitement approprié et parfois par un arrêt de travail. C’est souvent le premier conseil que je donne.

Quand quitter l’entreprise ?

Il n’y a pas de règle a priori, ni de moment opportun. Seul le salarié décide, en fonction de sa santé, de son désir… c’est lui qui vit la situation. Sur le long terme, l’unique solution est de mettre en œuvre des actions pour prévenir les violences au travail. Qu’il reste à son poste ou qu’il le quitte, le salarié a besoin de soutien, de protection et de suivi. Dans l’entreprise, les relais « naturels » sont les collègues, la hiérarchie, les représentants du personnel… et le psychologue du travail quand la fonction existe. Par ailleurs, le salarié peut faire appel au médecin du travail pour envisager un aménagement de poste et ainsi éviter d’être exposé à d’autres situations de violence. Dans tous les cas, mon rôle est d’accompagner la personne dans son choix et la protéger de complications éventuelles.

Le rôle de l’organisation RH et du management

Les causes des violences - pas seulement du harcèlement moral - sont multiples et complexes. Si elles ne s’enracinent pas toutes dans le management, elles ont toutes pour origine le travail. Dès lors, les solutions passent par le cadre de proximité, auprès de son équipe et non en « reporting » ou en réunionnite, par le responsable RH, en soutien du cadre de proximité et non en gestion de tableaux Excel, et par le CHSCT, force de propositions sur les conditions de travail et non sur les luttes syndicales.

Au final, laissons le harcèlement moral au juge et prenons à bras le corps le travail pour prévenir les violences.

Nadine MAUDINASPsychologue du travail nadine.maudinas@sfr.fr


Source : infirmiers.com